Entretien

On a rencontré Takashi Morita, le mangaka qui adapte les aventures d’Arsène Lupin en BD japonaise

23 avril 2023
Par Agathe Renac
Arsène Lupin est très célèbre au Japon.
Arsène Lupin est très célèbre au Japon. ©Takashi Morita, Kurokawa

Entre deux dédicaces à la Fnac, L’Éclaireur a rencontré Takashi Morita lors de son périple parisien. Il nous a parlé de sa passion pour le plus gentleman des voleurs, de son rapport à la littérature occidentale et des mangas historiques.

Qu’est-ce qui vous intéressait dans le personnage d’Arsène Lupin, au point de vouloir adapter les romans de Maurice Leblanc ?

C’est le héros de mon enfance, je l’ai lu quand j’étais tout petit. J’ai commencé avec des versions simplifiées, puis je me suis attaqué au roman original. À mon époque, le nom de Lupin était connu, mais l’arrivée du personnage dans Lupin III l’a vraiment popularisé. Il est devenu tellement célèbre qu’on avait tendance à oublier l’œuvre de Maurice Leblanc ; elle était écrasée par le manga. Il y a eu beaucoup d’adaptations, mais aucune n’était réellement fidèle aux romans originaux. Je me suis dit que si personne ne voulait se lancer dans ce travail, alors je le ferais.

Arsène Lupin était donc votre tout premier héros, mais y a-t-il eu d’autres œuvres littéraires qui ont bercé votre enfance ?

C’est un peu atypique ; avant les mangas, je lisais beaucoup de versions simplifiées de romans étrangers. En dehors d’Arsène Lupin, les héros de mon enfance étaient les trois mousquetaires, le comte de Monte-Cristo, le capitaine Nemo, Robinson Crusoé… J’aime les personnages mystérieux.

Après, je me suis intéressé aux BD japonaises et j’ai aimé des héros comme Albator et ceux des œuvres de Leiji Matsumoto en général, de Galaxy Express 999, ou des plus classiques pour un enfant japonais de ma génération, comme Doraemon et Aralé Norimaki (dans Dr Slump). Comme tout le monde, j’ai lu le Jump, donc j’étais aussi très fan de Dragon Ball.

©Takashi Morita, Kurokawa

Vous le disiez, Maurice Leblanc a été adapté par de nombreux mangakas, dont Go Nagai et Monkey Punch. Pourquoi les Japonais sont-ils aussi fascinés par Arsène Lupin ? A-t-il une place particulière dans votre culture ?

Il est très apprécié chez nous. C’est l’une des premières œuvres occidentales de divertissement qui a été publiée au Japon. À l’époque, Arsène Lupin était très présent dans les médias et il a marqué de nombreux lecteurs, dont le grand écrivain Edogawa Ranpo. Il en a d’ailleurs parlé dans des essais, des critiques, et s’en est aussi fortement inspiré pour écrire son roman, L’homme aux 20 visages. Les mangakas de la génération qui m’a précédée ont aussi été bercés par l’œuvre de Maurice Leblanc quand ils étaient enfants et je pense qu’ils souhaitent désormais la partager avec leur public.

En tant qu’auteur, comment parvient-on à s’approprier une telle figure, pour en proposer une nouvelle vision tout en restant fidèle à l’œuvre originale ?

J’ai justement essayé de m’effacer le plus possible. La plupart des adaptations que j’ai lues sont qualitatives, mais elles réinterprètent beaucoup l’œuvre originale. J’étais toujours désagréablement surpris de voir toutes ces modifications. À l’inverse, j’ai choisi de rester très fidèle aux romans, et de reprendre leur histoire dans son intégralité – contrairement aux autres qui s’intéressent uniquement à une petite partie.

Je pense qu’Arsène Lupin est une expérience qui doit se vivre sur la durée. Je suis un grand fan des taiga dramas, ces feuilletons historiques qui sont diffusés durant toute une année, à raison d’un épisode par jour. Ces longues sagas permettent d’installer des personnages et de les faire évoluer. Quand on lit tous les romans de Maurice Leblanc, on comprend mieux les actions et réactions de son héros. On voit par exemple à quel moment son cœur se brise, à quel moment sa personnalité évolue… Et c’est passionnant.

De plus en plus de classiques de la littérature et d’œuvres historiques sont adaptés en mangas. Pensez-vous que ce format permettra aux plus jeunes de s’intéresser à des sujets qui leur semblent parfois trop complexes ?

À chaque fois que je lis des mangas historiques, j’ai envie d’en apprendre plus sur les événements qu’ils relatent. Si ça fonctionne avec moi, il n’y a pas de raison pour que ça ne marche pas avec les enfants. J’aimerais que les BD japonaises soient un vecteur d’initiation et d’encouragement à la curiosité pour les jeunes lecteurs.

©Takashi Morita, Kurokawa

Quels sont vos points communs avec Arsène Lupin ?

Sans me vanter, je dirais l’opiniâtreté. Tout comme lui, je n’ai pas peur de partir à l’aventure, de me lancer et de relever des défis – et cette adaptation le prouve, car c’est beaucoup de travail. Je ne me laisse pas impressionner par une tâche, et je me donne à fond.

À quels classiques de la littérature aimeriez-vous vous attaquer maintenant ?

Je ne sais pas quand je terminerai Arsène Lupin. Je veux reproduire l’intégralité des romans en manga, donc ça risque de me prendre un peu de temps. S’il me reste de l’énergie une fois que ce travail sera achevé, je pense que j’aimerais m’attaquer à Monte-Cristo !

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste