À peine sorti de l’œuf, le web3 est déjà critiqué pour son impact négatif sur l’environnement. Pourtant, des Français ont décidé de se servir de cette nouvelle génération d’Internet pour nous inciter à réduire nos usages numériques. Explications.
Réseaux sociaux, mails, achats en ligne… Si le numérique, au cœur de nos vies, nous est bénéfique pour plusieurs raisons, il ne l’est pas pour l’environnement. Nos courriels ? Ils consomment autant que l’électricité produite par 15 centrales nucléaires en une heure à l’échelle de la planète. Les appareils électroniques sont, eux, les premiers responsables de l’impact environnemental du numérique, selon un rapport de l’Ademe et de l’Arcep. Oui, l’industrie du digital est polluante et elle compte d’ailleurs pour 2,5 % de l’empreinte carbone de la France, un chiffre qui devrait continuer d’augmenter, selon de nombreux observateurs.
Ce n’est pas le web3 qui va arranger les choses. À peine sur les rails, cette future itération majeure d’Internet a pour réputation d’être nuisible pour la planète, notamment avec la blockchain sur laquelle reposent les NFT et les cryptomonnaies, mais aussi le metaverse, ce monde parallèle numérique que les géants de la tech rêvent de s’accaparer. Si des solutions existent pour réduire cette pollution numérique, à l’instar du nettoyage de sa boîte mail ou de l’allongement de la durée d’usage des appareils électroniques (réparation, reconditionnement, etc.), certains misent justement sur le web3 pour nous encourager à limiter notre impact sur la planète.
Moins tweeter pour sauver la planète ?
C’est le cas du projet Proof of Less qui vise à encourager le minimalisme et la sobriété numérique à travers le web3. Il a été lancé par quatre Français souhaitant mettre les individus au défi de faire mieux pour la planète (limiter les temps d’écran, les achats en ligne, le binge watching…), avec des challenges à incitation sociale et financière. « C’est un peu un pied de nez dans le sens où le web3 est l’industrie qui a la plus mauvaise image en termes d’impact climatique et on n’y pense pas du tout lorsqu’on parle de sobriété numérique ou de minimalisme, indique Virgile Deville, l’un des fondateurs du projet. Le web3 et la blockchain fournissant des outils de coordination à grande échelle, pourquoi ne pas les utiliser pour essayer d’influencer un peu les comportements des gens ? »
Le principe est simple : lors d’un défi, les participants misent une somme de stablecoins. Une fois que le challenge est terminé, ceux qui ont réussi à en faire moins récupèrent leur mise et une part de celle des personnes ayant échoué. Exemple avec le premier défi « Tweet Less » qui, comme son nom l’indique en anglais, consiste à moins tweeter. Plus précisément, l’objectif pour le participant sera de publier « moins de tweets que sa moyenne hebdomadaire sur 6 mois pendant 4 semaines consécutives ». L’équipe du projet va se servir d’une interface de programmation publique de Twitter pour déterminer cette fréquence moyenne sur 6 mois et la comparer à la fréquence lors du challenge. Pour participer au défi, il sera nécessaire qu’une personne tweete plus d’une fois par jour, compte plus de 1 000 abonnés et 3 000 publications tout en étant prête à réduire sa fréquence de tweet.
Un choix de premier défi justifié
L’équipe de Proof of Less a choisi Twitter comme premier défi pour plusieurs raisons. L’une d’elles est le fait que la plupart des tweets ne sont pas des contenus originaux, mais des réponses ou des retweets. « Twitter, c’était quand même un réseau social qui se voulait assez minimaliste à la base, il n’y avait que 140 caractères. Le fil d’actualité était par ordre chronologique, il n’y avait absolument aucune curation algorithmique. Pas mal de gens se disent que Twitter n’est plus ce qu’il était, qu’il y a énormément de bruits et plus beaucoup de contenus originaux ou de conversations authentiques », affirme Virgile Deville. Le choix du réseau social s’explique également par la possibilité de récupérer les données à travers une interface de programmation, ce qui est nécessaire pour les challenges, afin de calculer la fréquence et de savoir à qui distribuer les récompenses à la fin.
« Le web3 et la blockchain fournissant des outils de coordination à grande échelle, pourquoi ne pas les utiliser pour essayer d’influencer un peu les comportements des gens ? »
Virgile DevilleCofondateur de Proof of Less
C’est aussi lié à une volonté de la part d’utilisateurs de publier moins de tweets, avec le hashtag #tweetless et à la présence de la communauté crypto sur le réseau social. « Elle est super active parce que c’est le point de rencontre d’un peu tout le monde. Twitter est une sorte d’agora en fait. Du coup, ça nous a intéressé d’en faire nos premiers utilisateurs et ça a du sens, quand on parle de produits, d’aller sur Twitter qui est une bonne chambre d’écho », déclare le cofondateur de Proof of Less.
Youtube, smartphones… s’attaquer aux addictions numériques
Si le premier défi concernera Twitter, l’équipe de Proof of Less a déjà quelques idées pour les suivants, comme notre consommation sur YouTube ou le temps passé sur nos téléphones, qui est « un peu le point d’entrée à toutes les addictions numériques » indique Virgile Deville, avec les notifications et les réseaux sociaux. D’un autre côté, elle souhaite créer ces défis avec la communauté qui se construira autour du projet : « C’est pour cela qu’on invite les gens à nous rejoindre sur Discord. On voudrait vraiment être ce hub de discussion pour tout ce qui est sobriété numérique et minimalisme dans le web3 », fait savoir le cofondateur du projet. Dans cet objectif, l’équipe prévoit de développer une organisation autonome décentralisée (DAO), soit une société décentralisée avec des règles de gouvernance établies par des programmes informatiques appelés « contrats intelligents ». Ne dépendant pas d’une autorité, les décisions d’une DAO sont déterminées par les votes de ses membres. Autrement dit, les défis seront organisés en fonction de l’intérêt suscité autour de chaque sujet.
Outre ces projets, l’équipe devrait lancer un jeton $LESS cet automne, que les participants recevront après avoir réussi un défi. Ils seront à utiliser pour faire évoluer un NFT sous forme de donut, en créant de nouvelles couleurs de glaçage et en ajoutant des toppings. Ces donuts permettront aux participants de montrer socialement leur engagement envers la sobriété numérique. « Plus la couche est sombre, plus on est dans une démarche minimaliste et plus on est expérimenté. Les toppings représentent les différents challenges auxquels on a participé. Les petits grains de sucre bleus sont pour Twitter par exemple », détaille Virgile Deville. Il explique par ailleurs qu’ils ont pour le moment choisi la blockchain Polygon pour ces jetons et ces NFT car son impact environnemental est réduit par rapport à Bitcoin et Ethereum, qui fonctionnent actuellement sur la preuve de travail. Ce processus énergivore consiste à faire travailler des milliers d’ordinateurs afin de résoudre un même algorithme et insérer une transaction dans la blockchain.
Enfin, s’il est pour l’instant nécessaire de posséder des stablecoins pour participer aux défis, cela pourrait ne plus être obligatoire plus tard : « On peut imaginer que dans une version plus mature du projet, les utilisateurs qui ne viennent pas du tout du monde crypto puissent utiliser leur carte de crédit pour potentiellement acheter une somme de stablecoin et, du coup, participer à l’application sans nécessairement détenir des cryptomonnaies », conclut Virgile Deville. De quoi pousser davantage de personnes à la sobriété numérique ?