Entretien

Camille Lorente pour Comedy Class : “Éric et Ramzy étaient clairement mes idoles durant mon enfance”

26 avril 2024
Par Agathe Renac
Camille Lorente sur le tournage de “Comedy Class”.
Camille Lorente sur le tournage de “Comedy Class”. ©Bureau233

Stand-uppeuse, créatrice de contenu et podcasteuse, Camille Lorente a (déjà eu) mille vies. Après avoir foulé les scènes parisiennes et s’être confiée au micro de 4 quarts d’heure, l’humoriste s’est lancé un nouveau défi : Comedy Class, l’émission événement d’Éric et Ramzy.

Vous êtes à l’affiche de Comedy Class, la nouvelle compétition d’humour animée par Éric et Ramzy. Comment avez-vous vécu cette aventure ?

C’était formidable et très intense. Cette émission représentait aussi un gros défi pour moi, car je n’avais jamais partagé les blagues de mon stand-up, même sur les réseaux sociaux. Là, c’était filmé, diffusé sur Internet, pas sous mon contrôle éditorial… C’était un gros challenge, mais ça m’a permis de m’assumer en tant que stand-uppeuse, de me confronter au jugement de professionnels, de partager tous ces moments avec des artistes que j’ai connus en open mic et qui font partie de ma “promo”, et de rencontrer Éric et Ramzy, qui étaient clairement mes idoles durant mon enfance et mon adolescence. Je suis arrivée aux sélections en pensant qu’on allait me renvoyer chez moi, mais je suis finalement allée plus loin et j’ai adoré cette aventure. Ça m’a confortée dans l’idée que je voulais en apprendre plus sur ce métier et devenir meilleure.

C’est d’autant plus étonnant que vous avez commencé votre carrière en tant que journaliste, avant de vous lancer dans le stand-up. Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de vie ?

J’ai toujours fait du théâtre et je voulais vraiment jouer la comédie. Tous les mois, le média dans lequel je travaillais [Madmoizelle.com, ndlr] avait un plateau de stand-up à la Nouvelle Seine et j’y assistais en tant que spectatrice. Marine Baousson animait cette scène, et elle m’a proposé de faire une première tentative. J’ai alors découvert la sensation de faire du stand-up à Paris, de pouvoir jouer tous les soirs, d’être sur les planches… Et j’ai trouvé ça très cool.

Et à quoi ressemblait cette première scène ?

C’était évidemment très stressant, comme toutes les premières scènes. En plus, ça ne ressemblait pas du tout aux premiers pas “classiques” dans le stand-up. En général, on est sur un open mic, on a trois minutes et on joue devant un public d’autres humoristes qui sont aussi venus pour leur passage. Là, on m’a laissé dix minutes – ce qui est relativement énorme pour un premier essai – devant une centaine de personnes qui étaient vraiment venues voir le spectacle et qui me connaissaient grâce à ma chaîne YouTube chez Madmoizelle. C’était des conditions particulières, mais ça s’est hyper bien passé.

Ressentez-vous autant de stress avant de monter sur les scènes parisiennes ou celles du Comedy Class, aujourd’hui ?

Avec le temps, on arrive à gérer la pression. Quand tu fais des centaines de plateaux, tu normalises l’exercice, mais je dois avouer que je ressens toujours ce petit stress avant de monter sur scène. La beauté de ce métier, c’est aussi de tester une nouvelle blague sans avoir la certitude que ça va marcher, même après dix ans de stand-up. Tu es toujours “débutant” quand tu testes du nouveau matériel. Mais pour répondre à votre question : oui, je suis heureusement moins stressée que pour mes premiers essais, qui me retournaient complètement. Je faisais des blackouts et je ne me rappelais même plus ce qu’il s’était passé sur le plateau.

Mais c’est fou !

Ah oui, c’est intense le stand-up (rires) ! Tu ne peux pas juste dérouler ton texte. Si ça ne marche pas, le revers du rire n’est pas le silence, mais le malaise.

Et vous l’avez déjà ressenti, ce malaise ?

Tout le monde a déjà bidé dans sa vie. Je pense que personne ne peut y échapper.

Entre le succès du podcast 4 quarts d’heure et la multiplication des scènes, j’ai l’impression que 2023 a été une année pivot pour vous…

C’était surtout une année charnière pour le stand-up en général. Il y a eu les séries Drôle, Jeune et Golri et Comedy Class, et de nombreux comedy clubs ont fleuri durant ces quatre dernières années. J’ai l’impression que ça prend de plus en plus d’importance en France. Par exemple, les villes de province commencent à avoir leurs propres salles. On a encore pas mal de chemin à faire pour arriver au niveau des Américains, mais il y a un vrai essor.

