À l’occasion de la sortie de la troisième saison de la série Lupin sur Netflix, retour sur les très nombreuses adaptations dont a bénéficié le héros culte du romancier Maurice Leblanc.
De son vivant, Maurice Leblanc a publié pas moins de 18 romans consacrés à son gentleman cambrioleur, parus entre 1905 et 1941. Rusé, charmant, sportif, le personnage devient rapidement très populaire et passionne la France entière. Bien vite, le personnage sort de son cadre et les récits de son auteur se retrouvent adaptés au cinéma, au théâtre ou encore en bande dessinée. Des adaptations qui deviendront encore plus libres et encore plus nombreuses à partir de 2012, date de l’arrivée de la saga dans le domaine public.
Les premières adaptations théâtrales, une immense publicité pour la série
Les premières aventures d’Arsène Lupin, publiées en feuilleton, sont un incontestable succès littéraire. Pourtant, c’est une adaptation théâtrale qui va donner ses lettres de noblesse au célèbre voleur. Tout simplement intitulé Arsène Lupin, ce vaudeville présenté au Théâtre de l’Athénée sera un des plus grands triomphes du spectacle vivant du début du XXe siècle et sera joué plus d’un millier de fois à guichet fermé.
La pièce, qui sera plus tard adaptée en film puis en feuilleton radiophonique, nourrira elle-même les romans : le look imparable du comédien André Brûlé, avec ses moustaches, sa redingote et son haut de forme, devient l’image d’Arsène Lupin dans les esprits… Et dans les illustrations officielles des romans.
Arsène Lupin au théâtre, c’est d’ailleurs une longe histoire d’amour : une dizaine d’autres pièces sont montées un peu partout en Europe pour adapter les romans de Leblanc jusque dans les années 1930. Pour la plupart d’immenses succès, elles vont assurer une grande publicité à la série de romans, qui va gagner un lectorat fidèle toujours bien présent un siècle plus tard.
Un des premiers grands héros de cinéma
En parallèle, Lupin s’impose très rapidement comme une grande icône de cinéma, dans des adaptations plus ou moins officielles. La MGM rachète très tôt les droits des romans, mais cela n’empêche pas de nombreux réalisateurs de créer « leur » Lupin durant toute la première moitié du XXe siècle. Rien que pendant l’ère du cinéma muet, une dizaine de longs métrages adaptent l’univers de Leblanc : Une aventure d’Arsène Lupin (1908), The Teeth of the Tiger (1919) ou encore…. 813 – Rupimono, un film japonais désormais perdu, premier témoignage de la portée mondiale du fameux voleur.
Au fil des adaptations, le personnage voyage ainsi au Mexique, en Espagne ou encore en Italie. Seuls les pays de l’Union soviétique se désintéressent des adaptations de l’œuvre de Leblanc, les valeurs de ce bourgeois séducteur et cynique ne collant pas tout à fait avec les impératifs du cinéma marxiste officiel !
Cependant, à partir des années 1960, le cinéma comme le théâtre se désintéressent pour longtemps du personnage… À l’exception du Arsène Lupin de 2004, un film signé Jean-Paul Salomé dans lequel Romain Duris tentait d’enfiler le costume de célèbre bandit. Le succès ne fut pas, hélas, au rendez-vous de ce qui fut considéré à l’époque comme un navet misant beaucoup trop sur ses simples effets spéciaux. Mais la disparition de Lupin du grand écran a surtout été la conséquence de son apparition à la télévision !
De Jacques Dutronc à Omar Sy
Débouché logique pour une série initialement publiée en feuilleton, Arsène Lupin débarque à la télévision dès 1960… au Québec, dans une série en 13 épisodes ! Une série désormais complètement introuvable, mais qui fut le coup d’envoi de très, très nombreuses adaptations du même genre.
Certaines sont restées dans les mémoires, à l’image de la série française des années 1970 dans laquelle le voleur était incarné par le brillant Georges Descrières, où, plus récemment, avec le succès mondial Lupin, dans lequel Omar Sy incarne un cambrioleur moderne s’inspirant du personnage pour commettre ses méfaits !
Mais, entre les deux, on a également pu découvrir tout un tas de curiosités, allant de la série de 2007 venue des Philippines, Lupin, à un improbable sentai (les séries de super héros japonais) dans laquelle les Lupinrangers doivent retrouver des artefacts volés et combattre d’autres criminels en collants.
Une vie parallèle au Japon
Difficile d’ailleurs de ne pas souligner combien le Japon est devenu au fil du temps « l’autre pays de Lupin » : en 1967, le dessinateur Munkey Punch y crée le personnage de Lupin the Third, un cambrioleur revendiquant être le petit-fils du grand Arsène lui-même.
Immensément populaire, cette adaptation non officielle (et décriée par les ayants droit de Maurice Leblanc qui feront rebaptiser le personnage Edgar en France) est devenue une licence à succès, adaptée dans de très nombreuses séries animées… Ainsi qu’une série de films, dont l’un d’eux, Le Château de Cagliostro, a été réalisé par Hayayo Miayazaki en 1979. La licence Lupin III est par ailleurs toujours bien vivante, puisqu’Amazon Prime Video diffuse en octobre 2023 un film en prise de vues réelles adaptant les aventures de l’un de ses personnages secondaires de Jigen Daisuke.
C’est d’ailleurs également au Japon que sont produites plusieurs séries adaptant de manière plus officielle les aventures d’Arsène, à l’image du manga Kaitô Lupin Den – Aventurier publié en France chez Kurokawa, qui reprend les écrits de Maurice Leblanc de manière bien plus fidèle que ne l’avait fait Monkey Pinch en son temps.
Une tradition de réinterprétation graphique qui s’inscrit cependant dans le monde plus large encore des adaptations de l’œuvre en bande dessinée : ces dernières années ont ainsi vu fleurir moult exercices du genre. Il n’y a désormais plus besoin de passer par la case du pastiche pour parler de ce sacré Arsène, ce qui explique sans nul doute l’incroyable revival de la franchise depuis quelques années. Longue vie à Lupin !