Décryptage

L’autrice de Fullmetal Alchemist présente Tsugai : enfin un concurrent sérieux à Demon Slayer ?

06 juillet 2023
Par Valérie Précigout (Romendil)
Le manga “Tsugai” sort ce 6 juillet en librairie.
Le manga “Tsugai” sort ce 6 juillet en librairie. ©Hiromu Arakawa/Square Enix Co. Ltd

20 ans après avoir inscrit son nom dans la grande histoire du manga, l’autrice de Fullmetal Alchemist est de retour avec une toute nouvelle série. Ce 6 juillet, Tsugai – Daemons of the Shadow Realm va venir défier les poids lourds du shônen manga.

Elle a fait 44 fois la couverture du magazine Monthly Shônen Gangan chez Square Enix depuis le début de sa publication en 2001 au Japon. La série Fullmetal Alchemist a révélé au monde le nom d’Hiromu Arakawa et fait de cette autrice une véritable star du manga. Si son histoire ne s’étale « que » sur 27 volumes reliés, suivis avec passion par ses lecteurs pendant presque dix ans, Fullmetal Alchemist a très vite compté parmi les références incontestables du manga d’action.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

L’œuvre a même eu droit à deux adaptations animées très marquantes, deux films d’animation et trois longs métrages en prise de vues réelles disponibles sur Netflix. Tout cela sans compter les romans inspirés de la série et les déclinaisons en jeux vidéo.

Vendu à plus de 80 millions d’exemplaires à travers le monde, ce manga a rencontré un succès qui représente un véritable tour de force de la part de son autrice. Même s’il reste évidemment très loin de l’indétrônable One Piece et ses 516,6 millions d’exemplaires, il a tout de même réussi à laisser derrière lui une empreinte forte et durable dans le paysage de la BD japonaise.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

La série aborde des thèmes difficiles comme le deuil, la discrimination, la guerre, mais aussi les liens de fraternité, tout en proposant une lecture à la fois scientifique et philosophique de l’alchimie. Surtout, elle pose des images concrètes sur des notions abstraites, comme le principe de l’échange équivalent selon lequel on ne peut rien obtenir sans abandonner quelque chose de même valeur en retour. En deux mots, l’histoire des frères Elric n’est pas de celles que l’on oublie.

Tsugai, un concurrent sérieux à Demon Slayer ?

D’une certaine manière, le ressenti que l’on peut avoir à la lecture de Fullmetal Alchemist est assez comparable à celui d’une autre série plus récente écrite par Koyoharu Gotôge, le phénomène Demon Slayer. La mangaka a su insuffler dans son œuvre la même touche de féminité, perceptible à travers l’importance accordée aux émotions de ses personnages qui s’expriment toujours avec une rage viscérale.

Il faut dire que les héros de Fullmetal Alchemist n’ont pas été épargnés non plus par le destin, perdus dans une quête insensée pour trouver la pierre philosophale censée leur restituer leur corps après avoir tenté en vain de ressusciter leur mère.

©Koyoharu Gotouge / Shueisha

Même si le succès sans précédent de Demon Slayer lui a déjà permis de dépasser les 150 millions d’exemplaires vendus, on peut difficilement imaginer que son autrice n’ait pas été marquée, elle aussi, par le choc de la publication de Fullmetal Alchemist entre 2001 et 2010. De son côté, Hiromu Arakawa a pu s’offrir le luxe de diversifier son œuvre en s’essayant aussi bien à des histoires drôles quasi autobiographiques (Nobles paysans) qu’à des comédies « tranche de vie » où elle a pu replonger dans la vie de la ferme qui a marqué son enfance (Silver Spoon).

Nobles paysans©Kurokawa

Elle a pris l’habitude de se représenter dans ses mangas sous les traits d’une vache laitière binoclarde pleine d’autodérision, mais ses lecteurs connaissent aussi son talent certain pour livrer des récits épiques et/ou historiques. On lui doit ainsi le manga Hero Tales et surtout la grande fresque The Heroic Legend of Arslân qu’elle dessine à partir du scénario de Yoshiki Tanaka (l’auteur des romans originaux).

Puis vient le mois de décembre 2021 et le public japonais découvre enfin sa toute nouvelle série, Yomi no Tsugai, publiée dans le même magazine qu’à l’époque de Fullmetal Alchemist pour célébrer les 20 ans du manga. Très vite, on nous décrit un univers fantastique empreint de légendes japonaises, avec un pied dans le monde réel et une bonne dose d’action et de surnaturel.

Le lancement du premier tome de ce manga en édition française chez Kurokawa, le 6 juillet, va enfin nous permettre de découvrir si, oui ou non, cette nouvelle série a les armes pour défier Demon Slayer sur un terrain qui semble à première vue très similaire. Nous avons eu la chance de lire ce premier volume avant sa publication en français et voici ce que nous en avons pensé.

Une seule histoire, deux points de vue

Proposé en édition simple ou collector le 6 juillet, le premier volume du manga Tsugai – Daemons of the Shadow Realm permet d’entrer rapidement dans le vif du sujet en abordant les composantes clés de cette nouvelle série. Pour autant, les vrais enjeux de son intrigue ne se dévoilent qu’au compte-goutte afin de surprendre le lecteur à chaque chapitre.

L’un des principaux attraits de la lecture de ce manga réside d’ailleurs dans l’alternance des points de vue proposés. Très vite, on comprend que le jeune homme nommé Yuru n’occupera pas nécessairement le rôle central dans l’histoire, mais que l’on suivra aussi de près le périple de sa sœur jumelle Asa.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

Sans divulguer quoi que ce soit du début de l’intrigue, il faut préciser que certains éléments que l’on croit véridiques durant les tout premiers chapitres volent en éclat à la lumière de plusieurs révélations concernant le passé des protagonistes. Dès lors, ce qui semblait cousu de fil blanc ne l’est plus du tout et la sœur jumelle de Yuru prend bien plus d’épaisseur que prévu.

Connaissant l’autrice de Fullmetal Alchemist, il n’est pas surprenant de voir que c’est une jeune femme qui occupe un rôle aussi déterminant dans l’histoire, Asa incarnant une figure auréolée de mystère durant tout ce premier tome. Davantage de questions que de réponses attendent donc Yuru et le lecteur à l’issue du chapitre 4, même si les changements de points de vue réguliers permettent de mieux comprendre les convictions de chacun.

Le choc des cultures

Avec un pied solidement ancré dans le folklore et l’imaginaire entourant le Japon ancestral, le contexte de ce manga voit se côtoyer deux mondes qui cohabitent sans le savoir. Tradition et modernité inspirent à l’autrice un village caché abritant une communauté isolée du reste du monde. La naissance de jumeaux « séparant le clair de l’obscur » pourrait bien mettre en péril l’équilibre de ces gens qui prennent alors une décision radicale.

Les deux enfants sont évidemment Yuru et Asa, le frère et sa sœur jumelle ayant eu le malheur de naître le jour de l’équinoxe, ce qui augure une période de troubles tant redoutée par cette population qui s’accroche à ses superstitions.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

De l’autre côté de la barrière invisible qui empêche les intrus de pénétrer dans ce village caché, la civilisation n’est pas restée figée dans le passé. On assiste presque à une confrontation anachronique entre des guerriers tribaux et des commandos militarisés. Et le lecteur croit deviner l’évidence là où l’autrice s’apprête justement à renverser l’échiquier des forces en présence.

Mais, pour les humains du « monde inférieur », ce village délabré où certains iraient se perdre ne serait qu’une légende urbaine. Certains racontent que cet endroit serait venu tout droit du fond des âges ou même d’une autre dimension et qu’il disparaîtrait à chaque fois qu’on essaie de le retrouver.

Les Tsugai plus forts que les homonculus ?

Mais les « Tsugai », alors, qui sont-ils ? Il s’agit en quelque sorte d’esprits maudits chargés de protéger certains individus. Yuru considère d’ailleurs ses deux gardiens comme des divinités protectrices auxquelles il préfère demander des services que donner des ordres. L’un est masculin, l’autre féminin, et tout les sépare en dehors de leur mission de protéger Yuru à tout prix.

Dans ce volume, déjà, on sait que les Tsugai ne se limiteront pas à ce duo atypique et qu’il en existe plusieurs catégories, classées de manière arbitraire par les humains. On peut aussi employer les termes de « dieux », « d’esprits » ou de « yôkai » pour les désigner.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

Invisibles aux êtres « normaux », à moins qu’ils ne décident de se révéler à eux, les Tsugai pourraient bien jouer dans la série un rôle aussi crucial que celui des homonculus de Fullmetal Alchemist.

Certains sont porteurs de paix alors que d’autres poussent leur meneur à commettre les pires atrocités. De plus, leur très grande diversité de forme les dote de pouvoirs surnaturels indénombrables qui ouvrent des possibilités infinies pour la suite du manga.

©Hiromu Arakawa / Square Enix Co. Ltd

Déjà très dense, ce premier tome de Tsugai – Daemons of the Shadow Realm démarre sous les meilleurs auspices. Aussi généreux en matière d’action que de comédie, il multiplie habilement les ressorts comiques en s’appuyant sur le caractère anachronique des deux cultures qui s’entrechoquent.

La technologie moderne est totalement inconnue de ceux qui ont toujours vécu dans le village caché, alors que d’autres s’adonnent tranquillement à la Switch entre deux missions… Le fait de pouvoir suivre en parallèle le point de vue et l’avancée de chacun des deux jumeaux devrait aussi pimenter sérieusement le déroulement de l’intrigue tout en évitant l’opposition manichéenne classique des autres titres du genre. En espérant que les fans de Fullmetal Alchemist seront au rendez-vous.

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