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Stablecoins : pourquoi le Trésor américain entend réguler les cryptomonnaies « stables » ?

03 novembre 2021
Par Thomas Estimbre
Stablecoins : pourquoi le Trésor américain entend réguler les cryptomonnaies « stables » ?
©DIAMOND VISUALS/Shutterstock

Dans un long rapport, un groupe de travail dirigé par le département du Trésor des États-Unis se dit préoccupé par les stablescoins. Il estime que ces cryptomonnaies stables, qui connaissent une croissance rapide, doivent être régulées au plus vite.

Voilà un rapport très attendu, qui risque de faire réagir aux États-Unis. Un groupe de travail dirigé par le département du Trésor, comprenant la réserve fédérale et d’autres régulateurs étatsuniens, a fait part de ses préoccupations à l’égard des stablecoins. L’organisme appelle à une régulation plus stricte des émetteurs de cryptomonnaies « stables », demandant même à ce qu’ils soient contrôlés comme des banques. Cela comprend une supervision de la réserve fédérale des États-Unis (la FED) et l’obligation de disposer de réserves suffisantes. Constitué par l’administration Biden, ce groupe de travail met en avant plusieurs éléments pour justifier sa position.

Avant de s’y intéresser, il convient de rappeler que les stablecoins sont des actifs numériques qui – comme leur nom l’indique – sont conçus pour maintenir une valeur stable. Ils tentent ainsi de répondre à l’une des problématiques et principales critiques du secteur, à savoir la forte volatilité des cours des cryptomonnaies comme le bitcoin ou l’éther. La valeur des cryptomonnaies « stables » est adossée à un autre cours – présenté comme une valeur-refuge – à l’image d’une monnaie fiduciaire (euro, dollar américain) ou un métal tel que l’or. Le cours d’un stablecoin pourra donc varier, mais de manière nettement moins forte que celui d’une cryptomonnaie dite non-adossée.

Critiquées, les cryptomonnaies « stables » sont de plus en plus populaires

Actuellement, la plupart des stablecoins sont adossés au dollar américain et la popularité de ces crypto « stables » inquiète les États-Unis. En effet, elles sont de plus en plus utilisées, car elles fluidifient les échanges de cryptomonnaies et peuvent donc faire office de valeur « refuge ». Les stablecoins peuvent être une alternative à la conversion des cryptomonnaies en dollars ou en euros, évitant au passage à leurs utilisateurs de devoir déclarer des plus et moins-values à l’administration fiscale.

Ces actifs numériques « présentent une variété de risques » pour les utilisateurs, selon le département du Trésor des États-Unis. Le groupe de travail s’inquiète notamment d’une possible perte de confiance des utilisateurs dans la capacité des émetteurs de stablecoins à répondre à leurs attentes. Ces derniers pourraient alors être tentés de vendre massivement leurs stablecoins, avec le risque de causer un préjudice aux personnes et au système financier, indique le rapport. Outre l’effet de panique et la crainte de voir naître un effet domino, les régulateurs américains évoquent des risques en matière de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Ces critiques – qui reviennent régulièrement lorsqu’il s’agit d’évoquer des cryptoactifs – font écho à celles émises par deux responsables de la Banque centrale européenne (BCE) concernant le bitcoin.

L’affaire Tether pour étayer le rapport

Ce constat sans appel des régulateurs américains intervient dans un contexte tendu pour les stablecoins. Le Tether, l’une des cryptomonnaies « stables » les plus populaires, suscite la controverse depuis quelques années et s’est récemment vue infliger une amende de 41 millions par les autorités américaines. Ces dernières accusent Tether d’avoir menti au sujet de ses réserves financières, comme l’explique l’agence fédérale indépendante américaine chargée de la régulation des bourses de commerce (la CFTC). Dans un communiqué, elle précise que Tether détenait suffisamment de réserves monétaires suffisantes « pendant seulement 27,6 % » du temps, sur une période de 26 mois, entre 2016 et 2018. « Cette affaire met en évidence les attentes en matière d’honnêteté et de transparence sur le marché des actifs numériques, qui connaît une croissance et un développement rapides », estime Rostin Behnam, président par intérim de la CFTC.

Le Tether a été créé comme un stablecoin adossé au dollar. ©Robert Paternoster/Shutterstock

En raison de la croissance rapide des cryptomonnaies « stables », le rapport estime qu’une action s’avère « urgente ». « Si l’on n’agit pas, on risque de voir se développer des stablecoins sans protection adéquate pour les utilisateurs, le système financier et l’économie au sens large », précise le rapport. Préoccupés, les régulateurs américains ne veulent toutefois pas sonner la fin de ces cryptomonnaies. « Si elles sont bien conçues et réglementées de manière appropriée, les stablecoins pourraient favoriser des options de paiement plus rapides, plus efficaces et plus inclusives ».

Les États-Unis ne sont pas les seuls à vouloir réguler plus fermement les cryptomonnaies stables. Dès la rentrée 2020, plusieurs pays européens – dont la France – avaient appelé la Commission européenne à établir des règles pour les cryptomonnaies adossées à des actifs. Fin septembre, l’Europe avait dévoilé un ensemble de mesures sur la finance numérique comprenant une nouvelle législation sur les crypto-actifs. Il est notamment question de soumettre les émetteurs de crypto-actifs adossés à des actifs tels que les stablecoins « à des exigences plus strictes (en matière, par exemple, de fonds propres, de droits des investisseurs et de surveillance) ».

Le marché stablecoins pèse 130 milliards de dollars, soit plus de 110 milliards d’euros. Dans son rapport, le groupe de travail suggère également l’idée de limiter les initiatives des géants de la Tech. Selon Bloomberg, cette action viserait à limiter les efforts déployés par Meta. Après Libra, l’entreprise anciennement connue sous le nom de Facebook Inc. a pour projet de lancer une cryptomonnaie stable appelée Diem et de fournir un portefeuille numérique à ses utilisateurs.

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Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste
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