Quotidiens et chronophages, les voyages en transports en communs sont des parenthèses ennuyeuses… Sauf pour celles et ceux qui décident de lire. On note un véritable retour de la lecture dans le métro. Enquête sur le terrain, de la ligne 1 à la 14, en passant par le RER.
Quarante minutes par jour. C’est le temps moyen passé par les Françaises et les Français dans les transports en commun. À Paris, cela peut même aller jusqu’à 52 minutes. Les options pour faire passer plus vite ces trajets quotidiens sont nombreuses : écouter de la musique ou des podcasts, faire une énième partie de Candy Crush ou de Solitaire, regarder des bouts de séries, finir sa nuit ou encore lire un livre… Cette dernière option revient en force dans les transports. Aux heures de pointe ou aux heures plus creuses, L’Éclaireur s’est rendu sur l’ensemble du réseau d’Île-de-France pour piocher dans les recommandations des meilleurs livres à lire dans le métro.
Lire dans le métro : à la recherche du temps perdu
À la différence du train, dans lequel il est facile de se laisser plonger dans son livre pendant des heures, les trajets quotidiens sont souvent ponctués de changements – trois en moyenne pour les Parisiennes et les Parisiens – et de désagréments liés à des perturbations. Ce n’est pas exactement le cadre idyllique pour lire.
Néanmoins, cela n’arrête pas les plus courageux. Depuis septembre, lorsqu’il a fallu troquer les après-midi lecture dans son transat pour le retour à Paris, Victor, trentenaire, a décidé d’intégrer la lecture dans sa routine métro-boulot-(re-métro)-dodo. « Cet été j’ai commencé à lire les John Le Carré. Ce sont des histoires d’espionnage, c’est très prenant. Ça m’a redonné goût à la lecture alors que je l’avais un peu perdu. Depuis, j’essaie de toujours avoir un livre glissé dans mon sac pour les moments d’attente, comme dans le métro. »
Même chose pour Celia, étudiante : « J’ai deux heures de transports par jour. Lire rend mes trajets plus agréables et plus utiles, je n’ai pas l’impression de perdre mon temps dans les transports, confie-t-elle. C’est d’ailleurs en général le seul moment que j’ai en semaine. Le soir, lorsque je rentre chez moi, je me tourne vers des activités qui demandent moins de concentration. »
Si ne pas perdre son temps est l’argument le plus fréquemment avancé, les lecteurs et lectrices du métro sont nombreux et nombreuses à témoigner de ce manque de temps dans leur quotidien. Les transports deviennent alors un moment privilégié pour s’octroyer le plaisir de lire quelques pages. Pour en profiter pleinement, il faut être fin stratège pour se trouver une place assise… « Je me faufile, je me place près des sièges et dès qu’un se libère, je m’assieds pour poursuivre ma lecture. Tant pis pour les punaises de lit ! », plaisante cette voyageuse.
Les recommandations des voyageurs-lecteurs
Mais quelles sont les lectures qui absorbent tellement ces passagères et passagers qu’ils parviennent à faire abstraction du bruit et de la foule ? Dans les rames de métro, à toute heure, les polars sont de sortie : de Franck Thilliez à Michel Bussi en passant par l’écrivain islandais Arnaldur Indriðason. « On est pris dans l’intrigue rapidement, les pages se tournent quasiment toutes seules », nous dit Jean-Luc, la cinquantaine, qui a bien voulu lever les yeux de son polar quelques secondes.
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Puis, sans surprise, les prix littéraires annoncés au début du mois de novembre ont déjà accompli leur mission : Veiller sur elle de Jean-Baptiste Andrea (prix Goncourt) ou encore Western de Maria Pourchet (prix de Flore) fleurissent dans les wagons.
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Des lectures métro-compatibles ? Il y en a plein, comme l’intemporelle saga L’Amie prodigieuse de la romancière italienne Elena Ferrante. C’est en fin de soirée, en week-end, que Fanny, 26 ans, casque sur les oreilles, dévore cet ouvrage : « J’ai commencé la saga il y a deux semaines… J’en suis déjà au tome 3 ! Je l’emmène partout où je vais. Et puis, j’aime bien mettre mon casque lorsque je lis dans le métro, ça me coupe du monde et je me constitue des playlists thématiques qui matchent avec ma lecture. »
Dans la série des lectures inattendues, Sophie, une quadragénaire, sort une bande dessinée : « En sortant du boulot, je suis passée à la librairie et j’ai vu Femme, Vie, Liberté, la nouvelle bande dessinée de Marjane Satrapi. Je n’avais pas envie d’attendre d’être rentrée. J’ai déjà lu le premier tiers ! » Mais la palme de la lecture la plus improbable revient surement à cet homme qui lisait, débout, un pavé : L’Évangile selon saint Luc.
La sélection de L’Éclaireur
Parce qu’il y a autant de goûts de lecture que de voyageurs et de voyageuses, L’Éclaireur a concocté une sélection d’ouvrages pour satisfaire tous les types de passagers et de trajets.
1 Pour les trajets express
Vous montez à une station, vous descendez quelques arrêts plus loin… Ce n’est pas une excuse. En 90 pages, le roman L’Amour de François Bégaudeau (Verticales) captive dès les premières lignes. Il raconte l’histoire d’amour intense et évidente de Jeanne et Jacques. Un couple qui s’aime toute une vie… À découvrir le temps d’un trajet.
2 Pour les itinéraires interminables
Vous dévorez les livres si vite, les uns après les autres, que vous revenez aux classiques que vous connaissez déjà par cœur… ou presque ? Avec la nouvelle traduction d’Emma de Jane Austen par l’autrice Clémentine Beauvais (Baribal), c’est l’humour qui est à l’honneur. Loin du roman à l’eau de rose, cette version sublime l’esprit malicieux de l’autrice anglaise du XVIIIe siècle.
3 Pour les usagers des pires lignes…
Pour oublier les perturbations constantes qui surviennent sur les lignes à la réputation désastreuses, Fabcaro est l’auteur idéal. Samouraï, le quatrième roman de l’auteur, vient de sortir en poche (Folio). Dans ce concentré d’humour et d’absurde, le protagoniste est un écrivain qui fait tout sauf écrire. De quoi faire oublier la lourdeur des trams qui rament…
4 Pour les lecteurs et lectrices facilement distraits
Bruit, secousses et forte affluence… Pas toujours facile d’être concentré sur sa lecture. Avec un cosy mystery, on ne s’éparpille pas. Légèreté et suspense sont au rendez-vous dans ces polars pas trop sanglants. Notre recommandation : La Breizh Brigade de Mo Malø (Les Escales). Ce cosy met en scène un trio d’enquêtrices appartenant à trois générations d’une même famille, à la personnalité pétillante et croquignolesque.
5 Pour les lecteurs et lectrices imperturbables
À l’inverse, certains et certaines sont imperturbables. Dans leur bulle, leur concentration est totale. L’occasion de plonger dans la saga des Mystères de Paris d’Eugène Sue. Publiés de 1842 à 1843 dans le Journal des débats sous forme de roman-feuilleton, ces polars nous immergent dans les bas-fonds parisiens du XIXe siècle. Ils viennent d’être republiés au format poche (10/18), en quatre tomes. Un voyage dans le temps.