Entretien

Lucie-Éléonore Riveron (NFT Factory) : “On prend à bras-le-corps les enjeux sociétaux”

23 juillet 2022
Par Kesso Diallo
Lucie-Éléonore Riveron (NFT Factory) : “On prend à bras-le-corps les enjeux sociétaux”
©NFT Factory

Annoncée en mars dernier, la NFT Factory ouvrira ses portes à l’automne prochain. En attendant, elle a organisé son premier événement qui a permis d’avoir un aperçu de ce futur espace dédié aux objets numériques. Rencontre avec sa cofondatrice Lucie-Éléonore Riveron.

PDG de la maison de vente aux enchères FauveParis, qu’elle a cofondée en 2014, Lucie-Éléonore Riveron est passionnée par les NFT. Elle est aussi la cofondatrice et la porte-parole de la NFT Factory, qui rassemblera un écosystème français autour de ces objets numériques à la rentrée. L’Éclaireur a pu échanger avec elle à l’occasion du premier événement de ce futur lieu dédié à l’environnement.

D’où vient l’idée de la NFT Factory ?

Plusieurs pays se demandent ce qui se passe en France, car il y a déjà énormément de projets, mais surtout de leaders dans les NFT, dans plusieurs domaines. On a par exemple Ledger dans la sécurité des cryptoactifs, The Sandbox dans le metaverse ou Sorare dans le divertissement, pour n’en citer que quelques-uns. On a aussi plein de grands artistes comme Pascal Boyart, Agoria, Obvious, des artistes vraiment reconnus sur la scène internationale, et de très grands collectionneurs comme Benoît Couty, le fondateur du MoCA (Museum of Crypto Art).

En fait, on a tous ces acteurs et toutes ces actrices qui sont déjà au top de leur niveau sur le plan mondial et il y a une vraie effervescence autour des NFT en France. Cela se sent depuis l’étranger. L’idée, c’était de regrouper tous ces gens pour les faire se rencontrer et transformer cette effervescence en quelque chose de vraiment construit, qui va pouvoir consolider l’écosystème français des NFT pour faire de la France l’un des leaders mondiaux sur le domaine.

Pourquoi avoir dédié cet événement à l’environnement ?

Nous l’avons dédié à l’environnement parce que c’est capital. C’est quand même le principal enjeu au niveau mondial aujourd’hui. C’est bien beau de dire que la blockchain, le Web3 et les NFT constituent la nouvelle révolution, que ça va changer nos vies, mais ça ne sert à rien de faire la révolution si on ne s’intéresse pas à l’impact positif que ça peut avoir pour contribuer à sauver la planète. À la base du Web3, il y a l’idée d’un monde meilleur, et cela signifie aussi un monde vivable. On sait tous et toutes qu’il y a énormément de critiques contre les NFT. La première chose qu’on me dit lorsque j’en parle, c’est que les NFT polluent.

©NFT Factory

L’idée avec cet événement, c’était de faire un premier état des lieux et peut-être le faire de manière annuelle, pour montrer que dès l’origine – puisqu’on est quand même dans les tout débuts des NFT – cette communauté crypto, NFT, n’est pas coupée du monde, déconnectée de la réalité. Au contraire, on prend à bras-le-corps les enjeux sociétaux et s’il y a bien un enjeu sociétal, c’est celui de l’impact environnemental.

Cet événement a aussi été l’occasion de démystifier le côté mauvais des NFT pour l’environnement…

Exactement. On ne peut pas dire que les NFT ne polluent pas, mais les blockchains continueraient à tourner même s’il n’y avait pas de NFT. Ce n’est pas le fait de les créer sur la blockchain qui pollue en tant que tel, car le principe même de la blockchain utilise de l’énergie et émet donc du gaz à effet de serre. Les très vieilles blockchains type bitcoin et ethereum – la première à accueillir les NFT – sont basées sur un protocole de consensus appelé le proof of work (preuve de travail) qui fait travailler des milliers et des milliers d’ordinateurs pour résoudre un même algorithme et celui qui y parviendra aura le droit de valider le bloc pour ensuite insérer la transaction dans la blockchain. C’est un vieux protocole qui est déjà remplacé par de nouveaux protocoles comme le proof of stake (preuve d’enjeu) qui est 99,5 fois moins consommateurs d’énergie et, donc, d’émissions de gaz à effet de serre. Ethereum est d’ailleurs en train de passer du proof of work au proof of stake.

