Disponible depuis le 7 mars aux éditions 404 Graphic, la bande dessinée américaine de science-fiction Arca nous questionne sur notre époque.
L’Humanité a toujours contemplé sa propre extinction, et ce, depuis des temps immémoriaux. Qu’on l’appelle Ragnarök ou A’harit HaYamim, ces concepts eschatologiques lointains ont toujours fait partie intégrante de notre imaginaire. Mais si celui-ci semblait jadis appartenir à un futur nébuleux, certaines réalités climatiques récentes ont rendu ces peurs plus concrètes. Ainsi, tel que nous le rappellent constamment nos œuvres de science-fiction moderne, l’apocalypse est à notre porte.
Qu’importe, finalement, qu’il soit déclenché par un astéroïde, une pandémie ou notre course démesurée à l’armement nucléaire. Le monde est condamné à toucher à sa fin. Qu’à cela ne tienne, les plus riches d’entre nous ont déjà prévu le coup. Leurs valises sont bouclées, il n’y a plus qu’à trouver une planète habitable pas trop éloignée et le problème est réglé. C’est en tout cas ce qu’on fait les êtres humains les plus puissants du monde d’Arca.
Une étoile dans la nuit noire
Mais voilà, lorsque l’on peut se permettre de fuir une terre calcinée, a-t-on vraiment envie de s’embêter avec les tâches subalternes du quotidien ? C’est pourquoi les castes les plus élevées de l’univers de ce roman graphique ont eu la gentillesse de proposer de secourir les jeunes issus de milieux moins aisés, à condition qu’ils deviennent leur esclave dans ce nouveau monde.
À bord du vaisseau spatial éponyme, on promet malgré tout à ces adolescents un avenir plus radieux lorsque leur heure sera venue. Alors que la jeune Effie est sur le point de souffler sa dix-huitième bougie, elle réalise rapidement que ces promesses cachent une vérité bien plus sinistre.
Scénarisée par Van Jensen (révélé par Pinocchio, Vampire Slayer et connu chez nous pour son travail sur Green Lantern Corps ou encore Superman : Man of Tomorrow) et illustrée par Jesse Lonergan (Planet Paradise, Hedra), cette bande dessinée ne prétend pas réinventer la roue. Au contraire, elle reprend des concepts issus de la littérature de science-fiction qui sont plus actuels que jamais.
À une époque où certains rêvent de coloniser Mars ou une quelconque exoplanète obscure, elle rappelle à quel point les œuvres de SF de la seconde partie du vingtième siècle auraient dû nous alerter de certains risques plutôt que d’être considérés à tort comme des manuels d’utilisation. Car c’est là que réside toute la force d’Arca : elle nous questionne sur notre époque et la trajectoire que nous prenons, quitte à nous mettre fortement mal à l’aise par moment.
Elle ne tombe toutefois jamais dans le nihilisme primaire (et un peu facile) dans lequel s’effondrent certains récits modernes qui abordent des thématiques similaires. Et si la vision sombre de notre avenir nous rappelle de nombreuses déviances contemporaines telles que la cupidité qui détruit notre planète ou le regain d’intérêt pour une certaine folie colonisatrice, une lueur d’espoir scintille dans l’obscurité intersidérale. Une étincelle du nom d’Effie, qui donnera aux lecteurs envie d’enchaîner ses 192 pages à une vitesse lumière.