Décryptage

Colum McCann, bien plus qu’un écrivain

21 février 2024
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Colum McCann.
Colum McCann. ©AFP/Kenzo Tribouillard

L’ancien journaliste devenu écrivain est aujourd’hui l’une des plumes les plus majestueuses de la littérature mondiale. L’une des plus nécessaires aussi.

À l’heure où la non-fiction, venue des États-Unis, a envahi le monde, tout le monde n’a qu’un mot à la bouche. On parle de roman vrai pour désigner ces ouvrages à mi-chemin entre l’enquête journalistique et la littérature du réel, ces récits inspirés d’un moment, d’une figure, d’une rencontre, qui s’amusent à créer le trouble entre réalité et fiction.

Cela fait plus de 25 ans que Colum McCann est l’un des plus glorieux représentants de ce courant foisonnant. Avant d’être romancier, l’Irlandais, émigré à New York depuis la fin des années 1970 après un détour par le Japon, fut une plume respectée du journalisme anglo-saxon, contributeur régulier de titres prestigieux comme The Irish Times, The New York Times, The Guardian, The Independent ou encore The New Yorker. De cette vie d’enquêtes et de portraits, il a tiré une matière première redoutable pour sa littérature.

La déflagration

Mis à part son premier roman, Le Chant du coyote, galop d’essai entièrement fictionnel et un peu raté, les œuvres de Colum McCann ont toujours un pied dans le réel. Elles partent d’une histoire vraie, d’une expérience vécue ou d’une figure ayant existé pour ensuite faire œuvre de fiction.

Irlandais émigré à New York, l’écrivain multiplie les petits boulots pour subvenir à ses besoins. Il arpente la ville et croise toute une galerie de laissés pour compte du rêve américain. Les Saisons de la nuit (1998) est un hommage qui leur est adressé. De 1916 à 1991, il met en scène plusieurs générations d’hommes et de femmes qui vivent sous terre dans les tunnels du métro et forment une cour des miracles réfugiée loin du regard des puissants de ce monde. Un livre édifiant.

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Dans Danseur (2003) et Zoli (2007), il fait le pari de l’exofiction, cette forme romanesque visant à combler par l’invention les vides et les énigmes de la vie d’une figure historique ou artistique ayant réellement existé. À mi-chemin entre le journalisme et la littérature, il part sur les traces de deux icônes à la vie méconnue : le danseur classique Rudolf Noureev et la poétesse tzigane Bronisława Wajs, dite Papusza.

Mais la véritable déflagration Colum McCann se joue en 2009 avec la publication de Et que le vaste monde poursuive sa course folle, un roman qui s’attache à un moment clé de l’existence du funambule virtuose Philipe Petit, sa traversée légendaire, d’une Twin Tower à l’autre, le 7 août 1974. Autour de ce moment suspendu, hors du temps, l’écrivain fait surgir toute une galerie de personnages hauts en couleur, mais c’est surtout une langue qui érupte et nous envoûte.

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Tout commence avec une photo, celle d’un homme, une perche dans les mains, qui fend les nuages sur un fil épais comme un cheveu 412 mètres au-dessus du sol. On revit, médusé, happé par le style de McCann, cet exploit qui touche au divin. Mais, en toile de fond, une grande fresque des années 1970 se dévoile, une peinture saisissante de la folie des seventies, de la guerre du Vietnam et du mouvement hippie. Seul dans le ciel, Philippe Petit contemple un monde qui s’apprête à entrer dans une nouvelle ère.

Le dialogue impossible

Couronné du National Book Award, Et que le vaste monde poursuive sa course folle fait entrer McCann dans la cour des grands. Ses romans du réel, portés par une langue sublime, marquent les esprits et l’installent au rang des écrivains les plus respectés de la littérature mondiale. C’est paradoxalement à ce moment-là que son œuvre bascule vers autre chose. Plus encore qu’un écrivain, il se rêve en intellectuel dont les livres pourraient changer les choses. Colum McCann vit avec une conviction chevillée au corps : c’est dans le dialogue impossible avec l’ennemi intime que se joue le réenchantement du monde.

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Apeirogon, son chef-d’œuvre, publié en 2020, est un livre déchirant, majestueux, peut-être le plus beau jamais écrit sur le conflit israélo-palestinien. Rami Elhanan est Israélien, fils d’un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour. Il a perdu sa fille de 10 ans, Abir. Aramin est Palestinien et n’a connu que la dépossession, la prison et les humiliations.

Lui aussi a perdu une fille, Smadar, 13 ans. Tout les oppose, ils devraient s’entretuer, mais ce livre raconte leur improbable alliance pour la paix. Avec une poésie dévastatrice, jamais larmoyante, Colum McCann explore toutes les facettes de cette guerre qui n’en finit pas. Au total, il offre 1001 sections narratives comme autant d’instantanés du drame à l’œuvre depuis des décennies, de la violence qui ronge des générations, mais aussi de l’espoir qui subsiste, encore et toujours.

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Sur le même modèle qu’Apeirogon, American Mother propose aujourd’hui une nouvelle rencontre hors norme. Diane Foley est la mère de James Foley, premier otage américain exécuté par l’État islamique en représailles à l’intervention militaire américaine en Irak et en Syrie. Alexanda Kotey, alias Djihadi John, est son bourreau, un ancien rappeur britannique parti faire le djihad au nom d’Allah. Leur face-à-face est une plongée vertigineuse dans les racines de la violence et dans les ravages du fanatisme.

C’est aussi un vibrant plaidoyer pour que subsiste, même dans l’horreur la plus abjecte, une part d’humanité. Et cette phrase adressée par la mère éplorée n’en finit pas de résonner : « J’espère qu’un jour, nous pourrons nous pardonner l’un l’autre. »

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