De mon côté, l’année 2023 a effectivement été marquée par le lancement du podcast, et le tournage de Comedy Class a confirmé cette idée que j’avais de me lancer à 100% dans le stand-up. Entre YouTube, le podcast et les soirées La Chatte en feu que j’organise avec Louise Pétrouchka, j’avais multiplié les activités et cette émission m’a vraiment permis d’ouvrir les yeux. Je me suis dit que je devais concentrer mon énergie sur cette activité et préparer une heure de spectacle – ce qui n’était pas forcément dans mes plans jusqu’à maintenant.

Certaines thématiques, comme l’amour, les relations avec les hommes et les émotions, sont très présentes dans vos stand-ups et vos prises de parole dans 4 quarts d’heure. Comment se sont-elles imposées à vous ?

Ce sont des sujets qui me passionnent dans la vie, ceux dont je discute avec mes amis. En général, ce qu’on raconte sur scène fait écho à ce qui nous travaille en dehors, dans la vie de tous les jours. Donc ces thématiques se sont imposées assez naturellement dans mon écriture.

Et qu’est-ce qui vous fait profondément rire ? De quoi vous inspirez-vous pour écrire vos propres vannes ?

C’est toujours difficile de définir son humour. On me dit souvent que j’ai un humour drôle (rires) ! Je pense qu’en tant qu’être humain, ce qui nous fait le plus rire, ce sont les situations tragiques. Ces moments où il n’y a plus de logique et d’espoir, et qu’il ne nous reste plus que la rigolade.

Vous échangez beaucoup avec le public durant vos spectacles. Comment parvenez-vous à intégrer ces phases d’improvisation dans votre texte initial ?

Quand on fait du stand-up, je pense que c’est très important de connecter avec son public. C’est vraiment le facteur qui déterminera la réussite ou l’échec d’un passage. Hier, j’ai regardé une interview de Fary dans laquelle il disait que ses spectateurs prenaient de la distance quand il parlait de son infidélité sur scène, car ils ne voulaient pas être assimilés à ça. Du coup, il a arrêté d’aborder ce sujet durant ses spectacles. C’est très important d’avoir ce lien avec la salle ; le public doit se sentir relié à nous. L’improvisation permet aussi de leur donner l’impression qu’ils vivent un truc unique, qui ne se passe qu’à ce moment-là. Les interactions permettent donc de sortir du texte et de se sentir ancré dans le moment présent.

Invitée au micro de votre podcast, Swann Périssé se demandait justement si certaines œuvres et vannes ne sont pas réservées à un type de personne, et excluent, de fait, d’autres spectateurs. Avez-vous l’impression de vous adresser à un type de public en particulier ?

Je pense qu’il y a fatalement des sujets qui vont plus ou moins intéresser ou amuser certaines catégories de personnes. Par exemple, quand j’ai parlé du psy et des émotions dans un bar en non-mixité choisie et LGBTQIA+, tout le monde voyait très bien de quoi je parlais. Il y a deux jours, quand j’ai demandé à Angers qui faisait une psychothérapie par applaudissement, c’était le silence complet. La suite du passage a forcément eu moins d’écho pour eux. J’ai clairement vu que certaines personnes ne comprenaient même pas de quoi je parlais. Certains milieux sont plus informés que d’autres sur certains sujets, et l’humour est toujours politique.

Dans un autre épisode, vous vous confiez sur la difficulté d’être une femme et de se faire une place dans le milieu du stand-up. Avez-vous l’impression que les choses évoluent, ou subissez-vous encore de grosses discriminations ?

Je ne sais pas si on subit de grosses discriminations, mais je pense que ce milieu reflète juste la société dans laquelle on vit. Structurellement, il y a moins de femmes qui font du stand-up parce que c’est un exercice de confiance en soi. Il faut aussi ouvrir sa gueule, ce qui n’est pas très féminin. Après, je pense que ça évolue à fond dans le bon sens. La charte “Dans ce Comedy Club” a été signée par plein de salles qui s’engagent par exemple à tendre vers la parité sur les plateaux et à être formées aux violences sexistes et sexuelles.

Pour cette dernière question, on vous laisse mettre la lumière sur des humoristes qui vous font particulièrement rire. Qui nous conseillez-vous de (re)découvrir aujourd’hui ?

J’ai adoré le spectacle de Swann Périssé, qui m’a fait beaucoup rire. Ensuite, Blanche Gardin est devenue une référence, et j’aime aussi beaucoup le travail d’Adel Fugazi, qui a fait Comedy Class.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste