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Festival international des jeux de Cannes : l’heure du bilan a sonné

04 mars 2022
Par Erwan Chaffiot
Festival international des jeux de Cannes : l’heure du bilan a sonné
©Erwan Chaffiot/L’Éclaireur

Qu’il faisait bon de revenir flâner dans un festival de jeux ! Après un an d’absence, le FIJ s’est installé de nouveau dans le « bunker » cannois. Pour l’occasion, le tapis rouge des stars de cinéma s’est transformé en tapis de jeux.

Comme un sourire fait aux ludophiles, le soleil de la Côte d’Azur a brillé sur le palais des festivals cannois entre le 25 et le 27 février dernier. Le festival international des jeux de Cannes a subi, comme tant d’autres, la période sombre du Covid avec l’annulation de l’édition 2021. Les professionnels du jeu de société étaient gonflés à bloc, frustrés depuis trop longtemps par le manque des rencontres avec le grand public. Malgré tout, on a remarqué l’absence de quelques poids lourds du milieu tels qu’Asmodée (mastodonte mondial du jeu) et Abba (spécialisé en jeux pour la jeunesse).

Les éditeurs étrangers, eux aussi, ont préféré attendre des jours meilleurs. Cela n’a pas pour autant gâché la fête, puisque l’on pouvait s’asseoir aux tables de plus de 300 exposants afin de jouer, tester et découvrir une avalanche de titres : des best-sellers récents aux avant-premières, en passant par des créations indépendantes. Malgré une édition un peu moins fournie, il était tout simplement impossible d’essayer tous les jeux présentés lors des trois jours du festival.

Le triomphe du jeu de société

Il n’est plus un secret que le jeu de société est l’un des produits culturels qui ont le plus progressé ces dernières années. « Nos ventes ont connu une ascension à deux chiffres l’année dernière », confie Cyrielle Mathieu de l’éditeur Blue Orange. Si la tendance ludivore mondiale se fait sentir depuis 10 ans, c’est bien le confinement qui a accéléré le mouvement. « Les parents ont acheté des jeux pour occuper leurs enfants et ils se sont rendu compte que l’offre n’avait plus rien à voir avec leurs vieux souvenirs. Aujourd’hui, tout le monde peut trouver un titre qui lui convient », affirme Ségolène Meyer-Louis de l’éditeur Gigamic.

Anastyr©Mythic Games

La demande se faisant grandissante, l’offre se multiplie, au risque d’une saturation du marché. « Il est clair qu’il y a énormément de jeux et, comme dans d’autres domaines culturels, les licences restent des valeurs sûres », indique Clara Morin de Don’t Panic Games.

Menaces sur le paradis

Mais le plus grand danger actuel pour le jeu est l’explosion des frais de production et du transport. Comme dans de nombreux secteurs, l’industrie ludique s’est largement délocalisée en Chine afin de produire ses cartes, pions et figurines à bas coût. Le piège s’est refermé avec l’augmentation des prix du papier, du plastique, mais surtout l’incroyable inflation du transport maritime. Vous ne l’aurez peut-être pas remarqué, mais les jeux de société ont augmenté leurs prix en 2022, une obligation vitale malgré un effort sur les marges afin de ne pas pénaliser la consommation.

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L’explosion des coûts frappe de manière encore plus frontale les jeux que l’on nomme un peu ironiquement « kilos plastiques », d’énormes boîtes au matériel et aux figurines pléthoriques, le plus souvent trouvées sur des sites de financements participatifs comme Kickstarter ou Gamefound. L’éditeur Mythic Games, avec des mastodontes en termes de production de composants comme Solomon Kane (huit boîtes de rangement pour un seul jeu), fait face comme il peut : « On serre les fesses, lance son cogérant, Léonidas Vesperini. Il y a encore deux ans, on payait un conteneur 5 000 euros. Aujourd’hui, ça peut dépasser les 20 000 ! Il faut donc jongler habilement entre ces dépenses imprévues et la qualité de ce que l’on promet. »

Malgré tout, les prix restent inférieurs sur de grandes quantités à ce qui pourrait être produit en Europe. Et il n’y a pas que les prix, mais également le savoir-faire. Les usines européennes sont aujourd’hui incapables de produire des figurines de qualité en grand nombre. « C’est la même chose pour une boîte en plastique de rangement un peu complexe », déclare Ségolène Meyer-Louis de Gigamic. Si l’époque est belle pour le jeu de société, elle est également pleine de questionnements sur son modèle économique et écologique. Des questions passionnantes pour une industrie encore tenue par des passionnés.

Ces jeux qui vont faire parler d’eux et qu’il faut surveiller de près

Dix, de un à cinq joueurs, environ 20 minutes, 10 ans et +, sortie en mars

Dix se veut un jeu grand public, simple à comprendre, mais qui apporte un beau défi à ses participants. Il s’agit d’un savant mélange d’enchères et de « stop ou encore ». Le but est ici d’aligner le plus grand nombre de suites dans quatre couleurs différentes. Vous pouvez obtenir ces cartes dans la pioche ou sur un marché. Les cartes piochées ne vont pas directement dans votre main, mais sur un tableau visible par tous les joueurs. Vous pouvez décider de les prendre ou de continuer à piocher, au risque que la somme des cartes visibles dépasse 10. Dans ce cas, tout va à la poubelle et c’est au tour du joueur suivant. Nous sommes ici typiquement dans un jeu d’ambiance au suspense collectif.

Hidden Leaders, de deux à six joueurs, environ 30 minutes, 10 ans et +, sortie le 25 mars

L’empereur est mort et ses six enfants vont s’affronter pour sa succession. Chacun de ces leaders pourra s’allier à deux clans indiqués par un logo sur sa carte. Ce jeu facile à installer est d’une redoutable efficacité. On jouera des cartes qui permettront de faire avancer deux pions sur un plateau. Selon leur position sur celui-ci et leur position l’un par rapport à l’autre, vous ferez gagner un des clans. Bien entendu, il faudra tout faire pour que le clan qui l’emporte soit l’un des deux que vous avez choisis. Ce jeu de collection de cartes est un festival de coups bas et de traîtrises qui rendent les parties particulièrement imprévisibles.

Honey Buzz, de un à quatre joueurs, environ 60 minutes, 10 ans et +, sortie en avril

Jeu au visuel et au matériel magnifique, Honey Buzz vous invite non pas à contrôler vos habituels « meeples » (pions), mais des « beeples », contraction de bee (abeille) et meeples. Car oui, Honey Buzz est un jeu de gestion de ruches. Plus spécifiquement, nos abeilles vont fabriquer du miel pour satisfaire la gourmandise des animaux de la forêt. Malgré sa direction artistique et son thème choupinou, c’est un jeu de placement de tuiles et d’ouvrières qui vous fera des nœuds à la tête. La supervision de vos petites bestioles et la production de leur miel vont être votre obsession pendant au moins une heure de jeu.

Anastyr, de un à quatre joueurs, environ 90 minutes, 14 ans et +, à partir d’avril

Amoureux des belles figurines et d’action non-stop, ce jeu est fait pour vous ! Anastyr est un monde imaginaire situé à une époque où la mer Méditerranée n’existait pas. Dans ces grandes plaines, des héros affrontent de puissants guerriers et des monstres en tout genre. Ce jeu coopératif est basé sur les bons vieux « scrolling » des jeux d’arcades des années 1980, à savoir avancer inéluctablement avec vos coéquipiers en découpant tout ce qui passe à portée de votre épée. L’éditeur Mythic Games, spécialiste des énormes boîtes bourrées de matériel, nous promet des figurines hors normes et beaucoup d’adrénaline. Attention ! Vous ne trouverez pas ce jeu en boutique puisqu’Anastyr ne sera disponible que sur le site de financement participatif Kickstarter.

Dune : secrets enfouis, sortie en avril

Le film de Denis Villeneuve n’a pas fini d’inspirer les auteurs de jeux. Après Dune : Imperium (gagnant de l’As d’or expert à Cannes) et Dune: Betrayal (un jeu d’intrigues de palais), voici Dune : secrets enfouis. Il s’agit d’un titre dit legacy, à savoir que vous allez au fur et à mesure du jeu modifier physiquement les composants de la boîte. Ici, ce sont des autocollants à appliquer sur vos fiches de personnages tout au long des scénarios afin de symboliser leur montée en puissance. Au cours de cette grande aventure, les joueurs s’aideront de documents à étudier ainsi que d’un site web à consulter. Votre épopée vous fera parcourir la planète Arrakis afin de percer ses mystères.

Ark Nova, de un à quatre joueurs, environ 2 heures, 14 ans et +, sortie en mai

Présenté au salon d’Essen en octobre dernier, Ark Nova est l’un des jeux experts les plus attendus du moment. L’enjeu ici est de construire son zoo animalier. Mais attention : il s’agit de bâtir un zoo moderne dans lequel le bien-être de l’animal est roi. Il vous faudra également soutenir des actions pour la protection de la faune sur la planète. Le jeu est un mélange de collection de cartes et de pose de tuiles. À vous de trouver votre propre moteur afin d’attirer le maximum de visiteurs, des mécènes et d’échafauder des projets. Les parties seront longues et intenses.

Critical – Foundation, de deux à cinq joueurs, durée variable, 14 ans et +, sortie en été 2022

Avez-vous déjà été tenté par le jeu de rôle ? Si la réponse est non parce que cela semble trop compliqué et trop long, alors vous vous laisserez peut-être enfin convaincre par l’expérience grâce à cette nouvelle gamme d’initiation. Pensé entièrement pour les débutants, Critical rassemble en une seule boîte un livret de règles, un écran de jeu, des cartes d’équipement et des personnages préremplis. Facilité des mécaniques, aventures d’une durée raisonnable, matériel attirant… Tout a été pensé pour attirer le grand public vers l’univers du jeu de rôle avec un minimum d’effort. La première boîte intitulée Foundation nous propulse dans un univers d’anticipation. La deuxième boîte, qui arrivera en fin d’année, sera dédiée à l’heroic-fantasy.

Meurtre de sang-froid, de un à six joueurs, environ 60 minutes, 14 ans et +, sortie en mai

Les amoureux des jeux d’enquêtes pourront cultiver leur sang-froid avec cette investigation dans une station scientifique arctique. Il s’agit de la nouvelle sortie de la gamme Scène de crimes dont le premier opus, Les Flammes d’Alberstein, avait fait sensation. Ici, aucun livre de règles à sortir : vous prenez le dossier, lisez et jouez. Le jeu sera complété de composants aussi variés qu’un détecteur de mensonges ou un paquet de chewing-gums entamés… Bonne enquête.

Peter Pan, de deux à quatre joueurs, environ 45 minutes, 10 ans et +, sortie en octobre

La rentrée verra le retour de Peter Pan, mais cette fois, sous forme d’un jeu de plateau coopératif. Il s’agit de la nouvelle création de Marc Paquien, qui avait marqué les esprits avec L’Île au trésor. Cette autre adaptation d’un classique de la littérature pour jeunesse permettait aux joueurs de dessiner directement sur le plateau de jeu avec des feutres effaçables. L’auteur reprend ce principe très ludique pour Peter Pan, dans lequel nous aurons pour mission de retrouver les Enfants perdus en fouillant de fond en comble le Pays imaginaire.

Museum Suspects, de deux à quatre joueurs, environ 20 minutes, 8 ans et +, sortie en mai

Ce jeu conçu pour les familles reprend la mécanique classique du Qui est-ce ? et l’adapte dans une enquête ludique. Au centre, 12 tuiles de suspects qui sont entourés de huit indices. Chaque joueur, à son tour, pourra soulever un indice et éliminer secrètement sur son carnet personnel les suspects mis hors de cause. Une fois le jeu terminé, on regarde ensemble quel ou quels suspect(s) sont les vrais voleurs. Le jeu ajoute une notion d’enchères, puisque vous devrez allouer un jeton d’une valeur de 1 à 6 à chaque indice soulevé et à chaque suspect dans votre ligne de mire. Le joueur suivant devra mettre un jeton de même valeur ou supérieur pour soulever ce même indice. À la fin, on révèle les jetons sur les bons suspects et on additionne leurs valeurs pour chaque joueur. Les enfants adorent gérer leurs suspects sur leur carnet secret et choisir quels jetons poser.

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