Rentrée chargée pour Dominique A ! L’auteur, compositeur et interprète fait paraître ce mois-ci son premier recueil de poèmes, Le Présent impossible, et un nouvel album, Le Monde réel. Rencontre.
Vous venez de sortir votre 15e album ; le premier date de 1991… Comment expliquez-vous, au cœur d’une industrie si changeante et si exigeante, votre capacité à durer ?
J’espère que c’est lié à la qualité de ce que je fais ! En fait, je crois que c’est surtout lié au fait que les gens m’écoutent depuis longtemps… C’est un métier dans lequel on dépend du désir des autres ; et pour alimenter le désir, moi, je n’ai rien trouvé de mieux que de travailler mon écriture – aussi parce que ça me passionne, bien sûr.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
En réalité, j’ai l’impression de chanter la même chanson depuis toujours, mais sous des formes différentes. Quand j’écris, j’écoute mon désir. Chaque nouvelle œuvre découle d’une insatisfaction par rapport à ce que j’ai pu produire avant. C’est par insatisfaction que je remets le couvert !
Votre public vous suit depuis de nombreuses années, comment expliquez-vous le lien qui vous unit ?
On échange beaucoup. Maintenant, je vais systématiquement à la rencontre des gens après chacun de mes concerts. C’était mercantile au départ : l’idée était de vendre des livres et des disques sur place… Mais maintenant, je le vois plus comme une sorte d’obligation morale – dans le bon sens du terme ! J’ai l’impression que le spectacle n’est pas complet s’il ne s’achève pas par une rencontre.
Pour Le Présent impossible, justement, je voulais avoir une approche de l’écriture qui ne soit pas inféodée à la musique.
Dominique A
Vous venez de faire paraître Le Présent impossible (L’Iconoclaste), un recueil de poèmes. Qu’est-ce qui distingue l’écriture poétique de l’écriture de chansons ?
Quand j’écris une chanson, j’ai tout de suite en ligne de mire le chant et la musique : c’est ce qui impulse mon écriture. La musique reste un fil conducteur. Et, même si les gens me parlent en priorité de mes textes, je crois que j’ai surtout une vision musicale de mes chansons.
Pour la poésie ou la prose, c’est différent. Le mot devient à la fois le point de départ et le point d’arrivée – ce qui n’est pas le cas pour une chanson. Pour Le Présent impossible, justement, je voulais avoir une approche de l’écriture qui ne soit pas inféodée à la musique.
Je suis un grand lecteur, je vénère les livres… Le fait de produire des livres, c’est quelque chose pour moi, même si je ne me fais pas d’illusions sur leur valeur, sur le fait qu’ils marquent l’histoire littéraire ! J’ai plus ce genre de prétentions dans la musique, où je me sens plus légitime.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’écriture du Présent impossible ?
J’ai été sollicité par l’éditeur. Et, à vrai dire, j’ai mis un peu de temps à répondre : je n’avais pas vraiment de fil conducteur, je ne savais pas quel ton adopter – et puis, c’est une découverte pour moi, d’écrire des poèmes.
J’écris mes chansons sous des formes très classiques ; avec des quatrains, des alexandrins, des rimes… Pour de la poésie, je voulais exploser tout ça. J’ai commencé à écrire ni des chansons ni de la prose… et puis j’ai tiré sur le fil.
Comment vous situez-vous dans le paysage musical contemporain ?
Je me sens assez loin de la plupart des productions contemporaines pour être honnête – en particulier du point du vue du traitement de la voix, par exemple. Certains codes ont été adoptés, dont je me sens assez éloigné. Je crois que le rapport aux voix et à leur traitement est un marqueur fort de l’époque. De ce point de vue-là, je suis du siècle dernier ! Mais dans le paysage pop français, il y a aussi des choses moins marquées ; je pense à Juliette Armanet ou à Clara Luciani, par exemple – je m’y retrouve un peu plus.
Je crois que quand on a une longue carrière, on se fait une place un peu à part… On n’est à la mode qu’une seule fois – dans le meilleur des cas ! Je l’ai été au début de ma carrière, mais, au bout de trois ans, la messe est dite, c’est comme ça, et alors on a le choix : soit on arrête, soit on continue. Moi, j’ai choisi de continuer, et c’est à ce moment-là qu’on se crée notre propre chapelle, si je puis dire.