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TikTok menacé de suspension en France par le Sénat

07 juillet 2023
Par Kesso Diallo
Le Sénat recommande d'imposer un ultimatum à TikTok.
Le Sénat recommande d'imposer un ultimatum à TikTok. ©DANIEL CONSTANTE / Shutterstock

Après quatre mois d’enquête sur le réseau social chinois, la commission d’enquête a rendu ses conclusions dans un rapport très sévère.

Un réseau social qui inquiète plus que les autres. Jeudi, la commission d’enquête du Sénat a rendu ses conclusions après avoir mené un travail approfondi sur TikTok« Nous avons été frappés par l’opposition qui existe entre le mot « transparence » dont TikTok fait un leitmotiv dans sa communication, et la réalité d’une opacité manifestement voulue », a déclaré Claude Mathuret, rapporteur de la commission en présentant les conclusions de l’enquête.

La commission reproche à l’application de ne pas avoir fourni de réponses claires sur plusieurs questions précises, dont la nature des données d’utilisateurs transférées vers la Chine et le fonctionnement précis de son algorithme. « Nous avons eu 80% de non-réponses pour 20% de réponses approximatives », a indiqué Mickaël Vallet, président de la commission.

La question de l’appartenance chinoise

Dans son rapport, la commission revient sur plusieurs polémiques ayant émaillé l’histoire de TikTok. Sa maison mère, ByteDance, a notamment été accusée d’avoir utilisé le réseau social pour espionner et géolocaliser à distance des journalistes. La plateforme s’est aussi vu reprocher d’avoir transféré des données d’utilisateurs TikTok vers la Chine et d’avoir pris des mesures de censure et de désinformation au bénéfice du pays, de ses priorités géopolitiques et des intérêts du Parti communiste chinois.

Alors que les représentants de TikTok ont nié tout lien avec la Chine à plusieurs reprises, Claude Mathuret a insisté sur la forte dépendance de l’application à sa maison mère qui, bien qu’elle soit installée aux îles Caïmans, est détenue et contrôlée par des actionnaires chinois, qui doivent respecter la législation de leur pays. 

Un réseau social nocif pour les jeunes

La commission souhaite que TikTok soit tenu responsable de son contenu, au vu de son rôle actif sur les vidéos qu’il diffuse, notamment en agissant « de manière ciblée sur le fonctionnement de son algorithme ». La plateforme doit son succès à ce système de recommandation, mais celui-ci fait l’objet de critiques. Pour les sénateurs, il enferme les utilisateurs dans des « bulles de filtre » qui sont parfois dangereuses. Cet enfermement porte préjudice aux adolescents, « à une période charnière de construction de soi »

TikTok est également critiqué pour son caractère addictif. Plus précisément, la commission d’enquête accuse le réseau social de compter sur des décisions volontaires des utilisateurs face au temps excessif passé par les plus jeunes sur l’application. Il a par exemple imposé une limite de 60 minutes d’utilisation pour les comptes d’utilisateurs mineurs mais celle-ci peut être désactivée. Ce caractère addictif est l’une des raisons pour lesquelles les sénateurs recommandent d’« instaurer pour les mineurs un blocage de l’application au bout de 60 minutes ».

Ils exigent également que TikTok mette en place « un système performant de vérification de l’âge », lui reprochant d’avoir pris des actions « très insuffisantes » sur le contrôle de l’âge. « La plateforme compte sur un repérage des comptes soupçonnés d’être détenus par des mineurs. Cette technique est inefficace : alors que l’application est en principe interdite aux moins de 13 ans, près de 45% des 11-12 ans sont inscrits sur TikTok », ont expliqué les sénateurs.

Menace de suspension en France et dans l’UE

Plus important encore, la commission appelle le gouvernement à « suspendre TikTok en France et [à] demander sa suspension au sein de l’UE » si le réseau social ne répond pas aux principales questions qu’elle a soulevées (propriété intellectuelle et localisation des ingénieurs qui élaborent l’algorithme, nature des entités chinoises avec lesquelles TikTok est en relation permanente, etc.) avant le 1er janvier 2024. Elle appelle aussi le gouvernement à le faire si la plateforme n’a pas pris les principales mesures demandées dans son rapport, dont la mise en place d’une modération efficace et de mesures concrètes pour lutter contre l’utilisation excessive par les adolescents.

« Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de ce rapport, qui ne reflète pas fidèlement les faits. Nous avons passé de nombreux mois et plus de six heures sous serment à répondre à des centaines de questions et avons par ailleurs coopéré tout au long du processus. Il est décevant que la Commission ait consacré autant de temps et des ressources pour remettre en avant toujours les mêmes perceptions erronées », a réagi TikTok par la voix d’un porte-parole.

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