À l’occasion de ses 46 ans d’existence, l’univers créé par Gô Nagai est officiellement de retour. Sobrement intitulée Goldorak, la suite de la série originelle est disponible en bande dessinée depuis le 15 octobre.
Goldorak est un monument qui a marqué son époque. Mais, après la fin des années 1970, les fans sont restés sans nouvelles. Si les produits dérivés ont envahi les rayons, ceux de la bande dessinée et de l’animation ne proposaient aucune nouveauté. Il faut dire que Goldorak a connu un réel succès, mais reste un cas particulier. Considérée comme culte dans certains pays comme la France, la série d’animation a eu du mal à poursuivre son ascension dans les années qui ont suivi son arrivée au Japon. Le public nippon est en effet rapidement tombé sous le charme de productions comme les Mobile Suit Gundam. Si l’univers supervisé par Gô Nagai reste le précurseur du genre mecha, ses fils spirituels se sont accaparé la lumière des projecteurs.
La volonté d’offrir une suite aux fans ne pouvait venir que de l’étranger. Grands amateurs de BD, les Français sont aussi les deuxièmes plus gros consommateurs de mangas au monde. La licence Goldorak est considérée comme iconique et ses aficionados ont même eu droit à une expression dédiée : la génération Goldorak. Le fait que l’initiative d’une suite vienne d’auteurs français n’a donc rien de très étonnant.
Interroger le sentiment de nostalgie
Cette adaptation de Goldorak peut compter sur une équipe de grands talents français. Xavier Dorison est au scénario, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Denis Bajram au dessin, et Yoann Guillo à la couleur. Les cinq compères ont développé une réelle alchimie lors de la conception du projet et ont une même vision de la série d’animation. Dès le début, l’idée était claire : le tome sera la suite de la série. En tant que fans, il leur est en effet « impossible de toucher au temple » qu’est Goldorak.
Si les aventures de la gigantesque machine sont toujours présentes dans l’esprit collectif, la licence a complètement disparu de la circulation depuis de nombreuses années. La principale difficulté de cette suite était donc de créer une histoire cohérente avec le dernier épisode, tout en apportant un réel plus à l’univers. Le défi des auteurs est réussi et ils sont parvenus à proposer un prolongement du monde imaginé par Gô Nagai.
La première partie aborde l’immense vide créé par la disparition d’Actarus et de Phénicia, partis refonder une civilisation sur leur planète d’origine. Les Terriens essayaient de retrouver un quotidien normal, mais la paix est de nouveau brisée. L’empire de Véga et de ses golgothes est de retour, mais Goldorak n’est plus là pour les protéger. Derrière l’attente des humains, on peut deviner un clin d’œil à toute une génération qui espérait depuis des décennies le retour de son héros préféré.
Une suite qui renouvelle l’univers classique
En 46 ans, le monde a évolué. Les récits de science-fiction ne s’écrivent plus de la même manière et les auteurs ne pouvaient pas se contenter de reproduire la même formule. Surtout à une ère post-Akira, Ghost in the Shell ou encore Eden. Le rapport à la violence et son aspect spectaculaire ont aussi profondément changé. C’est pourquoi Goldorak version 2021 aborde le sujet de la guerre d’un point de vue très critique, là où son aîné était plus manichéen – surtout au début de l’histoire. Ce choix apporte un vent de fraîcheur au récit et offre un développement intéressant aux personnages, notamment avec la culpabilité d’Actarus. La lutte des gentils contre les méchants laisse ainsi la place à une bataille qui oppose deux peuples qui ne cherchent qu’à vivre dans un havre de paix.
Xavier Dorison rappelle que l’armée « n’intervient jamais » dans la série d’animation, mais elle tient un rôle crucial dans ce nouvel album. Cette nouveauté permet aux auteurs de profiter du potentiel géopolitique de l’univers de Goldorak. Le design du robot a lui aussi fait l’objet d’interrogations. La « Cadillac de 35 mètres de haut » reste similaire à l’originale, mais elle a été repensée pour mieux correspondre à la direction artistique de l’album, ancrée dans le réel.
On ressent aussi l’envie constante de présenter le mecha sous un prisme iconique. Les cases, qui sont d’une grande beauté, sont très symboliques dans leur approche. Cet album mêle avec perfection la rigueur technique du manga, le spectaculaire des comics et un découpage propre à la bande dessinée franco-belge. Dans le récit, l’action est très présente, mais ne perd jamais de vue l’aspect philosophique. Ce dernier Goldorak rend hommage à l’œuvre originelle tout en apportant des touches de nouveauté. De la même manière que son aîné, il inspirera peut-être une nouvelle génération à faire perdurer le mythe.
Goldorak, de Xavier Dorison, Denis Bajram, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo, d’après Gô Nagai, 168 p., Kana éditions, collection « Classics », 24,90 €.