Décryptage

La petite histoire des contes de Noël

16 décembre 2022
Par Milo Penicaut
La petite histoire des contes de Noël
©Pixabay

Avec ses longues nuits et son atmosphère fantasmagorique, la période des fêtes est propice aux histoires. Retour sur une vieille tradition qui se transforme et perdure : les contes de Noël.

À l’origine, « Noël, c’est le Solstice, le retour de la lumière que l’on attend et que l’on fête », explique Jérémine Benoît, historien de l’art et auteur du Bouquin de Noël (Bouquins, 2016) au micro de France Culture.

La fête que l’on connaît aujourd’hui est un curieux mélange entre folklore païen (le sapin), rites chrétiens (la Nativité) et consumérisme moderne (les cadeaux). Pour Jérémie Benoît, ce sont les écrivains et écrivaines qui ont conservé la mémoire de cette fête traditionnelle occidentale : « En tant que source sur Noël, les contes permettent aux historiens de restituer les rituels festifs et les mentalités qui y président. Mais, loin d’offrir un miroir statique des pratiques, ils en travaillent l’imaginaire de manière dynamique ».

Les contes reflètent ainsi la société autant qu’ils l’influencent. Selon Jean Rim, historien lui aussi, Un chant de Noël – emblématique conte de Charles Dickens paru en 1843 – est venu asseoir la vision de Noël du XIXe siècle dont nous avons héritée, celle de « la célébration de l’intimité familiale et la protection des plus humbles ».

©Librio

À cette époque, le genre du conte se prête particulièrement bien aux mutations du marché littéraire, qui propulse les revues périodiques illustrées sur le devant de la scène, autant qu’à l’établissement d’une classe moyenne dominante – la bourgeoisie – à qui « l’élan de partage [confiné à] Noël, écrit Rim, permet de se donner bonne conscience sans ébranler l’ordre social ».

Aujourd’hui, les histoires continuent d’occuper une place centrale dans les festivités de fin d’année. On offre de plus en plus de livres en cadeau, quand les films de Noël, qui nous viennent des États-Unis, sont devenus une véritable tradition : ils sont simplement un autre médium pour transmettre « l’esprit de Noël » à un moment T de l’histoire.

Réinterprétations infinies du Chant de Noël de Dickens, le pitch est souvent le même : un ou plusieurs personnages changent grâce à la « magie de Noël » et deviennent de meilleures personnes. En 2020, la tolérance et l’inclusivité envers les minorités sexuelles faisaient leur grande entrée dans les valeurs des fêtes avec le premier film de Noël lesbien, Happiest Season qui – quoi qu’on puisse lui reprocher – faisait passer le message que l’homophobie, ça n’est pas très christmas-friendly.

« Raconter de belles histoires, transmettre les contes traditionnels venus du monde entier, les réécrire, les adapter, les transformer, les revisiter, les détourner, c’est un plaisir de conteur·se et d’écrivain·e qui ne date pas d’aujourd’hui », peut-on lire dans la préface de Brune-Feuille, le prince se marie et autres contes inclusifs (Talents Hauts, 2022), traduction française d’un recueil de contes hongrois publié en 2020 par la Labrisz Lesbian Association.

©Talents hauts

L’idée ? Revisiter les grands classiques des contes européens, mais avec des personnages issus des minorités. Donner à voir aux enfants (et à leurs parents) la diversité du monde. On y croise ainsi des héros et des héroïnes racisé·e·s, une princesse qui n’a aucune envie de se marier, un petit faon transgenre et ses alliés, une sorcière qui recueille des enfants victime de violences dans sa maison de pain d’épice, des princes qui aiment des princes…

Recueil de contes touchants et tendres joliment illustré par Lilla Bölecz, Brune-feuille, le prince se marie est à mettre au pied du sapin pour les grand·e·s enfants en manque d’histoires qui leur ressemblent, ou pour celles et ceux qui doivent apprendre que le monde est diversifié et que chacun et chacune y a sa place. Et ce, particulièrement dans le contexte d’une recrudescence alarmante de lois lgbtphobes en Occident, dont certaines censurent toute mention de « queerité » dans les représentations culturelles !

Brune-Feuille, le prince se marie et autres contes inclusifs, Collectif, Talents Hauts, 2022, 22€.

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Article rédigé par
Milo Penicaut
Milo Penicaut
Journaliste