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La France, futur acteur majeur de l’IA ?

02 décembre 2023
Par Kesso Diallo
La France, futur acteur majeur de l’IA ?
©NMStudio789/Shutterstock

Dans la course mondiale à l’intelligence artificielle, où deux leaders ont déjà émergé, la France cherche à se faire une place.

La France n’a pas réussi à donner naissance à des géants de la tech, mais elle ne veut pas louper le coche avec l’intelligence artificielle (IA). Alors que la course à l’IA mondiale est dominée par les États-Unis et la Chine, l’Europe s’est, elle, concentrée sur la régulation de cette technologie. Mais, face aux multiples annonces d’OpenAI, Google ou encore des entreprises chinoises, qui n’ont pas tardé à lancer leurs répliques de ChatGPT, la France espère devenir un futur acteur majeur de l’IA à travers diverses initiatives. Explications.

Kyutai, futur rival français d’OpenAI ?

Parmi les initiatives de l’Hexagone figure Kyutai, réponse de la France à OpenAI. Inauguré le 17 novembre, il s’agit d’un laboratoire de recherche indépendant spécialisé dans l’IA. Fondée par Xavier Niel (Groupe Illiad), Rodolphe Saadé (CMA CGM) et Eric Schmidt (ancien PDG de Google), cette organisation à but non lucratif vise à « relever les principaux défis de l’IA moderne, notamment en développant de grands modèles multimodaux – utilisant du texte, mais aussi du son, des images, etc. – et en inventant de nouveaux algorithmes pour améliorer leurs capacités, leur fiabilité et leur efficacité ». Dans cet objectif, elle pourra s’appuyer sur le supercalculateur de Scaleway – filiale du groupe Illiad –, dont la puissance de calcul est la plus performante pour les applications d’IA en Europe à ce jour. 

« L’Europe a tout ce qu’il faut pour gagner la course à l’IA. Les chercheurs français sont reconnus comme étant les meilleurs au monde », a affirmé Xavier Niel. Avec un investissement initial de 300 millions de dollars, Kyutai a aussi pour objectif de démocratiser l’IA, en partageant ses avancées avec l’ensemble de l’écosystème, soit la communauté scientifique, les développeurs, les décideurs des démocraties et la société. L’équipe, dirigée par Patrick Pérez (Inria, Microsoft Research…), compte plusieurs chercheurs et doctorants ayant travaillé dans de grandes entreprises américaines comme DeepMind (filiale de Google spécialisée en IA), Meta et Apple. Yann LeCun, scientifique en chef pour l’IA de Meta, fait aussi partie du comité scientifique de ce laboratoire.

Un futur campus de l’IA en France

Outre la recherche, la France compte devenir un acteur majeur de l’IA à travers l’enseignement, avec un campus dédié à cette technologie en 2025. Fin septembre, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a annoncé que la cité scolaire Paul-Valéry deviendra une référence en matière d’IA dans les colonnes du Parisien. « L’objectif est de faire de ce collège et lycée, dont les bâtiments étaient devenus vétustes, un vrai campus de l’intelligence artificielle en Île-de-France, une infrastructure hybride qui n’existe pas encore aujourd’hui », a-t-elle expliqué, précisant que « cet établissement préparera les élèves, dès le collège, aux différentes spécificités numériques ».

Avec un budget de 85 millions d’euros, cette infrastructure devrait permettre aux élèves de réaliser des exercices en lien avec la robotique, mais aussi d’avoir d’accès à un incubateur de startups ou encore à un « cinéma IA ». Ce projet fait partie des efforts de la région pour « devenir une puissance de l’IA ».

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Dans cet objectif, elle investit plus de 150 millions d’euros dans des actions ciblées pour mettre cette technologie au service de l’économie francilienne. « Tout d’abord, nous finançons des thèses et des bourses, à hauteur de 25 millions d’euros. Une deuxième enveloppe similaire permet d’accompagner une vingtaine de startups. Nous avons aussi les Challenges IA, qui récompensent des projets d’intérêt général », a indiqué Valérie Pécresse, mentionnant notamment Owkin, startup spécialisée dans l’IA appliquée à la santé, qui a développé un outil pour mieux diagnostiquer et traiter le cancer.

Les efforts du gouvernement pour faire de la France une championne de l’IA

En plus de ces initiatives, le gouvernement met la main à la pâte. En 2018, Emmanuel Macron a lancé une stratégie nationale pour cette technologie, avec un budget de 1,5 milliard d’euros, auxquels se sont ajoutés 2,2 milliards d’euros en 2021, pour la deuxième phase (2022-2025). 

Dans le cadre de cette stratégie, le président de la République a annoncé, lors de Vivatech 2023, un plan pour soutenir les acteurs du secteur, notamment avec le dispositif « IA-cluster ». Objectif : « Faire émerger de cinq à dix universités et écoles en tant que leaders européens et mondiaux en intelligence artificielle. » Doté d’un budget de 500 millions d’euros, ce dispositif leur permettra de bénéficier de moyens massifs pour « positionner la France dans le peloton de tête de l’écosystème de l’enseignement supérieur et de la recherche mondiale ». Le gouvernement espère ainsi attirer les meilleurs talents (étudiants et chercheurs) du monde en IA et accélérer la diffusion des usages de cette technologie.

« L’objectif de placer la France dans les cinq premiers pays experts en IA à l’échelle mondiale affiché par la stratégie n’est pas atteint. »

La Cour des Comptes

Lors de cet événement, Emmanuel Macron a également annoncé le lancement d’un défi international, d’une durée de plusieurs mois, pour faire émerger et comparer les meilleures équipes mondiales sur l’IA, dont plusieurs françaises. Cela, en soumettant leurs modèles à des tâches variées, comme la résolution de problèmes ou la production de contenu, et de difficulté croissante. 

Toujours dans le cadre de cette stratégie, la Première ministre Élisabeth Borne a annoncé, en septembre, le lancement d’un comité de l’intelligence artificielle générative. Réunissant des acteurs de divers secteurs, dont Yann LeCun, Luc Julia (cocréateur de l’assistant vocal Siri d’Apple) et Joëlle Barral, directrice scientifique chez Google, il est censé présenter des propositions concrètes dans les prochains mois pour adapter la stratégie du gouvernement et aider à faire de la France un pays à la pointe de la révolution de l’IA.

Un objectif difficile à atteindre

Reste à voir si ces efforts aideront le pays à émerger en tant qu’acteur majeur de l’IA dans une course où elle est déjà en retard par rapport à ses concurrents. Alors que Xavier Niel veut concurrencer OpenAI avec Kyutai, le créateur de ChatGPT a une avance considérable, étant même perçu comme une menace par Google. Et, avec un délai de deux ans avant que le campus de l’IA ne soit pleinement prêt, la France ne risque pas de rattraper son retard sur les autres pays de sitôt.

Enfin, malgré les efforts du gouvernement, sa stratégie a fait l’objet de critiques, notamment de la part de la Cour des comptes, qui estime que « l’efficacité de la stratégie pour renforcer le positionnement de la France en IA (…) n’est pas avérée ». « Bien que les investissements financiers dans la recherche aient été importants dans cette première phase, le manque d’informations sur l’exécution des crédits et l’absence de consolidation des différentes sources mobilisées en matière d’IA ne permettent pas de mesurer globalement les efforts financiers étatiques consentis et d’apprécier l’efficience de la stratégie », a-t-elle déclaré dans un rapport publié en avril dernier, affirmant que « l’objectif de placer la France dans les cinq premiers pays experts en IA à l’échelle mondiale affiché par la stratégie n’est pas atteint ».

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste