Décryptage

Pourquoi faut-il suivre de (très) près la tendance du puzzle game ?

17 juillet 2024
Par Samuel Leveque
“SCHiM”, le 18 juillet 2024.
“SCHiM”, le 18 juillet 2024. ©Extra Nice, PLAYISM

Loin d’être ringard, ce genre vidéoludique ne s’est jamais aussi bien porté et ne cesse de se développer, jusqu’à devenir un vrai phénomène.

Les jeux basés sur des énigmes à résoudre ou des problèmes logiques remontent à la préhistoire vidéoludique, quand les aventures textuelles informatiques du tout début des années 1980 comme Zork proposaient déjà des puzzles touffus à résoudre. Dans les deux décennies suivantes, une pléthore de titres principalement constitués de casse-tête a émergé, notamment grâce au développement des jeux sur ordinateur.

Le genre n’a pas de définition stricte et regroupe une grande quantité d’œuvres essentiellement axées sur la logique et la déduction. Des caisses à pousser dans le bon ordre dans le redoutable Patrick’s Parabox, des rayons et des portes servant à se téléporter dans Portal, des événements à agencer en manipulant le temps dans Braid… Les possibilités sont multiples.

Lemmings, un jeu de réflexion légendaire sorti en 1991.©Psygnosis

Depuis une dizaine d’années, le genre avait lentement migré vers de petites expériences pour smartphones ou quelques rares grosses productions comme The Talos Principle et The Witness, mais la tendance semble s’inverser. Cette renaissance du domaine n’est pas si étonnante : les jeux de réflexions, puzzle et autres escape games ont gagné une très forte popularité, et il est donc logique que les jeux vidéo leur emboîtent le pas.

Un foisonnement de concepts

La large gamme d’interactivité de ce médium offre la possibilité d’imaginer des concepts très novateurs. D’autant plus que les amateurs d’expériences axées sur la réflexion ne recherchent pas nécessairement des graphismes poussés ou des scènes d’action frénétiques, mais des occasions originales de se creuser les méninges.

Depuis cinq ans, le marché vidéoludique a par exemple accueilli des merveilles comme Baba is You, développé en solo par le Finlandais Hempuli et basé sur la logique de la programmation informatique, ou encore l’enquête virtuelle de Return of the Obra Dinn de Lucas Pope et sa mécanique proposant de reconstituer les circonstances d’une série de meurtres en remontant dans le temps et en multipliant les déductions.

Ce bouillonnement créatif a même permis de faire émerger des propositions particulièrement fouillées et ambitieuses, à l’image du triomphal Outer Wilds et de ses plusieurs millions d’exemplaires écoulés. Dans ce dernier, le joueur incarne un astronaute devant explorer le même système solaire dans une boucle temporelle de 22 minutes en résolvant chaque fois des mystères de plus en plus poussés.

Ces derniers, basés sur la compréhension générale du monde acquise à chaque voyage, parient sur la capacité de déduction et de perception des utilisateurs. Couronnés de très nombreux prix, ces jeux ont créé un nouveau public, en forte demande de productions similaires.

Un public prêt à se creuser les méninges

Comme le souligne le journaliste Riley MacLeod dans le média Aftermath en parlant du très remarqué Lorelei and the Laser Eyes, ce type d’aventure se prête assez bien à du jeu collaboratif entre amis, voire à de la diffusion sur Twitch pour résoudre les puzzles avec un phénomène d’intelligence collective.

Ça a par exemple récemment été le cas d’Animal Well, un jeu de plateforme comportant des mystères à résoudre et qui a poussé de très nombreux joueurs à s’entraider pour percer les mystères de l’aventure.

De plus, le puzzle game attire un public supplémentaire qui ne recherche pas forcément des moments de « hardcore gaming », mais plutôt des expériences de réflexion et de méditation exigeantes, faciles d’accès et qui ne nécessitent pas nécessairement la compréhension d’une grammaire vidéoludique complexe. Une nouvelle tendance qui explique, notamment, le succès d’un jeu narratif sorti en 2021 : Unpacking.

Dans ce dernier, le joueur fait avancer l’histoire de manière logique en plaçant des objets depuis des cartons de déménagement dans chacun des appartements successifs occupés par une protagoniste anonyme. Très reposant et satisfaisant, le titre a séduit des centaines de milliers de joueurs avec des énigmes simples, très bien conçues et un scénario tout en finesse.

Un cru 2024 exceptionnel

Ce contexte favorable a pour conséquence la multiplication de productions originales. Depuis le début de l’année, une quantité époustouflante d’œuvres belles, variées, parfois vertigineuses, et même des remakes de grands classiques du genre, à l’image de Riven (un classique paru à l’origine en 1997) ont vu le jour. De fait, de plus en plus de jeux de ce type sont nommés pour des prix prestigieux, comme ceux de l’Independant Games Festival.

Riven, dans sa version remake de 2024.©Wyan Worlds Inc

Dans un registre plus moderne que le vénérable Riven, on note aussi une multiplication de concepts purement vidéoludiques qui tendent de plus en plus à se détacher de ce qui pourrait se faire avec des énigmes parues dans des médias plus traditionnels.

C’est le cas du très récent Paper Trail, qui permet de plier et de replier les décors du jeu tel un origami, de SCHiM et ses déplacements entièrement basés sur les ombres et les lumières projetées, ou encore de l’étonnant Botany Manor et ses énigmes basées sur l’observation des plantes.

Une production au beau fixe qui ne devrait pas fléchir dans les prochains mois, tant le calendrier des casse-tête vidéoludiques est exceptionnellement chargé pour le second semestre. En quelques semaines vont ainsi débarquer les très attendus World of Goo 2, Arranger et The Star Named EOS. Au moins une quinzaine d’autres aventures du genre sont prévues d’ici à la fin de l’année.

Nous serons particulièrement attentifs à des propositions réjouissantes comme LOK Digital et sa manière de mettre en scène le langage ou Townframe et ses villes à reconstituer d’après des fragments de souvenirs. Bref, nous n’avons pas fini de nous faire des nœuds au cerveau.

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