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Adaptations d’Harlan Coben en séries : qu’est-ce qui vaut vraiment le coup ? 

01 février 2022
Par Héloïse Decarre
François Cluzet a remporté le César du meilleur acteur en 2007 pour son rôle dans “Ne le dis à personne” de Guillaume Canet.
François Cluzet a remporté le César du meilleur acteur en 2007 pour son rôle dans “Ne le dis à personne” de Guillaume Canet. ©M6 Film/EuropaCorp

Cinq ans, 14 séries. C’est la promesse à laquelle s’engage Harlan Coben en 2018, lorsqu’il signe avec Netflix un contrat de plusieurs millions de dollars. Depuis, les adaptations du maître du polar se multiplient. Sélection des œuvres à suivre et de celles à éviter, en toute subjectivité.

Plus de 30 romans en 30 ans. Auteur prolifique, Harlan Coben a fait de son style rythmé et riche en rebondissements une marque de fabrique incontournable. Cet habitué des bestsellers décline depuis quelques années ses œuvres sur le petit écran, conservant un droit de regard sur leurs adaptations. L’écrivain, de plus en plus rompu aux codes du cinéma, a même créé deux séries originales. Si la plupart de ces réalisations rencontrent un franc succès auprès des fans du genre, un tel foisonnement d’adaptations impose de faire le tri.

Trois séries immanquables

The Five (2016), MyCANAL : pour sa première série originale, Harlan Coben renoue avec les thèmes récurrents de ses romans, car l’histoire est celle d’une disparition. Tout débute au milieu des années 1990, lorsque Mark, en compagnie de trois de ses amis, assiste à la disparition de son jeune frère. La mort du petit Jesse, 5 ans, est revendiquée par un tueur en série pédophile. 20 ans plus tard, le passé refait surface quand l’ADN de l’enfant disparu est mystérieusement retrouvé sur une scène de crime.

The Five est la première série originale créée par le maître du polar Harlan Coben.©Ben Blackall / Sky

Le public, comme les personnages, est alors entraîné dans une quête policière qui ne prendra fin que lorsque la vérité sur la mort de Jesse sera établie. L’ambiance est sombre et angoissante, rythmée par de nombreux retournements de situations, maintenant la tension et le suspense jusqu’au bout. En dix épisodes, pas le temps de s’ennuyer. Les codes du genre sont revisités avec originalité, puisque ce ne sont pas des policiers qui mènent l’enquête, mais des amis d’enfance. Des personnages attachants, qui renforcent le récit par leur complexité. Rendu crédible par un jeu juste et des flashbacks réguliers, chacun des personnages apporte une touche d’émotion qui sublime l’intrigue.

Safe (2018), Netflix : autre création originale d’Harlan Coben, Safe est une minisérie de huit épisodes tous aussi bien réalisés les uns que les autres. Le personnage principal, campé par le génial Michael C. Hall (Dexter, Six Feet Under), est le parfait monsieur Tout-le-Monde. Médecin, Tom vit paisiblement avec ses deux filles dans une résidence sécurisée d’Angleterre. Seule ombre au tableau : le décès récent de sa femme, dont il fait difficilement le deuil. Mais sa vie, somme toute assez banale, va basculer le jour où Jenny, sa fille aînée, disparaît inexplicablement pendant une fête.

Dans Safe, Tom (Michel C. Hall) va se rendre compte, depuis son pavillon de banlieue sécurisée, que le danger ne vient pas toujours de l’extérieur.©C8 / Netflix

Face à cette énigme, les épisodes s’enchaînent. La construction du scénario est simple et efficace : un épisode, un jour d’enquête, ponctué d’un flashback révélateur de la soirée de la disparition. Et d’un rebondissement que personne ne voit venir, jusqu’à une fin en apothéose. Le rythme est ultra-soutenu et installe un suspense irrespirable, qui joue clairement sur l’addiction du public. Difficile de faire des pauses dans le visionnage. Dans ce huis clos paranoïaque, on ressent la pesanteur de l’atmosphère qui s’installe peu à peu. Parce que, dans cet univers lisse d’une résidence clôturée et bien sous tout rapport, chaque personnage a en fait quelque chose à cacher… Et devient donc suspect.

Intimidation (2020), Netflix : Adam a tout pour lui. Il est bel homme, père comblé de deux enfants, et avocat à succès. Jusqu’au jour où une étrangère lui révèle le sombre passé de sa femme. La vie du tranquille père de famille va alors basculer tragiquement.

Connaît-on vraiment ceux qu’on aime ? L’interrogation favorite d’Harlan Coben prend une tournure particulière dans Intimidation.©Netflix

Inspirée de The Stranger, roman publié en 2015, Intimidation est l’une des premières adaptations issues du contrat signé entre Coben et Netflix. Un accord qui commence donc très fort, avec une série qui, semble-t-il, n’a qu’un seul but : jouer avec les nerfs du public. Entre faux-semblants et secrets en pagaille, les questions s’accumulent… Et on ne pourra pas décrocher de sa télévision tant que les réponses n’auront pas été données. La pression monte petit à petit, jusqu’à une tension finale qui comblera les amateurs du genre. Harlan Coben pose ici la grande interrogation de son œuvre : connaît-on réellement nos proches ?

Trois impasses à se permettre

Juste un regard (2017), Salto : dans la famille Parfaite, je voudrais la mère, Éva, et le père, Bastien. Le couple modèle vit avec ses deux enfants dans un joli pavillon moderne. Jusqu’au jour où la mère de famille réalise que son mari n’a peut-être pas le passé qu’elle croyait.

La performance de Virginie Ledoyen sauve la série en apportant crédibilité et sensibilité au personnage principal.©Philippe Leroux / VAB Production

Un air de déjà vu ? Rien d’étonnant. Originellement diffusée sur TF1, la minisérie de six épisodes, adaptée du roman Just One Look, manque cruellement d’originalité. Là encore, des secrets de famille sont révélés, et là encore, la morale rappelle que l’on ne connaît jamais vraiment ceux qui nous sont chers. Problème : là où d’autres séries s’emparent des poncifs de Coben pour les transformer en récit angoissant, Juste un regard pêche par un rythme peu soutenu et des surprises attendues. Un seul point sauve le récit : la performance des actrices Virginie Ledoyen et Julie Gayet, qui apportent crédibilité et sensibilité à leurs personnages.

Dans les bois (2020), Netflix : en six épisodes, cette mini série transpose le roman The Woods du New Jersey à la Pologne. On y suit Pawel, procureur à Varsovie, soudainement contraint de refaire face à son passé après la découverte d’un cadavre. L’homme de loi croit reconnaître Arthur, un adolescent d’une colonie de vacances où il était animateur, disparu 25 ans auparavant. Mais Arthur n’est pas le seul à avoir disparu cette nuit-là. Parmi les quatre jeunes sous la garde de Pawel se trouvait aussi sa sœur… Qui pourrait peut-être toujours être toujours en vie ?

L’adaptation du roman Dans les bois transpose l’intrigue du New Jersey à la Pologne, avec une réalisation 100 % polonaise.©Krzysztof Viktor

Les réalisateurs polonais de Dans les bois étaient pourtant bien partis. La narration, à cheval sur deux timelines (l’une en 1994, l’autre en 2019), promettait une certaine originalité. C’était sans compter sur un gros manque de dynamisme. Les épisodes sont longs, et l’intrigue prend beaucoup trop de temps à se mettre en place. Les enquêtes, superposées sur deux époques, sont aussi lentes l’une que l’autre. Et tout ceci est entremêlé d’intrigues secondaires qui coupent encore plus le rythme, et finissent par perdre le public. Dommage, car l’atmosphère générale de la série, plutôt séduisante grâce notamment à une bande-son prenante, s’en retrouve gâchée.

Ne t’éloigne pas (2022), Netflix : dernière-née de l’accord Coben-Netflix, cette série est l’adaptation de Stay Close, un roman paru en 2012. L’histoire est celle de Megan, une mère de famille aux apparences très convenables. Personne ne pourrait deviner qu’elle a, par le passé, travaillé en tant que strip-teaseuse dans un night-club local. Un secret qui risque d’être mis à mal lorsque des disparitions se multiplient aux abords de cette fameuse boîte de nuit.

Ne t’éloigne pas est la dernière adaptation en date née du contrat entre Harlan Coben et Netflix, et peut-être le début de son essoufflement.©Netflix

Le problème de Ne t’éloigne pas n’est pas son manque de rythme, ni de suspense. La série reste addictive : on a besoin de la regarder jusqu’au bout, juste pour savoir. Le problème n’est pas non plus son casting, fait d’acteurs britanniques de talents. La comédienne Cush Jumbo porte le récit, et est même la belle découverte de cette production. Le problème, c’est qu’on l’a déjà vu cent fois. Mais simplement pas avec les mêmes personnages. Pour les accoutumés du polar, les ficelles, plus que visibles, deviendront des cordes. Et celles et ceux qui ne manquent pas une adaptation de Coben risquent de trouver cette dernière création légèrement répétitive.

À force de recettes réchauffées, le risque est que les intrigues perdent de leur saveur. Mais ce qui est certain, c’est que ces adaptations, qu’on les trouve originales ou pas, restent des divertissements efficaces qui nous font, malgré tout, frissonner, et nous poussent à en redemander.

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Article rédigé par
Héloïse Decarre
Héloïse Decarre
Journaliste