Entretien

Jordan Perrigaud : “Je pense qu’il y a une vie après la mort, mais j’ai encore énormément de questions et peu de réponses”

08 décembre 2024
Par Agathe Renac
Jordan Perrigaud détaille ses enquêtes paranormales dans le livre “Chasseur de fantômes”.
Jordan Perrigaud détaille ses enquêtes paranormales dans le livre “Chasseur de fantômes”. ©DR

En tant qu’enquêteur du paranormal, la mission de Jordan Perrigaud est de « chasser des fantômes ». Son objectif ? Essayer de communiquer avec des entités et capturer des images qui prouveraient qu’il y a une vie après la mort.

Les Français croient de plus en plus au paranormal. Dans les faits, 59 % des personnes sondées par l’Ifop croient en une ou plusieurs formes d’occultisme, et 24 % estiment que les fantômes existent – soit 11 points de plus que dans les années 2000 et 19 points de plus qu’en 1982. Une croyance qui explique l’intérêt toujours plus croissant des spectateurs pour les films d’horreur, mais aussi pour les enquêtes paranormales. Diffusées dans un premier temps à la télévision, ces dernières ont connu un nouveau souffle grâce à YouTube.

Le Grand JD, Marie Lopez (alias EnjoyPhoenix), Silent Jill… Ces passionnés ont décidé de se lancer dans « la chasse aux fantômes » afin de trouver des réponses. Suivi par près de 500 000 abonnés sur la plateforme, Jordan Perrigaud nous embarque dans des lieux réputés hantés pour communiquer avec des entités et trouver des preuves du paranormal. Des explorations passionnantes, qu’il détaille dans son livre paru cet automne, Chasseur de fantômes. Entre deux enquêtes, le créateur de contenu nous a accordé un entretien pour nous faire entrer dans les coulisses de ses vidéos.

Comment le paranormal s’est-il invité dans votre quotidien ?

J’ai toujours été un grand passionné d’histoire, de paranormal et de films d’horreur. Je me posais aussi beaucoup de questions concernant la vie après la mort. Le paranormal s’est donc imposé à moi de manière assez naturelle. Quand j’étais jeune, je réalisais déjà des courts-métrages horrifiques qui reprenaient les thématiques de Conjuring. Quand j’ai vu que des émissions américaines allaient dans des lieux hantés avec du matériel et des caméras, je me suis dit : “Pourquoi ne pas tester ?”

Conjuring : les dossiers Warren.©Warner Bros. France

J’ai commencé par l’exploration d’une maison abandonnée juste à côté de chez moi, avec un groupe d’amis. On a pris du plaisir, mais on était jeunes et on ne l’a pas menée très sérieusement. En revanche, j’ai vu que ça plaisait à mes abonnés. J’ai réalisé qu’il y avait un intérêt pour ce genre de contenu, donc j’ai décidé de me lancer dans cette voie. Très rapidement, j’ai commencé à investir dans des caméras et du matériel pour essayer de rendre mes vidéos les plus professionnelles possibles. Et tout à coup, j’étais lancé dans cette aventure.

Dans l’introduction de votre livre, vous dites que vous êtes un “chasseur de fantômes”. En quoi cela consiste-t-il exactement ?

C’est un terme générique, mais “enquêteur du paranormal” serait peut-être plus adapté à mon activité. Je me suis intéressé au paranormal quand j’étais très jeune et ça m’est venu assez naturellement. J’ai lu beaucoup de livres sur le sujet, j’ai écouté des interviews de spécialistes comme les Warren, j’ai regardé des émissions de “chasseurs de fantômes” et je me suis inspiré de tous ces contenus pour tourner mes propres vidéos.

Il n’y a pas de formation pour faire ce métier. Je n’avais aucune connaissance particulière, mais je me suis professionnalisé au fil du temps, à force de trouver des lieux, d’essayer de comprendre comment ça fonctionne, de me poser les bonnes questions, de tenter des expériences et d’être confronté à des événements troublants.

