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Réalité virtuelle : où en est-on après une décennie ? On dresse le bilan

07 décembre 2022
Par Benjamin Logerot
Le marché de la réalité virtuelle est en croissance, boosté notamment par le Meta Quest 2.
Le marché de la réalité virtuelle est en croissance, boosté notamment par le Meta Quest 2. ©KDdesignphoto/Shutterstock

La réalité virtuelle telle que nous la connaissons a pris son envol à partir de l’année 2012. Aujourd’hui encore, beaucoup de promesses sont faites, mais qu’en est-il réellement de ce marché que les experts annoncent chaque année comme de plus en plus installé ?

Cela fait un petit peu plus d’une décennie que Palmer Luckey et son Oculus Rift ont apporté ce qu’on pourrait appeler la « VRmania » dans le monde. Après des dizaines d’années d’essais infructueux, la technologie a enfin rendu accessible le développement des casques de réalité virtuelle et des mondes qui leur sont attachés.

L’engouement semble revenir après un petit plateau de quelques années, propulsé par les fameux métavers et la domination des grandes entreprises dans le domaine. Revenons donc sur cette dernière décennie et sur les perspectives d’avenir de la réalité virtuelle.

Oculus, la locomotive à 2,5 milliards

On retrouve des traces des premières recherches sur la réalité virtuelle, ou en tout cas sur les technologies qui y mèneront, dès 1838 avec les travaux de Sir Charles Wheatstone, fondateur de la stéréoscopie. Les gamers se rappelleront, eux, des premières tentatives commerciales de casques de réalité virtuelle dans les années 1990 et les casques dédiés à un usage professionnel datent même des années 1980. Mais aucune de ces tentatives n’a jamais réellement abouti et la démocratisation de la réalité virtuelle n’est pas arrivée. En cause, des coûts affolants et une technologie encore embryonnaire qui rendait, de plus, ses utilisateurs malades.

C’est finalement en 2012 que le monde de la tech, et du jeu vidéo en particulier, a levé un sourcil intéressé. Le jeune Palmer Luckey dévoile sur un site spécialisé son premier prototype de casque de réalité virtuelle. Il attire l’attention d’un certain John Carmack, cofondateur de la société id Software à l’origine du jeu vidéo Doom, notamment. Carmack étant une sommité, il propose de faire une démonstration du casque, alors nommé Oculus Rift, lors de l’E3 de juin 2012. C’est un succès. Luckey lance un Kickstarter à l’été en demandant 250 000 $ pour aider à perfectionner le casque. Il récolte 2,4 millions de dollars. Un des plus gros succès de la plateforme de financement participatif à l’époque.

palmer luckey
Palmer Luckey, fondateur d’Oculus. Il a quitté Facebook en 2017 après avoir été accusé de financer des sites pro-Trump pendant la campagne électorale de 2016. ©Web Summit

À partir de là, l’histoire s’écrit d’elle même. Facebook rachète la société en 2014 pour 2,3 milliards de dollars et est la première grande entreprise moderne à mettre les pieds dans le secteur de la VR. À cette époque, Luckey et Carmack, qui a rejoint son entreprise entretemps, n’en sont qu’à la deuxième version du casque, balbutiant. Il faudra attendre encore quelques années avant que la VR ne s’empare définitivement du monde.

2016, année charnière

Si les casques de réalité virtuelle développés pour les PC et consoles de jeu demandaient un long temps de développement, le milieu du mobile a vu en premier l’arrivée de la VR grand public.

Google a ouvert le bal avec son Google Cardboard en 2014, un produit simple à base de carton. Il suffisait de se procurer (pour une trentaine d’euros maximum) ou de télécharger le patron, de le plier et d’insérer son smartphone à l’intérieur pour profiter de nombreux contenus en réalité virtuelle. Selon des porte-paroles du géant, en 2016, Google avait vendu 5 millions de ces casques.

Samsung s’est allié avec Oculus et a sorti en 2015 son désormais célèbre Gear VR accessible à partir de 99 €. Le casque a été abandonné définitivement par la marque en 2020. Là encore, le casque a eu du succès, Samsung annonçant 5 millions d’unités vendues dans le monde en 2017.

