Après avoir conquis le monde des jeux vidéo, Dark Souls s’attaque maintenant au manga. Tenter d’adapter au format papier un univers aussi légendaire s’annonçait périlleux. C’est pourtant le défi qu’ont accepté de relever les Français Julien Blondel et Shonen avec une nouvelle série dont le premier tome, Humanity Lost, sort ce 6 juin.
Sans jamais être devenu un genre dominant de la pop culture, la dark fantasy a toujours occupé une place de choix dans le cœur de nombreux amateurs de récits fantastiques. Néanmoins, les stars du genre que sont le manga Berserk et les jeux vidéo Dark Souls ont réussi à dépasser ce carcan pour devenir des références dans la pop culture au sens large. Toutefois, rien ne laissait présager que ces titres connaîtraient un tel succès. Lors de la sortie de Demon Souls, l’ancêtre des Dark Souls, en 2009, le monde vidéoludique penchait plutôt du côté de la facilitation à outrance de ses productions.
Un peu à l’image de la saga Uncharted, qui offrait surtout une aventure à grand spectacle avec peu d’écueils placés sur la route du joueur. Pourtant, l’adhésion au concept exigeant des Dark Souls a été immédiate et le succès de la série n’a fait que grandir avec les années et les épisodes. Avec toujours le même paradigme : un monde sombre et désolé, une histoire distillée au compte-goutte de manière souvent cryptique et une difficulté à rebuter les plus endurcis des gamers.
En ce mois de juin 2024, la licence s’attaque à un tout nouvel univers, puisque le manga Dark Souls Redemption débarque dans les rayons, avec un premier tome intitulé Humanity Lost. Plus surprenant encore, il s’agit d’une œuvre française, écrite par Julien Blondel (Elric) et illustrée par Shonen (Outlaw Players). Une création originale développée en partenariat avec Bandai Namco, l’éditeur de la saga vidéoludique créée par FromSoftware.
Pas là pour blaguer
Contrairement au manga Elden Ring, qui avait décidé de prendre le contre-pied de l’épique solennité de son matériau d’origine en optant pour la comédie, Dark Souls version papier adopte le même ton grave que les jeux dont il est issu. Ou plutôt dont il s’inspire. Les auteurs revendiquent en effet de ne pas s’être astreints à respecter à la lettre les codes et le lore (l’univers) développés par FromSoftware.
Néanmoins, ils ont eu l’intelligence de ne pas situer l’action de leur manga dans un cadre connu des amateurs de la saga. Mais que ces derniers ne s’y trompent pas : bien que les références ne sont pas si nombreuses à l’univers si particulier des Dark Souls, on retrouve en revanche dès les premières pages cette impression de fin du monde, de désolation absolue.
Il faudra sans doute attendre quelques tomes avant de pouvoir juger de la qualité du scénario et de la cohérence du monde, mais ce premier tome pose les bases d’un récit aussi sombre qu’épique. Des chevaliers fantômes aux géants morts-vivants en passant par un dragon peu engageant, les personnages et créatures convoqués ne dénotent pas dans l’univers des jeux.
Un dessin à la hauteur de l’ambiance
Côté dessin, Shonen livre un travail remarquable qui restitue parfaitement l’atmosphère si particulière de la saga Dark Souls. Il s’est notamment inspiré des travaux de Kentarō Miura (Berserk) pour les designs torturés et presque humains des monstres, tout en gardant un style plus personnel pour les personnages. Les panoramas restituent bien l’ambiance morne de cette terre désolée, tandis que les combats se montrent dynamiques et lisibles.
Les auteurs prennent le temps de poser l’ambiance. Beaucoup de cases ne servent qu’à imbiber le lecteur de l’atmosphère, de sorte que les 216 pages se dévorent assez rapidement. Cerise sur le gâteau, la dernière section du manga renferme un véritable petit artbook de 26 pages, avec de nombreux croquis du dessinateur Shonen.
Des premiers coups de crayon aux versions définitives qui permettent de mieux appréhender le processus créatif derrière les personnages, les monstres et même les environnements. À l’heure du bilan, Dark Souls Redemption est une très belle surprise. Visuellement superbe, doté d’une ambiance prenante dès les premières pages, ce premier tome pose les bases d’une histoire prometteuse, qui devrait plaire aussi bien aux fans de la première heure qu’aux amateurs de dark fantasy en général.