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On y était : la soirée de la rentrée littéraire de la Fnac à Bordeaux

22 septembre 2023
Par Lisa Muratore
À Paris ,s'est déroule la journée autour du prix Goncourt des lycéens 2024.
À Paris ,s'est déroule la journée autour du prix Goncourt des lycéens 2024. ©Sensay/Shutterstock

La Fnac a donné le coup d’envoi de sa première rentrée littéraire en province. L’Éclaireur y était et vous raconte la soirée placée sous le signe du romanesque, de l’écriture du désir et de l’amour.

Après la première soirée de rentrée littéraire au cœur du Théâtre Édouard VII, la Fnac a donné rendez-vous aux passionnés de lecture à la Cité du Vin à Bordeaux pour sa première rentrée littéraire en province. Au programme : débats sur l’importance des mots, et l’écriture du désir avec plusieurs auteurs et autrices, ainsi qu’une parenthèse musicale sublime orchestrée par Alex Montembault, révélation de l’année, grâce à la comédie musicale, Starmania

Jean-Baptiste Andrea et Félix Radu : deux auteurs qui se font écho 

Cette nouvelle soirée de rentrée littéraire a été l’occasion de retrouver le lauréat du Prix Roman Fnac 2023, Jean-Baptiste Andrea. Déjà présent au Théâtre Édouard VII, il y a quelques jours, l’auteur de Veiller sur elle (L’Iconoclaste) revenait, cette fois-ci, aux côtés de Félix Radu, dramaturge belge, à qui l’on doit Rose et Massimo (Fayard), sur les procédés d’écriture, la recherche du mot, du bon mot, mais aussi sur les points communs entre leurs deux œuvres. 

« Pour moi, l’écriture c’est comme une drogue sans danger de mort. »

Jean-Baptiste Andrea à l’occasion de la soirée de rentrée littéraire de Bordeaux

On pense bien sûr à la contemporanéité de leurs écritures et l’aspect intemporel de leurs créations. « On vise tous l’intemporel » souligne Jean-Baptiste Andrea, avant de poursuivre : « Toutes les bonnes œuvres sont intemporelles. On évoquait en coulisses les Trois Mousquetaires, je pense que cette histoire nous marque encore aujourd’hui, car ça parle d’amitié et de trahison. Quand j’ai commencé à écrire Veiller sur elle, je me suis dit qu’il fallait que ce soit intemporel, car il fallait que ça parle aux gens. Pour moi, lire un livre ça ne doit pas être souffrir. Ça doit parler des choses qui me touchent, et si elles me touchent elles sont contemporaines. Je suis un produit de mon temps. »

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Pour autant, et c’est là encore le point commun de leurs œuvres respectives Veiller sur elle, tout comme Rose et Massimo sont empreints de romanesque – un aspect qui contraste avec les thèmes modernes qui y sont abordés au fil des pages – mais qui semble nécessaire aux auteurs. 

« Nous sommes lecteurs avant tout et j’aime le romanesque. Il a quelque chose qui paraît fou avec ce genre, c’est que l’on peut créer des mondes, voyager dans le temps, tordre la physique, créer des êtres… Quand j’ai ça au bout de mes doigts, forcément je n’ai pas envie de parler de moi et de faire de l’autofiction. Pour moi, l’écriture c’est comme une drogue sans danger de mort. »

Jean-Baptiste Andrea et Félix Radu durant la soirée de rentrée littéraire à Bordeaux. ©L'ÉclaireurFnac

Cette envie d’aventure se retrouve également, au départ dans leur parcours respectif, dans un désir d’écriture bouillonnant. À ce propos, Félix Radu raconte que, selon lui « chaque histoire s’habille de la forme dont elle a besoin. Je tenais à faire une pièce de théâtre, car je voulais titiller les grands auteurs à leur propre jeu, mais aussi parce que le théâtre est un genre qui est fait pour être joué. On n’a pas le droit d’être chiant. Il faut toujours être génial. » 

Et Jean-Baptiste Andrea de renchérir : « Je me reconnais dans cette façon d’écriture car je suis impatient, j’ai besoin que ça se passe, qu’il y ait une boule qui monte ; on tient un public à travers une histoire romanesque. » 

« J’ai tendance à penser qu’au fond des ténèbres, il y a toujours de la lumière qui va triompher et si ça peut convaincre ne serait-ce qu’un de mes lecteurs, alors c’est gagné. »

Jean-Baptiste Andrea à l’occasion de la soirée de rentrée littéraire de Bordeaux

Justement le public. Si Andrea n’écrit que pour lui, Félix Radu, âgé de 27 ans, trouve dans l’écriture et la recherche des mots, un moyen de représenter sa génération. Il espère aussi « ramener quelque chose à la société ». Car c’est aussi ça le but de l’écriture « mettre des mots sur quelque chose de mystérieux, se raconter soi, en racontant l’autre. » 

