Jérôme le Gris s’attaque au mythe avec une certaine densité qui laisse espérer une fresque s’étalant sur plusieurs volumes.
Pendragon – Tome 1 : L’Épée perdue est une nouvelle itération de la légende arthurienne, signée Jérôme le Gris et dessinée par Benoît Dellac et Paolo Martinello.
Dans ce premier tome, sorti aux éditions Glénat, l’histoire suit Arthur, bâtard rejeté par son père qui tente de se faire une place dans un monde violent et en proie au chaos. Les ingrédients classiques du mythe du Roi Arthur sont forcément présents — Merlin, la dame du lac, l’épée —, mais avec de nombreux éléments ajoutant de la densité et du contexte aux événements qui se jouent. Pendragon utilise en réalité plusieurs références pour construire son histoire et les enjeux ne se résument pas simplement à la quête d’Arthur.
Dès ses premières planches, l’album a une forte dimension mythologique. Les dieux règnent et leurs manifestations se ressentent. Dans une ambiance très heroic fantasy, la longue introduction contée par Merlin montre comment l’île d’Alba est passée du chaos à la prospérité (grâce au courage du premier Roi et de son épée sacrée), avant de retomber dans une période de trouble à la suite de l’invasion romaine. Depuis, l’île est en proie à l’instabilité et les seigneurs locaux passent plus de temps à se quereller entre eux, qu’à s’unir face aux dangers extérieurs.
Dans ce contexte complexe, Arthur, guerrier accompli renié par le Roi de l’île, Brùde, évolue selon les manigances de Merlin et tente de sauver un seigneur et sa fille, Elwen. Les quelques noms évoqués montrent que Pendragon s’amuse à modifier certains archétypes de personnages. Noms et lieux sont parfois familiers (Arthur et Merlin en tête, mais également Leodan, Gawain ou Calibur), ou s’éloignent des conceptions classiques et revêtent d’autres sonorités.
Le début d’une longue épopée ?
Si l’enjeu politique est au coeur de l’intrigue, les questions autour de la religion sont aussi liées à la narration. Le but de Merlin est de préserver ses anciennes croyances et les objectifs de chaque personnage sont mués par une volonté très personnelle, presque égoïste ! Et l’intérêt de l’album vient de la confrontation de ces points de vue distincts et propres. Quand certains doivent concilier, d’autres ne cèdent pas, créant de nouvelles dynamiques et relations.
L’aspect visuel favorise l’immersion dans ce monde dense et varié. Des lieux et décors émanent une puissance graphique instantanée, et rarement la légende du Roi Arthur n’a autant fait penser à celle d’un autre guerrier Roi en devenir : Conan le barbare, par la brutalité, l’errance des personnages et le jeu de destiné invoqué.
Pendragon – Tome 1 : L’Épée perdue a tout d’une introduction posant les bases d’une fresque pouvant être très longue. L’attachement aux personnages est immédiat. Entre le rythme, le développement des protagonistes et leur arc narratif, les auteurs arrivent à impliquer le lecteur, désireux de suivre les histoires entremêlées de Merlin, Arthur ou (un des plus intéressants), Mordred.
En donnant vie avec passion à leur univers (chaque royaume est différent, chaque culture est représentée avec ses spécificités), l’appel à la découverte et à l’aventure est totale.
Difficile de dire, en sortant de ce premier tome si Pendragon est une série conçue sur le long terme. La certitude offerte par ces pages est en tout cas de vouloir rapidement retrouver l’univers et les personnages, entre monde familier (tout le monde connait le Roi Arthur) et originalité suffisamment présente pour intriguer et donner une sensation de nouveauté. Qu’elle soit développée sur le long terme est à espérer, en réalité. Pari réussi !