Mais c’est du côté des casques nouvelle génération pour PC et consoles que les avancées se font les plus impressionnantes. C’est donc en 2016 que le grand public va voir apparaitre sur le marché une multiplication des casques haut de gamme. Oculus Rift, HTC Vive, PlayStation VR, ces grands noms sont tous sortis cette même année, apportant chacun ses spécificités qui continuent encore d’être améliorées aujourd’hui.

HTC Vive
À sa sortie en 2016, le HTC Vive était un des casques VR les plus aboutis techniquement. ©Valve

L’Oculus Rift, version commerciale, était le casque le plus médiatisé, qu’un grand nombre attendait en version définitive. Le HTC Vive, développé en partenariat avec Valve, permettait, grâce à des capteurs, de se mouvoir dans un espace restreint. Le PlayStation VR, quant à lui, apportait la technologie de réalité virtuelle sur console à un prix bien plus abordable que les deux casques cités précédemment (avec une qualité inférieure, cependant). Même Microsoft s’était lancé dans la course avec son mystérieux Hololens, qui visait, lui, à proposer des expériences pointues en réalité augmentée. C’est à partir de cette époque que le monde du jeu vidéo, mais aussi de l’entreprise, a vu l’explosion du marché des casques.

Les années 2020, renouveau de la VR ?

En peu de temps, les casques de réalité virtuelle ont su s’améliorer pour proposer des expériences toujours plus fiables et confortables. À titre d’exemple, le premier Oculus Rift, sorti en 2016, proposait une définition pour chaque œil de 1 080×1 200 pixels avec une fréquence d’affichage de 90 Hz. Aujourd’hui, son descendant indirect, le Meta Quest 2, propose une définition de 1 832×1 920 par œil, un taux de rafraîchissement jusqu’à 120 Hz et a fait disparaitre les câbles, si embêtants sur les premiers modèles. Plus impressionnant encore, le HP Reverb G2 offre une définition énorme de 2 160×2 160 par œil.

Mais, bien que plus accessibles (motion sickness réduit, confort amélioré, applications plus nombreuses), les casques VR ont encore du mal à s’imposer durablement dans les foyers. Le PlayStation VR n’a été vendu qu’à 5 millions d’exemplaires en plus de trois ans d’existence et de nombreuses marques n’ont pas rencontré les résultats escomptés, aujourd’hui encore.

Les casques VR gardent encore cette image de gadget auprès du grand public. De simples périphériques onéreux, certes très fonctionnels, mais qui n’incitent pas à les utiliser de nombreuses heures d’affilée. Cela n’a pas empêché Sony d’annoncer son PS VR 2, qui sera mis en vente en février prochain pour près de 600 €.

Meta est peut-être l’entreprise qui a le plus su se démarquer, ce qui explique la très forte avance sur le marché du Meta Quest 2. Selon les estimations, le casque VR s’est vendu à plus d’exemplaires en six mois que le PS VR en cinq ans. Si bien que l’appareil de Meta possède la majorité des parts de marché aujourd’hui dans le secteur. En proposant un casque indépendant à moins de 300 € lors de son lancement (le prix a fortement augmenté entretemps) et en offrant des contenus exclusifs, l’entreprise dirigée par Mark Zuckerberg a su faire un bon pari. Mais c’est aussi grâce à la stratégie tournée vers le métavers que le géant a pu obtenir de tels chiffres. Et voilà un des traits qui manquaient peut-être aux fabricants de casques VR : une ligne claire, un marketing tourné vers un cas d’usage en particulier.

Apple travaille actuellement sur son premier casque de réalité mixte (mélangeant réalité virtuelle et réalité augmentée) et il se dit, à en croire les dernières fiches de poste, que le géant à la pomme serait en train de développer lui aussi un monde virtuel. Côté prix, le casque devrait être inaccessible pour le consommateur moyen (plus cher qu’un Meta Quest Pro à 1 800 €), mais devrait être suivi d’autres, plus abordables.

Le marché de la VR dans le monde est en pleine croissance. Selon l’International Data Corporation, l’année 2022 devrait voir plus de 13 millions de casques vendus. Selon le centre d’analyse, ce n’est pas auprès du grand public que le marché va pouvoir s’étendre, pour des raisons de coûts évoqués plus haut, mais bien chez les professionnels.

D’un autre côté, la domination sans partage du Meta Quest, avec ses 90 % de parts de marché estimés, limite les perspectives de croissance. D’où l’intérêt pour de grandes marques, comme Apple, de rapidement se positionner pour aller chercher leur audience.

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