Petit à petit, j’ai aussi remarqué que mes capacités ont commencé à s’ouvrir. Je ressens plus facilement les choses, je parviens à capter des phénomènes étranges et peut-être même à communiquer avec des personnes qui sont décédées. Selon moi, un enquêteur du paranormal est une personne qui se rend dans des lieux (abandonnés ou non) et qui essaie d’établir un contact avec de potentielles entités pour comprendre s’il y a une vie après la mort. On se pose aussi des questions existentielles. S’il y a vraiment une vie après, ces entités peuvent-elles nous voir, nous entendre, communiquer avec nous, faire des bruits et déplacer des objets ? Ce sont autant d’interrogations auxquelles j’essaie de répondre dans mes enquêtes.

Qu’il s’agisse de Ghost Adventures ou Ghost Hunters, tout était très exagéré dans ces émissions américaines. À l’inverse, les contenus sur YouTube sont beaucoup plus réalistes. En quoi cette plateforme a-t-elle permis aux enquêteurs du paranormal de proposer des vidéos plus justes ?

La culture américaine est très différente de la nôtre. Ils sont souvent dans le show et ça peut paraître moins sérieux ou crédible. À l’inverse, les Français ne sont pas du tout dans la démesure. On va plutôt favoriser l’authenticité. De plus, YouTube nous offre une totale liberté. Contrairement aux émissions télévisées, nous ne sommes pas contraints par la durée ou par un certain storytelling. S’il se passe quelque chose, on le montre. S’il ne se passe rien, on peut aussi diffuser ces rushs. Il n’y a pas la même pression à ce niveau-là.

On est libre de faire ce qu’on veut et c’est justement notre style qui va nous permettre de fidéliser une communauté autour de nous. On doit être les plus transparents et honnêtes possibles pour que nos abonnés croient en notre sincérité. C’est justement ce qui fait le succès de ce genre de vidéos. Les créateurs qui sortent du lot sont les plus sérieux.

L’un des pionniers du genre est Le Grand JD. Dans de nombreuses vidéos, il est confronté au silence et à l’absence de phénomènes paranormaux. Avez-vous déjà rencontré ce genre de problématique ? Dans ce cas, décidez-vous de publier la vidéo, ou de la supprimer ?

La question de la véracité est très importante pour les spectateurs. On me demande souvent pourquoi je capte des événements paranormaux, alors que Le Grand JD en filme beaucoup moins. C’est compliqué à expliquer, mais la réponse que je donne, c’est qu’on ne peut pas contrôler le paranormal. Ces événements sont peut-être tout simplement liés à nous. Nous n’avons pas les mêmes croyances, énergies, ni ressentis. Par exemple, je crois aux entités, alors que Le Grand JD est plus sceptique. Il va plus facilement rationaliser les faits étranges auxquels il est confronté. Par ailleurs, dans le quotidien, certaines personnes entendent des bruits et sont témoins de phénomènes étranges dans leur maison, alors que d’autres n’ont jamais entendu un craquement de bois chez eux.

Pour répondre à votre question initiale, j’ai très souvent tourné des heures et des heures sans qu’il se passe la moindre chose. C’est peut-être un défaut, mais, dans ces cas-là, je ne sors pas la vidéo, car je ne la trouve pas intéressante. On me voit simplement tourner en rond durant toute la nuit, à guetter le moindre bruit – en vain. Mine de rien, ces tournages demandent beaucoup d’investissement en termes de temps – pour trouver le lieu, pour tourner –, alors je préfère ne pas m’investir dans des mois de montage en plus. Il n’y a pas d’intérêt pour moi, ni pour ceux qui regarderont ce contenu.

En revanche, j’essaie de retourner dans la maison en question en espérant avoir plus de résultats la seconde fois. On ne le réalise pas toujours en tant que spectateur, mais des enquêtes qui durent deux heures sont le résultat d’une ou de deux nuits complètes de tournage. On peut avoir l’impression qu’il se passe beaucoup de choses, mais les événements surviennent au fil des heures.

De plus, la plupart sont explicables. Une porte qui bouge peut être liée à un courant d’air, le K2 [appareil qui sert à détecter des champs électromagnétiques, ndlr] peut se déclencher en raison d’un dysfonctionnement ou d’une onde parasite… J’ai rarement été confronté à de gros événements qui m’ont fait dire : “Ok, là, c’est vraiment une preuve du paranormal.” Ce n’est pas parce qu’on filme un phénomène étrange que c’est forcément lié à une entité. Il y a souvent une explication rationnelle.

Comment expliquez-vous la fascination des spectateurs pour ce genre de vidéos ?

C’est justement le fait de ne pas savoir s’il se passera quelque chose ou non qui nous tient en haleine. Je fais aussi très attention à l’ambiance qui s’en dégage, en soignant les images et en ajoutant de belles musiques, pour maintenir l’intérêt des spectateurs et pour qu’ils apprécient le contenu en lui-même, même s’il n’y a pas des tas de phénomènes qui interviennent. De manière plus générale, le paranormal est un sujet qui attire beaucoup de monde. Qu’on y croit ou qu’on n’y croit pas, on sait tous qu’on va mourir un jour. Au fond de nous, on se pose la question de l’après, et on se demande : “Et si, finalement, il y avait quelque chose après la mort ?”

Petit à petit, vos explorations se sont professionnalisées et vous avez investi dans du matériel technique et ésotérique. Quels sont vos indispensables et ceux que vous conseilleriez à une personne qui souhaite se lancer dans les enquêtes paranormales ?

Très honnêtement, vous n’avez besoin que d’une caméra et d’un micro pour vous lancer dans cette pratique. C’est l’essence même d’une enquête paranormale. Les phénomènes les plus troublants et les plus “crédibles” sont ceux qu’on capte à travers des images. C’est le reflet de nos yeux et de nos oreilles. Les équipements électroniques spécialisés ne sont pas fiables à 100 % : il peut y avoir un dysfonctionnement ou un bug. Pour moi, les captations les plus impressionnantes sont des voix, des ombres ou des objets qui bougent.

Le K2 et les baguettes [matériel utilisé par les enquêteurs pour communiquer avec les entités, ndlr] permettent d’avoir des réponses et d’aller plus en profondeur. Quand on met tous ces éléments en corrélation et qu’il y a un résultat, on peut commencer à se poser des questions. Par exemple, quand le spirit voice capture un message et que le K2 réagit en même temps, on se dit que c’est intéressant et qu’il y a peut-être quelque chose.

Vous utilisez beaucoup les baguettes de sourcier dans vos vidéos. Nécessitent-elles un don particulier ?

Les baguettes de sourcier, ou baguettes en laiton, existent depuis la nuit des temps. Elles étaient déjà utilisées au Moyen-Âge et on les retrouve dans des gravures sur les murs de l’époque. Elles étaient essentiellement employées pour chercher de l’eau ou pour une pratique ésotérique. Je ne sais pas si elles répondent à un don particulier, mais je pense qu’il faut avoir une certaine énergie et une certaine croyance pour les utiliser. Des amis ont voulu essayer, mais ils n’y arrivaient pas du tout et elles bougeaient dans tous les sens ou ne répondaient pas. Finalement, les baguettes et le pendule sont le prolongement de notre corps, de nos bras.

Aujourd’hui, vous envisagez de lancer une chaîne secondaire pour montrer l’envers du décor et le travail de préparation que demande une seule enquête. Comment sélectionnez-vous les lieux dans lesquels vous tournez ?

C’est très aléatoire. Ça peut être une recommandation de mes abonnés qui connaissent une maison réputée pour être hantée dans leur village, du bouche-à-oreille entre personnes du milieu ou du mapping, qui consiste à passer des heures sur Google Maps pour essayer de trouver des habitations dans une zone en friche. Ensuite, on organise une journée pour aller visiter tous les points qu’on a sélectionnés pour voir si ces lieux sont bien abandonnés. On termine par la phase de recherche, où on se renseigne sur ces habitations, en essayant de savoir s’il s’est passé quelque chose de paranormal et si une enquête peut être intéressante. Il faut aussi faire très attention, car ces lieux peuvent être dangereux, donc il faut être très précautionneux.

Quelle a été l’exploration la plus effrayante que vous ayez menée ?

Il y en a plusieurs, mais celle du sanatorium m’a particulièrement marqué. Pour la remise en contexte, un agent de sécurité surveillait les lieux, donc personne n’a pu entrer dans le bâtiment. Durant la nuit, on a décidé de faire une pause donc on a coupé les caméras et seulement gardé les micros-cravates sur nous.