Un point de vue qui partage Jean-Baptste Andrea : « Tu rends le monde meilleur en écrivant. Quand on est plongé dans une écriture. On est dans un monde meilleur. J’ai tendance à penser qu’au fond des ténèbres, il y a toujours de la lumière qui va triompher et si ça peut convaincre ne serait-ce qu’un de mes lecteurs, alors c’est gagné. » 

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S’il fallait encore trouver un point commun à l’univers des deux auteurs, c’est aussi le féminisme. À travers le personnage de Viola, Jean-Baptiste Andrea explique avoir insufflé une réflexion qui lui vient « d’un entourage féminin fort » tandis que Félix Radu, avec son histoire d’amour romanesque a surtout voulu déconstruire les clichés autour de la romance romantique : « Comment écrire une histoire d’amour romantique tout en arrivant à faire rentrer une vision de la vraie femme ? Pas celle que le genre imposepas celle qui appartient au mythe. »

Écrire le désir, et désirer écrire

Cette thématique fait écho au second débat mené par Joy Majdalani, Diglee et Hugo Lindenberg. Chacun d’eux, à sa manière, ont écrit sur le désir, la pulsion des corps, tout offrant un regard engagé, et féministe. 

C’est le cas de Joy Majdalani dans Le goût des garçons (Grasset), lorsqu’elle évoque le pouvoir de l’écriture, et notamment celui de l’écriture érotique : « la littérature inclut tout et c’est important de parler d’érotisme féministe. C’était important pour moi de m’emparer avec mes subjectivités impérieuses sur ce sujet. L’écriture, c’est la danse de la honte. C’est intimement pudique et très sacrificiel. »

Joy Majdalani, Diglee et Hugo Lindenberg durant la soirée de rentrée littéraire à Bordeaux. ©ÉclaireurFnac

L’autrice reconnaît d’ailleurs que « le désir et l’écriture procèdent du même principe et se confondent. Le désir passe par la fiction et le langage. Finalement, dans le sexe, on désire les histoires qu’on se raconte plus que les corps. »

Un point de vue partagé par Diglee qui ajoute : « La découverte de l’écriture transcende quelque chose de la pulsion et du désir. J’ai remplacé ce gouffre de la passion que j’avais par l’écriture. » De son côté, Hugo Lindenberg, auteur de La nuit imaginaire (Flammarion) voit dans « l’encre le désir d’écriture », une sublimation dans laquelle on projette nos désirs.

« L’écriture, c’est la danse de la honte. C’est intimement pudique et très sacrificiel. »

Joy Majdalani à l’occasion de la soirée de rentrée littéraire de Bordeaux

Mais comment inventer une langue de l’érotisme ? C’est là toute la difficulté qu’impose le genre, une difficulté dont a conscience Hugo Lindenberg et dont il témoigne : « c’est difficile d’écrire, mais j’ai trouvé ça plus difficile avec l’érotisme, car il y a un dévoilement supplémentaire. Je ne voulais pas employer certains mots, je voulais trouver cette ligne de crête. »

Pour Diglee : « il est possible de faire cohabiter la poésie et la sexualité : quelque chose de très cru et de très sacré. Ce mélange des univers me donne du souffle. » Et Joy Majdalani de conclure : « pour moi cette question catalyse le combat éternel de l’écriture ; trouver le mot juste ! » 

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Trouver le bon mot, la formulation correcte pour décrire une émotion, c’est ce que chacun des auteurs et autrices présents à la Cité du Vin tentent de faire chaque jour à travers leurs œuvres. Grâce à ces deux débats aussi profonds que captivants, les passionnés de lecture, venus en nombre ont pu davantage comprendre le processus d’écriture, l’importance des mots, du style, mais aussi du genre. 

Ce pouvoir des mots semble animer chacun des participants tant dans leur écriture que dans leur explication. Cette soirée, a également été l’occasion de parler d’amour imaginaire ou non-fictionnel ; d’amour pour ses personnages, d’amour de soi, et de désir de l’autre. 

Alex Montembault durant la soirée de la rentrée littéraire à Bordeaux. ©ÉclaireurFnac

De belles thématiques catalysées en fin de soirée par une performance live d’Alex Montembault. Le chanteur et interprète de Marie-Jeanne dans la comédie musicale Starmania, de Thomas Jolly, a dévoilé un répertoire enivrant, poétique et romantique.

Pour information, la prochaine soirée de la rentrée littéraire organisée par la Fnac aura lieu à Roubaix au Musée La Piscine le 25 septembre 2023.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste