Critique

The Regime : excès de parano

29 février 2024
Par Thomas Laborde
“The Regime” sera disponible sur Prime Video à partir du 3 mars.
“The Regime” sera disponible sur Prime Video à partir du 3 mars. ©HBO, Prime Video

Kate Winslet étincelle, encore une fois, dans une élégante satire, malicieuse et décalée, en dirigeante autoritaire d’un pays fictif. Autour d’elle, un casting excitant ; derrière la caméra, le cinéaste Stephen Frears (Tamara Drewe).

La menace est là. Quelque part. Elle flotte dans l’air. Se niche dans les recoins. Elle traîne, se faufile, exerce une pression latente. La menace se glisse dans chaque regard qui feinte la flatterie, dans chaque courbette qui tente la courtisanerie. La menace est là. Qui ? Comment ? Quand ? Quoi, surtout ? Le poison.

Le poison dont il faut la purger, à grand renfort de massages à la moutarde, remède de grand-mère de ce pays fictif d’Europe de l’Est sur lequel règne une chancelière autocentrée, paranoïaque, hypocondriaque. La bientôt quinquagénaire Elena Vernham (incarnée par Kate Winslet) n’a que faire de la gronde populaire qui agite son pays.

De son grand palais, entre mobilier Belle Époque soigné et décoration monarchique ostentatoire, elle ne regarde rien du peuple, ne veut rien en voir. La dirigeante autoritaire consacre son énergie névrosée à faire évaluer le taux d’humidité des pièces qu’elle traverse et occupe, obsédée par la moisissure, plutôt qu’à entretenir un quelconque lien avec la population à laquelle elle impose sa main de fer.

Pour calmer ses angoisses, elle s’entiche d’un soldat traumatisé et violent, bras armé qui la manipule comme elle le persécute. Dans son lit, parfois, son mari, Français romantique passionné de poésie. Loin d’être naïf et pour le moins agacé par l’intense présence du molosse auprès de sa femme, il n’est par ailleurs pas du tout choqué ni même intéressé par les exactions d’un régime qu’il cautionne pour préserver son intimité. Autour, une cour d’ambitieux hypocrites et cupides.

Créé par un scénariste de Succession

Réalisée par l’immense cinéaste britannique Stephen Frears (High Fidelity, The Queen, Tamara Drewe, The Lost King), la minisérie en six épisodes The Regime s’offre à nous comme une audacieuse satire divertissante, aussi élégante qu’espiègle. Une malice portée par la musique du compositeur culte français Alexandre Desplat, collaborateur de longue date et au long cours de Wes Anderson, parmi tant d’autres, dont, justement, de Stephen Frears.

©HBO, Prime Video

Tourné presque comme un huis clos, au plus près des tourments d’Elena, de ses crises, de sa perversion, le show reprend avec humour les codes visuels du film de dictature décalé. Angles et mouvements de caméra dessinent la suspicion générée par tout nouvel arrivant dans ce microcosme que certains notables – sur la sellette, voire sur un siège éjectable direction la prison et la torture – s’attellent à protéger dans l’ombre pour leur plus grand intérêt personnel.

De fabuleux dialogues enveloppent cette atmosphère intemporelle, condensée de dérives actuelles et de diverses ambiances autoritaires observées à travers les époques. On n’en attendait pas moins d’un ancien de la série Succession : c’est l’un des scénaristes, Will Tracy, qui a créé The Regime. Costumes et décors complètent un tableau extraordinaire dans lequel une sacrée bande de comédiens s’en donne à cœur joie.

©HBO, Prime Video

Tout en haut de l’échelle du régime, Kate Winslet, exubérante à souhait, fantaisiste, à la théâtralité sans limites ni pudeur. À ses côtés, le gracieux Guillaume Gallienne (de la Comédie-Française), mari soumis pour le moins indulgent, mais ordonnateur de manœuvres dans l’ombre. Et l’épais Matthias Schoenaerts, ici brutal confident, garde du corps, guérisseur charlatan, comme d’autres du temps des tsars de Russie, qu’une ascension rapide ne préviendra pas de la rapide chute à venir.

Un réjouissant casting auquel s’ajoute une surprise de taille. Géopolitique, manipulation, névroses, violence, paranoïa, oppression, soumission… The Regime est une grande création comique, effervescente, doublée d’un objet visuel éclatant.

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Article rédigé par
Thomas Laborde
Thomas Laborde
Journaliste