Décryptage

Mais pourquoi sommes-nous si fascinés par les hyper-riches ?

20 mars 2024
Par Samuel Leveque
“Palm Royale” est disponible depuis le 20 mars sur AppleTV+.
“Palm Royale” est disponible depuis le 20 mars sur AppleTV+. ©Apple TV+

L’héroïne de Palm Royale et les spectateurs partagent une passion : la haute bourgeoisie et les histoires de millionnaires.

Maxime Simmons, ancienne reine de beauté des années 1960, ne rêve que d’une chose : vivre la même vie que les plus nantis des plus nantis. Elle est prête à tout pour infiltrer le club de vacances le plus select et le plus bourgeois des États-Unis, et vivre enfin la vie de princesse qu’elle mérite. L’héroïne du roman Mr and Mrs American Pie (Juliet McDaniel) vient nous raconter son histoire dans Palm Royale, une adaptation sérielle jubilatoire en dix épisodes qui nous plonge dans la vie des classes sociales les plus favorisées.

De Mr Ripley à Mr Beast

Cependant, la thématique qu’elle aborde n’est pas nouvelle. Dès 1955, la romancière Patricia Highsmith met en scène un escroc tentant de prendre la place d’un ultrariche dans le roman Monsieur Ripley, adapté de nombreuses fois à l’écran – jusqu’en 2024, dans une série dans laquelle Andrew Scott revêt le costume déjà porté par Alain Delon ou encore Matt Damon. Récemment, les diffusions de shows très populaires mettant en scène le « 1% du 1% des plus riches » comme Succession, The White Lotus ou encore La Chute de la maison Usher, se sont enchaînées.

Succession©HBO

Un phénomène qui ne se limite nullement aux fictions. La téléréalité s’est ainsi emparée du sujet depuis des années en suivant la vie des Kardashian, le monde de l’immobilier de luxe dans L’Agence ou encore les lieux les plus chers du monde sur la chaîne de MrBeast. De son côté, le monde du documentaire plus classique n’est pas en reste.

En témoigne l’immense succès rencontré en 2019 par le film Fyre Fraud, sur un festival de musique qui a viré à la catastrophe et dont le ticket d’entrée avoisinait les 12 000 dollars. Et pour cause : l’univers de la très haute bourgeoisie semble exercer une grande fascination sur les téléspectateurs.

Un monde à la fois familier et étrange

Pendant longtemps, et à quelques exceptions près (on pense aux frasques de la famille Onassis qui faisaient les choux gras de la presse people d’après-guerre), le monde des ultrariches était relativement confidentiel. En effet, Alizée Delpierre explique dans son ouvrage best-seller Servir les riches que la vie quotidienne des familles les plus fortunées reste souvent mal connue du grand public.

La Chute de la maison Usher©Netflix

En revanche, l’avènement d’Internet, des réseaux sociaux et la multiplication des reality shows ont largement fait gagner en visibilité cette classe sociale qui s’affiche bien plus volontiers qu’avant, entre yachts énormes et piscines luxueuses. Depuis quelques années, les écarts de richesse entre les familles les plus puissantes et le reste de la population se sont accentués à une vitesse spectaculaire, portant cette question dans le débat public.

Les ultrariches sont donc désormais plus exposés, mais leur mode de vie est aussi davantage connu et débattu que par le passé. De quoi créer un terrain très favorable à l’écriture de fictions tournant autour de leur vie réelle ou supposée.

Une forme de projection, mais aussi d’exutoire

Chercheuse à l’Iris, la sociologue québécoise Julia Posca remarque que la montée des débats autour des inégalités et de la place des riches dans la société n’a pas manqué d’engendrer beaucoup d’émissions sur le sujet, mais que la plupart d’entre elles analysent la problématique sur un angle moral plutôt que politique.

On serait ici plutôt dans une forme d’exutoire, de moquerie, voire de vengeance en illustrant à quel point la vie de cette catégorie de population est vaine et futile. Le film Glass Onion suit par exemple un détective populaire, mais débrouillard, qui fait tourner en bourrique le richissime propriétaire d’une île privée, largement inspiré par Elon Musk. À défaut de pouvoir changer l’ordre économique des choses, on en serait donc réduit à une forme de sarcasme libérateur.

À quelques exceptions près, Julia Posca estime que les productions audiovisuelles ne peuvent pas vraiment constituer un champ d’action politique sur le sujet. En effet, elles se contentent d’exposer plus ou moins ironiquement un monde à la fois enviable et détestable. Et généralement complètement hors de portée du spectateur moyen.

Palm Royale©Apple

Il ne faut néanmoins pas négliger la dimension purement spectaculaire : la sociologue Rose-Marie Charest rappelle à quel point le fait de représenter la richesse permet d’exposer un monde rempli de véhicules splendides, de tenues de haute couture, d’objets et de paysages que l’on ne croise jamais dans notre vie quotidienne. Bref, une forme d’exotisme dans laquelle il est fascinant de se plonger de temps à autre.

C’est d’ailleurs l’un des points qui fait tout l’intérêt d’une production comme Palm Royale, qui met en scène une héroïne qui navigue entre les deux mondes : anciennement aisée, mais ayant perdu son statut social, pas entièrement étrangère à un milieu dont elle n’a pourtant pas tous les codes… Une minisérie drôle et mordante qui nous laisse donc penser qu’il y a encore des pistes narratives à creuser sur le sujet.

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