Goncourt, Renaudot, Femina : parce que la rentrée littéraire est aussi la saison des prix, retour sur huit livres qui ont incarné huit de ces récompenses !
En littérature, la saison des prix est plus que jamais lancée ! Prix Goncourt, prix Femina, prix Médicis : à travers ces récompenses, chaque année dévoile son lot de surprises, mais aussi de découvertes. Mais y a-t-il une identité pour chaque prix ? En quoi les livres primés se distinguent-ils ? Quels sont les plus marquants ? Petit tour d’horizon de la question, à travers huit livres récompensés ces dix dernières années !
| Prix du roman Fnac : Veiller sur elle, de Jean-Baptiste Andrea, 2023
Comment ne pas commencer cette sélection par le Prix du roman Fnac ? Son objectif est, depuis 2002, de désigner le roman de l’année, selon plus de 400 adhérents et 400 libraires de l’enseigne. Cette année, pour la 22e année consécutive, le prix s’est imposé comme l’un des premiers de la rentrée littéraire. Et c’est le merveilleux roman de Jean-Baptiste Andréa, Veiller sur elle, qui a été couronné.
Une fresque romanesque époustouflante, qui nous entraîne dans la vie de Mimo, sculpteur qui, au seuil de sa vie, se remémore son histoire avec Viola et leur amour impossible, rythmé par l’histoire du monde. À la fois magistralement écrit et rempli de pudeur, Veiller sur elle est un conte à mettre entre toutes les mains, pour saisir toute la force et la beauté de la littérature !
| Prix Goncourt : Chanson douce, de Leïla Slimani, 2016
Le prix Goncourt est probablement le prix le plus connu, mais aussi le plus prestigieux de la rentrée littéraire. Créé officiellement en 1892, le premier a été remis en 1903 à John-Antoine Nau pour Force ennemie. Il récompense des livres d’expression française, essentiellement des romans, avec pour objectif de mettre en lumière « le meilleur ouvrage d’imagination en prose, paru dans l’année ». Tout un programme !
En 2016, le prix Goncourt a été attribué dès le premier tour au deuxième roman de Leïla Slimani, Chanson douce. L’histoire du cheminement qui a abouti au crime de deux enfants par une nounou. Inspiré de l’affaire Yoselyn Ortega (à New York), le roman tire les fils de grands thèmes universels : la maternité, la place des femmes dans notre société, mais aussi certains rapports de force entre les classes sociales. Un succès tel qu’en 2019, une adaptation cinématographique en a été réalisée par Lucie Borleteau.
| Prix Goncourt des lycéens : L’Art de perdre, d’Alice Zeniter, 2017
Si la question de la jeunesse est primordiale lorsque l’on parle de lecture, le prix Goncourt des lycéens relie les deux de la plus belle des façons. Créé en 1988 par la Fnac et le ministère de l’Éducation nationale, il vise à distinguer un roman présent sur la liste du prix Goncourt de l’année, à la différence près que le jury se compose de 2 000 élèves issus d’une cinquantaine de classes. Des élèves qui, à l’aide de leurs professeurs, se rencontrent, échangent, débattent, afin de désigner le roman qui a fait consensus.
Certaines années, le prix Goncourt des lycées est particulièrement prescripteur, et le livre d’Alice Zeniter en est l’un des meilleurs exemples. Paru en 2017, L’Art de perdre raconte une saga familiale particulièrement romanesque, entre France et Algérie, au fil des décennies. Une histoire qui traverse les générations, qui fait de ce livre une grande fresque où se mélangent les questions identitaires, les réflexions sur l’exil et l’héritage, enrobées par une virtuosité présente à chaque page. Assurément un prix Goncourt des lycéens qui a marqué les esprits !
| Prix Médicis : Il faut beaucoup aimer les hommes, de Marie Darrieussecq, 2013
Créé en 1958, le prix Médicis récompense un livre (roman, nouvelle, essai, etc.), mais aussi une plume. En effet, son ambition de départ est de couronner une écrivaine ou un écrivain débutant, ou pas assez reconnu. Il permet ainsi de faire la lumière sur des talents littéraires, à l’instar de Marie Darrieussecq qui, en 2013, publiait son livre Il faut beaucoup aimer les hommes.
