Critique

Test de Dead Space Remake : quand le cauchemar se transforme en rêve éveillé

26 janvier 2023
Par Pierre Crochart
“Dead Space” remet au goût du jour une légende du jeu vidéo d'horreur.
“Dead Space” remet au goût du jour une légende du jeu vidéo d'horreur. ©EA

Officialisé à l’été 2021, Dead Space remake a la lourde tâche de remettre au goût du jour un jeu légendaire qui, par ailleurs, a plutôt bien veilli. Projet opportuniste, ou coup de pinceau passionné sur une toile de maître ? On est sûrs que vous connaissez déjà la réponse.

Oui, le titre de cette critique vend un peu la mèche. Mais il faut dire que peu de survival horror ont autant marqué le médium que Dead Space en 2008. Parfaisant l’approche déjà novatrice d’un certain Resident Evil 4 (qui aura lui aussi droit à son remake en mars prochain), le jeu développé à l’époque par Visceral Games a autant traumatisé les joueurs qu’il a contribué à redynamiser un genre en mal de modèles à l’orée des années 2010.

Le plus amusant, c’est que le présent remake, qui s’affaire à remettre à neuf un jeu vieux de 15 ans, est d’une modernité qui renvoie le tout récent The Callisto Protocol à l’âge de pierre. Une pilule que l’on imagine difficile à avaler pour un certain Glen Schofield, directeur créatif de ce dernier… et créateur du Dead Space original. Oups.

Critique réalisée sur PS5 grâce à un code fourni par l’éditeur.

Désastres s’alignent

Année 2508. Ça ne va pas fort pour l’humanité (qui aurait pu le deviner). Le capitalisme, en revanche, se porte mieux que jamais, au point que des vaisseaux spatiaux sont désormais conçus spécifiquement dans le but d’ouvrir des planètes comme des pistaches pour en extraire les ressources les plus précieuses. Ne nous attardons pas, au risque de donner des idées aux milliardaires de notre époque.

Tout ce qu’il faut savoir, c’est que le brise-surface USG Ishimura a un petit coup de mou. En réalité, l’équipage n’a pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. « Ce serait peut-être une bonne idée d’aller voir, non ? », s’est probablement interrogé quelqu’un depuis la chaleur de son bureau cossu sur Terre-2. « Non, ce n’est pas une très bonne idée », lui aurait sans doute répondu Isaac Clarke s’il avait su le bourbier dans lequel il s’apprêtait à débarquer.

Dead Space remake test
À tous les coups, c’est juste un fusible.©Pierre Crochart/L'Éclaireur

Mais il faut dire que notre ingénieur de protagoniste a tout intérêt à s’assurer que tout va bien à bord de l’Ishimura : sa petite amie Nicole y travaille. Une carotte scénaristique bidon dont le jeu n’avait guère besoin mais, eh, que voulez-vous, c’était aussi ça le jeu vidéo de 2008.

Avance rapide, vous avez déjà vu Alien. Vous savez pertinemment que ça ne va pas bien se passer – et c’est un euphémisme.

Chérie, ça va trancher

Dead Space Remake est une reproduction à l’échelle 1:1 de l’aventure imaginée par Visceral il y a 15 ans. Aucun changement n’a été apporté à l’histoire, pas plus qu’à un gameplay qui, il faut bien le dire, n’a pas pris une ride. En son cœur, Dead Space est donc un jeu d’action et de tir en vue TPS (à l’épaule) dans lequel il s’agira pour l’essentiel de rester en vie. La particularité du titre pourrait se résumer dans un mot qui sonne comme la plus belle des mélodies aux oreilles des tueurs en série : « démembrement ».

On en pense ce qu’on veut, le fait est que c’est ludique. Pour se débarrasser des nécromorphes (les atrocités qui ont pris possession de l’équipage), leur tirer dans la tête ne suffit pas. Il faut leur trancher les membres à l’aide du (généreux) arsenal à notre disposition. Il faut voir ça comme un Fruit Ninja ultragore dans lequel votre pire ennemi ne serait pas un pamplemousse (qui aime ça ?), mais un cadavre ambulant aux os aussi acérés que des lames.

Dead Space remake test
Pour se défaire des nécromorphes, il faut viser les membres.©Pierre Crochart/L'Éclaireur

Ici, pas de système d’esquives et de corps-à-corps aussi original que bancal, façon The Callisto Protocol. On est sur une approche des combats beaucoup plus inspirée des Resident Evil, même si l’on apprécie particulièrement la relative abondance des munitions. Contrairement aux jeux de Capcom, on se limite rarement dans notre envie de défourailler dans le tas. Un aspect directement lié au niveau de difficulté choisi par le joueur ou la joueuse qui, en mode normal, permet de s’amuser avec toutes les armes du jeu.

Là où j’ai l’habitude de garder précieusement mes cartouches en attendant un moment opportun qui ne vient jamais dans d’autres titres, je m’autorise ici à sortir l’artillerie lourde même sur des adversaires de basse composition. Pour le plaisir. À l’aide de son gant, Isaac peut également ralentir ses assaillants et user de la télékinésie pour, par exemple, leur envoyer un rotor de ventilateur à la vitesse d’un coup droit de tennisman professionnel.

Dead Space remake test
L’arsenal d’Isaac s’améliore rapidement et toutes les armes sont particulièrement fun à utiliser.©Pierre Crochart/L'Éclaireur

Il faut aussi signaler que Dead Space est très, voire beaucoup trop copieux en points de sauvegardes. Il est rare que plus de cinq minutes espacent deux « safe places ». Un argument en faveur des personnes qui n’ont que peu de temps pour jouer, mais une corde en moins sur l’arc de l’angoisse, tant l’on finit par se sentir malgré tout en sécurité dans cet océan de douleur en perdition dans l’espace.

Des étoiles dans les jeux

Si Dead Space (2023) est une quasi-copie carbone de Dead Space (2008), Motive Studio a su déplacer les bons curseurs pour rendre l’expérience plus plaisante que jamais. D’abord, il faut signaler que cette nouvelle mouture a été intégralement recréée avec le Frostbite Engine, le moteur utilisé notamment dans les Battlefield, FIFA ou encore dans le regretté Anthem. Une machinerie complexe à appréhender pour les développeurs, mais qui leur offre aussi une variété d’outils précieuse pour faire évoluer le gameplay dans le bon sens.

Parmi les nouveautés de ce remake, on retiendra la possibilité de se mouvoir librement dans les passages en zéro gravité (auparavant, on pouvait seulement choisir sa plateforme de destination). Une nouvelle dimension, qui tend à rapprocher Dead Space d’un metroidvania, a également été ajoutée grâce à un système d’accréditations progressif qui bloque l’accès à certaines parties de l’USG Ishimura au début du jeu. Une belle façon de nous encourager à revenir sur nos pas pour faire le plein de munitions, découvrir de nouveaux éléments du scénario, mener à bien quelques quêtes secondaires ou récupérer des composants nécessaires à l’amélioration de son arsenal.

Dead Space remake test
Isaac peut maintenant se mouvoir librement dans les passages en zéro G.©Pierre Crochart/L'Éclaireur

Un gros coup de peinture fraîche, qui s’accompagne également d’un doublage intégral pour Isaac Clarke, lequel était muet dans l’opus original. C’est d’ailleurs l’acteur Gunner Wright qui reprend le rôle, lui qui prêtait sa voix au personnage dans Dead Space 2 et Dead Space 3.

Enfin, il nous faut adresser l’éléphant dans la pièce : le Frostbite Engine fait de Dead Space l’un des plus beaux jeux du genre disponible actuellement. Capable de tenir ses 60 images par seconde sur PlayStation 5 (au prix d’une définition dynamique un peu agressive), le jeu affiche des décors en tous points somptueux qui, toutefois, modifient à la marge la direction artistique. Grâce à des ombres plus fines et, surtout, des effets de lumière extrêmement séduisants, les artistes de Motive se sont fait plaisir pour nous offrir des visuels plus variés. Le tout transpire d’une cohérence à toute épreuve et conserve, en guise de dénominateur commun, une appétence pour les murs tapissés de sang et les tentacules buboniques. Bon appétit.

À la manière de The Last of Us Part 1, l’autre versant essentiel d’un remake est la possibilité pour les studios d’ajouter quantité d’options d’accessibilité. Outre les inévitables options permettant le réglage des sous-titres (taille, couleur, contraste), on apprécie particulièrement celle affichant des content warning avant les cinématiques les plus traumatisantes (on peut même choisir de les passer purement et simplement). Un nouveau mode de difficulté, « Histoire », a également été ajouté pour celles et ceux qui sont surtout là pour l’ambiance et n’ont pas envie de se stresser inutilement avec des affrontements tendus.

Erreurs nocturnes

Toujours aussi actuel, plus terrifiant que jamais et ponctué juste ce qu’il faut de touches de modernité, la version 2023 de Dead Space est un exemple de ce que doit être un remake. Un espace dans lequel des développeurs talentueux s’approprient un jeu de légende et le manipulent avec le même soin que des restaurateurs redonnant ses couleurs originelles à un tableau de maître.

Brillant sur bien des aspects, Dead Space est fatalement moins révolutionnaire que son modèle. Il n’en reste pas moins une claque intemporelle, surtout pour celles et ceux qui ne plongent que rarement leurs mains tremblantes dans un jeu d’épouvante.

Porté par des graphismes à tomber par terre et un sound design qui mériterait des articles complets pour prendre la mesure de sa majesté, l’effort de Motive Studio est donc couronné de succès.

Dead Space Remake, de Motive, EA, pour PS5, Xbox Series X et PC, disponible le 27 janvier.

À lire aussi

Article rédigé par
Pierre Crochart
Pierre Crochart
Journaliste