Entretien

Trois questions à Alexandre Prévert, standuppeur classique

07 février 2022
Par Sophie Benard
Trois questions à Alexandre Prévert, standuppeur classique
©TDR

Artiste inclassable s’il en est, Alexandre Prévert mêle le piano, la poésie, la philosophie et l’art de la scène. Mais comment mêle-t-on le stand-up à la musique classique ?

Pianiste de formation, Alexandre Prévert aurait pu se destiner à un parcours de musicien classique, s’il n’avait décidé de rassembler ses autres passions – la philosophie, l’histoire, la poésie, l’humour – pour les partager au public. Son spectacle Où sont passés vos rêves ?, qui a déjà fait salle comble au Bataclan en 2020, sera plusieurs semaines à l’affiche du Lucernaire (Paris) à partir du 2 mars prochain. Rencontre.

1. Comment décririez-vous le « stand up classique » ? Comment vous est venue cette idée ?

Le stand-up classique est la rencontre entre nos petites histoires du quotidien et la grande Histoire de l’humanité. Qui, au final, sont les mêmes ! Nous avons tellement pris l’habitude de laisser l’Histoire à l’école et aux « intellectuels », ainsi que notre quotidien aux chaines d’infos et aux réseaux sociaux, que nous l’avons oublié. Paul Verlaine, George Sand, W.A. Mozart, Louise Farrenc, Napoléon, Olympe de Gouges : c’est nous ! Tout comme Barbara, Renaud, Brel et Dalida. En fait, le stand-up classique, c’est de la sociologie élargie ! Une façon de rapprocher et unifier nos expériences de tous temps, de toutes époques, de toutes sensibilités, pour les comparer et s’en inspirer. Mettre en lumière ses décalages, ses absurdités, ses intemporalités : tous ces procédés nous rapprochent des codes du stand-up ! Avec sa substance classique au sens de la culture et de l’Histoire, le cocktail est né. Et il est bon !

2. Ce format est-il pour vous un moyen de rendre accessible les arts exigeants que sont la poésie et le répertoire classique ? Si oui, avez-vous le sentiment de parvenir à vos fins ?

Il est devenu un moyen par la force des choses, mais mon désir initial était de me réconcilier moi avec mes passions et mes intérêts, qui sont divers et variés. Le cinéma a changé ma vie, tout comme la musique, tout comme la poésie et la philosophie. Ma vie à moi, de 25 ans, au 21e siècle. C’est ce que je voulais raconter et partager avec le public, qui forcément à fini par s’identifier lui-aussi. Si Charles Baudelaire, Simone Weil (avec un W !), Franz Schubert, Nina Simone, Albert Camus ou Barbara ont changé ma vie, pourquoi pas la leur aussi ? Le stand-up classique permet de briser des tabous et de créer des vagues qui tirent dans la force de l’Histoire et les racines du Temps des émotions intenses et de grands sentiments. Je crois que les arts ont toujours été accessibles, ce sont nos chemins d’accès qui n’étaient pas les bons, mal choisis. En voulant raconter mon histoire à moi, multi-culturelle, j’ai réussi un tour de magie qui est en fait d’une simplicité étonnante ! L’Histoire, quand on prend du recul, s’articule d’un coup. À nous de reculer ! Pour chanter, vibrer, rire, rêver, jouer : vivre !

3. Pouvez-vous m’en dire plus sur certains auteurs et compositeurs que vous avez choisi ? Pourquoi ces choix ?

Les figures que je choisis sont les principales sources d’intrigue et d’intérêt de mon spectacle : Franz Schubert m’a permis de tomber amoureux pour la première fois de ma vie, accompagné par un poème d’Alfred de Musset et de Carole Bouquet. Plus tard, le Truman Show me permettra, grâce à Natascha McElhone et Frédéric Chopin, de viser un amour parfait, nouveau ! Nina Simone et Martin Luther King m’ont éveillé à la notion de destin, d’ambition. Mozart et Gershwin m’accompagnent dans leur pas ! Enfin l’Arlésienne de Bizet issue des Lettres de mon Moulin de Daudet nous relie à la mort et à la violence, quand le rêve vire au cauchemar. Dans une autre dimension encore avec Barbara, ces histoires me permettent d’aborder des thématiques qui me tiennent à cœur comme l’inceste et le viol, via le féminisme et l’éducation au consentement. Le stand-up classique, dans sa dimension historique, tend à l’éveil des consciences. C’est un spectacle léger, heureux mais aussi sérieux ! Un rêve à qui on se consacre tout entier pour qu’il devienne réalité !

Alexandre Prévert sera au théâtre de la Luna Negra, à Bayonne les 23 et 24 février prochain, et au théâtre du Lucernaire (Paris), tous les soirs sauf le lundi, du 02/03/2022 au 03/04/2022.

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Article rédigé par
Sophie Benard
Sophie Benard
Journaliste
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