Décryptage

Euro 2024 : pourquoi les mangas de foot font-ils un tel comeback depuis quelques années ?

01 juillet 2024
Par Samuel Leveque
“Blue Lock: Episode Nagi”, le 3 juillet au cinéma.
“Blue Lock: Episode Nagi”, le 3 juillet au cinéma. ©Muneyuki Kaneshiro, Kota Sannomiya, Yusuke Nomura, KODANSHA/BLUE LOCK MOVIE Production Committee

Entre la compétition internationale et la sortie au cinéma du film Blue Lock: Episode Nagi, le ballon rond est au cœur de l’actualité.

Le Japon et le football, c’est une longue histoire. La discipline ne s’est professionnalisée que dans les années 1990 dans le pays du soleil levant, mais elle y est largement pratiquée depuis la fin du XIXᵉ siècle. Pas étonnant, donc, que les mangakas se soient très tôt emparés de la question et imaginent des histoires mettant en scène des matchs effrénés dès les années 1970, avec, par exemple, des œuvres comme Akakichi no Eleven et sa lutte intense entre deux équipes rivales.

En 1981, le phénomène explose véritablement quand le dessinateur Yōichi Takahashi livre les premières pages de Captain Tsubasa. Ce manga, mieux connu en France sous le nom d’Olive et Tom, s’étend sur plusieurs séries publiées jusqu’en avril 2024.

Captain Tsubasa a bénéficié d’un ambitieux remake anime en 2018.

Dépeignant les aventures du jeune Tsubasa Ozora et de ses coéquipiers du football japonais, puis mondial, ce manga de sport culte a créé un engouement mondial et une pléthore de récits similaires cherchant à imiter son succès et à surfer sur cet engouement monstre pour le ballon rond au Japon.

C’est par exemple le cas de Ganbare! Kickers (But pour Rudy) en 1985, qui apportait une dose de romance au genre, ou encore de Moero! Top Strikers (L’École des champions) en 1991, une coproduction animée franco-japonaise se déroulant en Europe mettant en scène un casting beaucoup plus international. Cependant, le genre devient moins productif dans les années 1990.

Un genre qui a eu du mal à s’exporter dans les années 1990

L’élan autour de Captain Tsubasa s’essoufflant un peu, les mangas et les animes de foot deviennent nettement moins populaires à mesure que la fin de siècle approche. Les nouvelles séries de Yōichi Takahashi (Hungry Hearts, Shoujo Soccer Kaede…) passent sous le radar. Des séries comme Whistle ou Angel Voice, saluées pour leurs qualités graphiques ou scénaristiques, peinent à remporter l’adhésion d’un large public. Seules quelques comédies comme Mai Ball ou le délirant Heaven Eleven parviennent à attirer l’attention du lectorat en dehors des frontières nippones.

Publié pendant le creux de la vague, un manga comme Whistle est passé relativement inaperçu.©1998 Higuchi Daisuke, Shueisha

En 2002, le Japon organise la Coupe du monde et le foot continue à gagner en popularité dans le pays. La production de mangas consacrés au sport ne faiblit pas, mais aucun ne parvient à s’imposer avec la force de ceux publiés deux décennies plus tôt.

Cependant, quelques exceptions surnagent. Personne, ou presque, n’a entendu parler d’une série-fleuve comme Area no kishi publiée dans les années 2000 et mettant en scène le parcours parallèle de deux frères, l’un joueur et l’autre entraîneur, mais des productions comme Inazuma Eleven (2008) attirent quant à elles toute l’attention.

Cette série, inspirée d’une franchise de jeu vidéo, est à destination des enfants. Elle suit une équipe de jeunes footballeurs d’élite dotés de quasi-super-pouvoirs et luttant, notamment, contre des extraterrestres. Cependant, ce type de publication reste une exception qui n’atteint pas vraiment le même niveau de notoriété que Captain Tsubasa.

Dans le même ordre d’idée, la très sérieuse série Giant Killing, publiée depuis 2007, s’intéresse aux coulisses de l’entraînement et du management d’une petite équipe tokyoïte, mais s’adresse avant tout à un public de fins connaisseurs de ce domaine.

Quand le foot revient en force

En réalité, il faut attendre les années 2010 pour qu’une nouvelle génération d’œuvres mettant en scène le soccer surgisse. Le tout avec des approches cassant complètement les codes du genre et renouvelant des récits dont le ton pouvait être un peu répétitif. Plusieurs licences vont ainsi apporter un vent de fraîcheur avec des approches ébouriffantes et relancer l’intérêt pour ce type de mangas et d’animes.

Adaptation animée de Farewell, my Dear Cramer.

C’est par exemple le cas de Days (2013-2021), qui a remporté le prix du manga Kōdansha, lui assurant des ventes colossales et une jolie adaptation animée par le studio Mappa en 2016. Dans son sillage arrivent trois cartons éditoriaux qui, dans des registres extrêmement différents, livrent chacun une vision très personnelle du football.

Sayonara Watashi no Cramer (Farewell, my Dear Cramer en France), suite du court titre Sayonara Football paru en 2009, est le premier manga à succès à mettre en scène le football féminin, lui aussi de plus en plus populaire au Japon grâce aux redoutables Nadeshiko Japan. De son côté, la saga Ao Ashi de Yûgo Kobayashi, publiée depuis 2015, a une approche plus classique, mais détonne par la qualité de son trait et de sa mise en scène.

Le tsunami Blue Lock

Mais comment ne pas mentionner le raz-de-marée engendré par Blue Lock en 2018 ? Particulièrement original, ce dernier met en scène une compétition éliminatoire de type Battle Royale pour déterminer qui sera digne d’être le prochain avant-centre d’une équipe du Japon à la peine.

Axé humour et action, il a l’intelligence de se servir du cadre du football pour mettre en scène des affrontements épiques entre des joueurs de génie, devant rivaliser à la fois d’agilité et de stratégie pour arriver à leurs fins.

©Yûsuke NOMURA / Kôdansha

Avec 30 millions d’exemplaires vendus en à peine cinq ans, il est rapidement devenu l’un des mangas les plus populaires de tous les temps, ce qui ne fait que confirmer à quel point les bandes dessinées de sport axées sur le football ont à nouveau le vent en poupe.

Ce succès fulgurant a permis la mise en chantier d’une série animée remarquée (et dont la troisième saison est actuellement en production), mais aussi d’un spin-off, Blue Lock: Episode Nagi, reprenant l’intrigue de l’anime du point de vue du très populaire personnage secondaire Seishirō Nagi. Une série couronnée de succès, qui sera adaptée dans un long métrage remarquable, diffusée dès le 3 juillet dans les salles françaises.

Ce dernier reprend dans les grandes lignes le récit de la compétition infernale de Blue Lock tout en levant lentement le voile sur le passé et les motivations de Nagi, et se révèle un excellent complément à la série, tout en réservant quelques belles surprises visuelles et scénaristiques. Le scénario est par ailleurs signé Muneyuki Kaneshiro en personne et réalisé par Shunsuke Ishikawa (Sword Art Online, The Millionaire Detective, Symphogear…).

Excellente nouvelle pour les fans du manga d’origine, qui retrouveront ici leur histoire favorite sous une toute nouvelle perspective, Blue Lock: Episode Nagi est aussi une bonne occasion de découvrir la richesse de cette vague de nouvelles œuvres consacrées au football qui ont incontestablement redynamisé le genre depuis une dizaine d’années.

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