Décryptage

Alan Wake : comment le premier jeu est devenu culte malgré son échec commercial

27 octobre 2023
Par Vincent Oms
“Alan Wake II” est sorti le 27 octobre sur PS5, Xbox Series et PC.
“Alan Wake II” est sorti le 27 octobre sur PS5, Xbox Series et PC. ©Epic Games

Il aura fallu attendre 13 ans pour enfin découvrir la suite des aventures du romancier perdu dans ses cauchemars. Un long sommeil bénéfique.

Sorti sur Xbox 360 en mai 2010, Alan Wake n’était pas tout à fait un jeu comme les autres. Outre une très longue attente ayant séparé la sortie de son annonce, cinq ans plus tôt, il était surtout le fruit de l’imagination d’un studio mondialement reconnu, le finlandais Remedy.

Pour toute une génération de joueurs PC, Remedy est indissociable de Max Payne (2001), son grand succès, et de sa suite. Beaucoup en ont davantage retenu son effet bullet time, permettant de ralentir le temps pour viser ses ennemis, évoquant forcément le film Matrix, sorti deux ans auparavant. Preuve de son impact durable, Max Payne fera même l’objet d’un prochain remake.

Envies d’écriture

Ne garder que la maestria technique du studio, souvent représenté en public par Sam Lake, son charismatique scénariste et interprète star, est pourtant une erreur. Dès les deux épisodes de Max Payne, la narration tient une place à part, représentée tant par des pages de comics que des cauchemars éveillés, déjà, de son héros.

Le flic new-yorkais hanté par la mort violente de sa femme et de sa fille sait faire parler la poudre de façon spectaculaire, mais il n’en reste pas moins torturé. La narration environnementale s’invite également à la fête, avec des notes, inscriptions sur les murs et autres indices sur la santé mentale déclinante du personnage.

Une nouveauté inattendue

Quand Remedy annonce son nouveau titre baptisé Alan Wake à l’E3 2005, il est décrit comme un thriller psychologique. Auréolé de son statut de leader technologique, le studio a par ailleurs à cœur de faire valoir cette réputation avec des démos impressionnantes, mais souvent assez floues, sur le contenu réel du jeu final.

Et pour cause. En interne, les développeurs explorent d’abord la possibilité d’un vaste monde ouvert, au sein duquel le romancier qui donne son nom au jeu serait à la recherche de sa femme disparue, dans un univers à mi-chemin entre cauchemar et réalité.

Références d’exception

Rapidement, les contraintes techniques affluent, mais surtout le choix d’un open world se montre assez peu à même de soutenir un récit très pointu. Un doux euphémisme tant le travail d’écriture a été important, façonnant peu à peu la structure ludique autour de lui plutôt que l’inverse.

S’inspirant de grands classiques de la littérature, d’Edgar Allan Poe à Stephen King, en passant par la série culte Twin Peaks de David Lynch, Alan Wake raconte la vie d’un romancier spécialiste du thriller en mal d’inspiration. Sa femme décide de lui offrir un séjour dans la petite ville tranquille de Bright Falls, au bord d’un lac, nichée dans une belle forêt.

L’angoisse de la page blanche

Après une dispute et un terrible accident, le romancier se réveille au volant de sa voiture, sans aucun souvenir de ce qu’il s’est produit. Découvrant peu à peu des pages d’un roman qu’il ne se souvient pas avoir écrit, prédisant les événements à venir, il va devoir enquêter dans deux mondes opposés.

La journée, Bright Falls a tout d’une petite ville paisible, mais la nuit, elle devient un terrifiant monde cauchemardesque habité par les Ombres, entités menaçantes possédant objets et habitants. Remedy imaginait alors un cycle jour-nuit dans une sorte de jeu de survie, trop ambitieux et dispersant une narration devenue essentielle.

Le Remedy Game Universe

Les développeurs ont imaginé un véritable roman de 144 pages, ainsi qu’une web-série pour accompagner le scénario. Un véritable projet transmédia à même d’étendre cet univers foisonnant. De multiples références, des effets visuels et artefacts malins, ou encore la présentation de chaque chapitre du jeu comme l’épisode d’une série parachèvent cette volonté narrative ambitieuse.

L’aspect monde ouvert a été abandonné, mais la mécanique principale est restée inchangée. Pour affronter les ténèbres, le joueur doit fort logiquement s’appuyer sur la lumière, la lampe torche étant son arme de base. Toute autre source lumineuse peut le protéger des menaces.

Dans le viseur de John Marston

La sortie d’Alan Wake (d’abord sur Xbox 360) était très attendue en dépit de ses changements de direction multiples, mais le jeu a connu un sort d’une dualité aussi forte que celle de son univers. Les critiques ont encensé le thriller horrifique, notamment pour ses qualités techniques et d’écriture. Times Magazine en a même fait son jeu de l’année.

En parallèle, les ventes n’ont pas été au rendez-vous, avec seulement 145 000 exemplaires écoulés au lancement. Ironie du sort, Alan Wake a fait face en ce mois de mai 2010 à un certain Red Dead Redemption de Rockstar, vendant plus de 1,5 million d’exemplaires, et dont la principale mécanique de jeu s’inspirait du bullet time.

Patience et longueur de temps

Dans un premier temps, l’échec commercial a justifié les déclarations du studio expliquant qu’une suite n’était pas à l’ordre du jour. Cependant, un étonnant phénomène de bouche-à-oreille a peu à peu fait remonter Alan Wake des abysses, à l’image de son personnage.

Remedy a continué à créer de nouveaux univers, plus ou moins clairement reliés entre eux, avec les jeux Quantum Break (2016) pour Xbox One et PC, puis Control (2019) sur PS4, Xbox One et PC. Des succès qui, en même temps que la popularité croissante d’Alan Wake, ayant dépassé les 4,5 millions d’exemplaires, ont conduit Epic Games à valider le développement de la suite, que nous découvrirons enfin ce 27 octobre.

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Article rédigé par
Vincent Oms
Vincent Oms
Journaliste