À un moment, on a levé la tête et on a vu comme une apparition humanoïde fantomatique à la fenêtre. J’ai demandé à l’équipe de rallumer les caméras, donc on a pu filmer cette apparition durant un court instant. On voit vraiment une forme humaine jaunâtre, verdâtre sur la vidéo, et on a l’impression qu’elle repart sur le côté dès qu’elle nous voit avec le matériel.

Durant ce tournage, on a aussi eu des portes qui ont claqué et entendu des voix sorties d’outre-tombe qui nous ont dit : “Il ne fallait pas venir.” On se serait vraiment cru dans un film d’horreur. Je commençais les enquêtes, donc je n’étais pas habitué à tout ça et j’étais très stressé. Si ça se reproduisait aujourd’hui, je ne réagirais pas du tout de la même façon et, au contraire, j’accourrais pour aller voir ce qu’il se passe réellement.

Vous avez été confronté à des phénomènes visuels, sonores, mais aussi physiques, quand vous avez été griffé lors d’une enquête. Comment parvenez-vous à garder votre calme ?

Je suis quelqu’un de très posé dans mon quotidien, ça se ressent aussi dans mes enquêtes. Quand je suis vraiment stressé, je ne pars pas en courant, mais je me fige. Je vais plutôt écouter et analyser ce qu’il se passe pour comprendre, plutôt que de hurler. On a tous notre personnalité : certains crient, parlent beaucoup, d’autres sont plus calmes. On réagit tous d’une manière différente. Pour ma part, je dévoile très peu mes émotions, même dans la vie de tous les jours. Ça me permet d’avoir ce self-control et de prendre sur moi durant les enquêtes qui m’angoissent. Le soir, je rentre chez moi et je dors super bien. Je n’y pense même plus [Rires] !

Quelles sont les règles à connaître avant de se lancer dans la chasse aux fantômes ?

La règle la plus importante, c’est d’être passionné. Si on le fait pour être une star sur YouTube ou pour gagner des millions d’euros, ça ne marchera pas. Il faut aimer ces sujets et entreprendre ces enquêtes avec beaucoup de sérieux. Il faut aussi faire très attention aux lieux abandonnés, qui peuvent être dangereux, car vétustes. Qu’on y croie ou non, le paranormal peut également avoir sa part de danger. Mon dernier conseil, ce serait de prendre du plaisir, de poser des questions pertinentes et de rester respectueux.

Vous êtes aussi un passionné de courts-métrages et de cinéma. Envisagez-vous de vous lancer dans un nouveau format ou de vous tourner vers la fiction ?

J’ai pensé à la fiction parce que j’adore le cinéma, les belles images et la création, mais j’ai peur que ça desserve mes vidéos d’enquête qui sont, elles, bien réelles. Si les spectateurs voient que je suis capable de filmer un récit fictionnel, ils risquent de ne plus croire en moi, en se disant que je peux très bien intégrer de fausses images à mes contenus plus classiques.

Sans citer de nom, certains youtubeurs se sont lancés sur ce terrain et ça ne leur a pas servi, bien au contraire. J’adorerais faire un court-métrage pour le palier du million d’abonnés, mais j’ai peur de dérouter mes abonnés et d’en perdre certains. Avec le recul, je me dis que je préfère repousser ce projet à plus tard, si j’arrête le format des enquêtes.

Vous avez grandi et vécu de nombreuses expériences depuis votre toute première rencontre avec le paranormal. Quel regard portez-vous sur cet univers aujourd’hui ?

Un regard qui est toujours un peu confus. Qu’on soit intimement convaincu ou non, il y a toujours de grosses zones de flou dans le paranormal. Avant de me lancer dans ces enquêtes, j’étais très sceptique. Mais au vu de tous les phénomènes que j’ai pu capter, filmer et enregistrer, j’ai vraiment envie d’y croire. Je peux même dire que j’y crois, parce que je me dis que c’est trop fou pour ne pas exister. C’est sous mes yeux. Je pense qu’il y a une vie après la mort, mais j’ai encore énormément de questions et peu de réponses.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste