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Facebook et Google financent la désinformation avec des milliers de fermes à clics

25 novembre 2021
Par Kesso Diallo
Les firmes ont trois mois pour se mettre en conformité.
Les firmes ont trois mois pour se mettre en conformité. ©Koshiro K/Shutterstock

Une enquête du MIT Technology Review révèle comment ces deux entreprises ont permis à des milliers de fermes à clics de propager de fausses informations sur les réseaux sociaux.

Facebook ne fait pas qu’amplifier la désinformation avec ses algorithmes et ses problèmes de modération, il la finance également. C’est ce que dévoile une enquête menée par le MIT Technology Review, un média américain. S’appuyant sur des entretiens avec des experts, des analyses de données et des documents, il révèle comment la société désormais baptisée Meta, ainsi que Google, ont contribué à une « détérioration des écosystèmes d’information dans le monde ».

Selon l’enquête, les deux firmes ont en effet financé des fermes à clics situées en Macédoine, au Kosovo ou encore en Birmanie. Gérées par une ou plusieurs personnes, ces dernières diffusent des « pièges à clics », soit des contenus visant à générer des revenus publicitaires en ligne. Ce financement aurait été réalisé par le biais de divers programmes publicitaires.

Instant Articles, ou comment se faire plus d’argent avec Facebook

Le rapport du MIT Technology Review évoque notamment un outil de Facebook lancé en 2015 : Instant Articles. Présenté comme un moyen permettant aux éditeurs de publier des articles se chargeant rapidement et directement sur le réseau social, cette fonctionnalité représente aussi un intérêt monétaire pour l’entreprise. Les articles ne s’ouvrant plus dans le navigateur Web de l’utilisateur lorsqu’il clique dessus, Facebook reste propriétaire de l’espace publicitaire. Alors que Google – avec son navigateur – tire généralement les bénéfices des clics publicitaires, c’est désormais le réseau social qui est gagnant avec Instant Articles.

Ce programme n’est pas parvenu à séduire sa cible, mais il a suscité l’intérêt des fermes à clics qui y ont vu un moyen facile d’obtenir des revenus publicitaires. Le groupe californien n’accorde pas beaucoup d’importance au type d’éditeurs rejoignant Instant Articles, et il ne pénalise pas la publication de contenus plagiés. Concrètement, une ferme à clics crée un ou plusieurs faux sites d’information pour publier des articles « pièges à clics ». Elle les inscrit ensuite au programme de Facebook, mais aussi à Audience Network, qui permet d’insérer des publicités dans leurs contenus. Les articles sont alors partagés par des dizaines de comptes, gérés par la même ferme à clics afin d’obtenir le plus de vues et de clics possible.

Générer le plus de revenus à l’aide des contenus

Ces fermes à clics se sont intéressées aux contenus mis en avant par l’algorithme du fil d’actualité de Facebook, soit ceux suscitant plus d’engagement et, donc, plus de revenus. Elles ont ainsi géré des pages évoquant les droits des femmes et des personnes LGBTQ, mais aussi la politique américaine lors des élections de 2020. Selon le MIT Technology Review, cela leur permet de gagner plus d’argent par rapport à d’autres emplois. Ce problème – qui est mondial – a en revanche des conséquences catastrophiques. Le média américain évoque notamment le génocide des Rohingyas au Myanmar : l’utilisation d’Instant Articles par les fermes à clics a provoqué un « effacement » des médias légitimes au profit des fausses informations et ainsi contribué à la propagation de contenus incitant à la haine et à la violence. Face à ces preuves, Facebook s’est défendu en accusant le MIT Technology Review d’avoir mal compris le problème, affirmant par ailleurs avoir investi dans la création de « solutions » pour le résoudre.

Google a également financé ces fermes à clics par le biais de sa régie publicitaire AdSense. Elle permet, elle aussi, aux éditeurs de gagner de l’argent grâce à leur contenu en ligne. Elle a alimenté des fermes basées en Macédoine et au Kosovo qui ciblaient le public américain à l’approche de l’élection présidentielle de 2016. Le géant américain aurait supprimé toutes les chaînes YouTube diffusant de la désinformation et identifiées par le média américain.

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Kesso Diallo
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