Référence directe à La Vie matérielle de Marguerite Duras, le titre de ce roman fait écho à cette histoire, incarnée par Solange, une actrice française blanche résidant à Hollywood, et amoureuse d’un acteur noir prometteur, Kouhouesso. Le fil du roman tient dans l’équilibre des sentiments mis en place par l’autrice, au milieu de cette histoire d’amour… et de racisme. Une réflexion sur ce qui fait de nous des gens tolérants, mais aussi des gens amoureux.
| Grand prix du roman de l’Académie française : Le Mage du Kremlin, de Giuliano da Empoli, 2022
Depuis 1914, l’Académie française décerne chaque année son prix à un roman jugé meilleur que les autres au cours de l’année. Attribué par des membres de l’Académie, il est souvent considéré comme un prix prestigieux, parfois prescripteur, comme lorsqu’il a récompensé Le Mage du Kremlin.
Publié en 2022 par Giuliano Da Empoli, ce roman part d’une rencontre (fictive) à Moscou entre l’auteur et Vadim Baranov, ancienne éminence grise de Vladimir Poutine, qui va lui raconter son histoire. Ce « mage du Kremlin » met en lumière la profondeur des faits historiques, mais aussi une vraie réflexion sur le pouvoir, en plus d’être follement romanesque. Un livre total, et un premier roman !
| Prix Décembre : Un amour impossible, de Christine Angot, 2015
Anciennement appelé prix Novembre, le prix Décembre est un prix littéraire créé en 1989. Parmi ses particularités, il se compose d’un jury tournant, et porte l’ambition d’être une forme d’anti-Goncourt. En 2015, c’est Christine Angot qui le remporte, avec son livre Un amour impossible. À mi-chemin entre l’autobiographie et la tentative d’analyse, ce texte se déroule à Châteauroux, dans les années 1950.
Un homme et une femme ont une enfant prénommée Christine. Mais, très vite, la mère va devoir s’en occuper seule, jusqu’à l’adolescence de Christine, où père et fille vont se rapprocher. En décrivant des rapports de domination avec subtilité, Christine Angot parvient à évoquer des thèmes puissants, à l’instar du viol, des liens familiaux ou de la culpabilité avec une impartialité nette. À noter que ce livre a été adapté au cinéma en 2018 par Catherine Corsini.
| Prix Interallié : La Septième Fonction du langage, de Laurent Binet, 2015
Depuis 1930, le prix Interallié fait partie des prix notables de la rentrée littéraire. Fondé par des journalistes – le cercle de l’Union interalliée –, il est né alors que ces derniers attendaient les résultats du prix Femina. Et s’il a souvent pour ambition de couronner un auteur ou une autrice qui a un parcours journalistique, en 2015, c’est Laurent Binet qui a été mis en lumière pour son roman La Septième Fonction du langage.
À mi-chemin entre le roman policier et la réflexion sur la langue, ce livre met d’abord en scène Roland Barthes qui, en 1980, se fait renverser, alors qu’il pourrait transporter un document capital sur la « septième fonction du langage ». Un document qui suscite bon nombre de convoitises, notamment lorsqu’on sait que Barthes se trouvait avec François Mitterrand juste avant. Dans ce brillant roman, Laurent Binet nous entraîne dans une enquête singulière, mais part également à la découverte d’un milieu et d’une époque foisonnante. Un livre pour mieux réfléchir au lien qui peut exister entre réalité et fiction.
| Prix Femina : Le Lambeau, de Philippe Lançon, 2018
Décerné en réaction au prix Goncourt, jugé misogyne, le prix Femina est un prix qui, comme son nom l’indique, se compose d’un jury féminin. Créé en 1904, il a pour objectif de récompenser un roman écrit en prose ou en vers, à l’instar du Lambeau de Philippe Lançon en 2018.
Présent lors de la conférence de rédaction de 2015 à Charlie Hebdo, Philippe Lançon raconte son parcours, de ce jour où il est devenu un survivant à sa reconstruction à la fois physique et mentale. Un livre profond, bouleversant, qui a assurément marqué l’année 2018, et plus encore.
| Prix Renaudot : Le Sillon, de Valérie Manteau, 2018
Originellement appelé prix Théophraste Renaudot, ce prix a été créé en 1926 et fait partie des plus prestigieux après le prix Goncourt. C’est d’ailleurs dans l’attente des résultats de ce dernier qu’un petit groupe décide de lui donner naissance au restaurant Drouant. En 2018, c’est le deuxième roman de Valérie Manteau qui a été primé.
Le Sillon raconte la Turquie d’aujourd’hui, à travers le portrait d’un journaliste arménien turc, assassiné en 2007 par un mineur. En 2015, l’autrice se rend à Istanbul et plonge dans cette histoire, mais pas seulement. Entre jeunesse et milieu intellectuel, autofiction engagée et récit documentaire, Le Sillon apporte des pistes de réflexion sur un pays plein de contrastes, où l’injustice peut se trouver à chaque coin de rue.