©NFT Factory

Une fois qu’on a dit que ça pollue un petit peu, il est important de recontextualiser, de dire que le numérique – dans son ensemble – représente 4 % des émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, 96 % des émissions viennent d’autres industries, comme l’aviation ou le spatial, qui sont encore plus consommatrices d’énergie. Par exemple, 40 % des jets privés tournent à vide et un an de jets privés représente 167 ans d’émissions de gaz à effet de serre d’un Français moyen. Finalement, les 4 % d’émissions provenant du numérique sont peut-être les plus vertueuses, car elle peuvent réduire les 96% d’émissions des autres. On n’est pas en train de se dédouaner, de dire qu’on ne pollue pas, mais il faut prendre un peu de distance, recontextualiser.

Pouvez-vous revenir sur le besoin de trouver un autre terme pour le Web3 que vous avez évoqué lors d’une conférence ?

Je n’engage pas forcément la NFT Factory sur ce sujet-là, ce sont vraiment des réflexions que je me fais moi, mais je ne suis pas la seule. Ce qu’on appelle encore aujourd’hui Web3 n’est pas une continuité du Web2. La philosophie est de corriger un petit peu tout ce qu’on n’aime pas dans le web actuel, soit le fait de consommer du contenu sans se poser la question des créateurs et des créatrices, de ne plus être propriétaire de ses données et d’être suivi en permanence.

L’idée est de préserver ses données, puisque tout est crypté. Tout est transparent, mais on ne dévoile pas pour autant notre identité. On conserve nos données personnelles, ce qui nous permet d’interagir avec un univers numérique, mais également de devenir propriétaire d’actifs numériques. Et, quand cela arrive, on devient soutien de projet, soutien de créateurs et de créatrices au lieu d’être dans la consommation. Cela change vraiment la conception même de l’interaction avec le numérique. À la base de tout ça, il y a aussi l’idée d’un monde décentralisé, donc de responsabilité de l’individu. On est dans une forme de renaissance, car on n’est plus dépendant des Gafam et on est très responsable de ce qu’on va consommer, en tout cas, de ce qu’on va soutenir.

La contrepartie quand on devient très responsable, c’est qu’il n’y a pas de bouton « mot de passe oublié », par exemple. C’est-à-dire que vous êtes responsable de ce que vous achetez, de ce qu’il y a dans votre wallet. Si vous le perdez, il n’y a pas d’institution centrale ou de service client qui pourra vous aider à le récupérer. C’est vraiment une conception très différente de l’accès et des interaction avec le numérique. C’est pour cela que je pense qu’il faudrait vraiment réfléchir à trouver d’autres termes.

Le manque de femmes dans le Web, et plus précisément le Web3, a été évoqué au cours de plusieurs keynotes. Que pense la NFT Factory à ce sujet ?

On est extrêmement concernés par ce sujet-là et, de manière plus étendue, par toutes les formes de diversité. Un monde meilleur, c’est aussi un monde plus inclusif et c’est quelque chose qui, comme l’impact environnemental, sous-tend et va sous-tendre toutes nos prises de décision et toutes nos actions.

Expositions, conférences, pitchs de projets… Cet événement était un avant-goût de ce qu’on pourra trouver à la NFT Factory à son ouverture ?

Exactement, c’était vraiment un petit amuse-bouche. On l’a voulu comme un avant-goût, avec une exigence en termes de qualité des intervenants. On a voulu faire quelque chose de stimulant intellectuellement, avec ce côté chaleureux qui nous tient vraiment à cœur. Un lieu dédié sera dévoilé très prochainement, en plein centre de Paris. Il y aura une galerie avec des œuvres et un comptoir pour avoir des informations sur les NFT.

©NFT Factory

On va également organiser des rencontres très régulièrement et des formations de différentes durées : des formations courtes pour les particuliers et d’autres peut-être plus longues pour les entreprises. On aura aussi une formule d’accompagnement de projets NFT. Il se passera toujours quelque chose, du moins, plusieurs fois par semaine. Des événements seront aussi réservés aux membres : on a un NFT de membre de la NFT Factory, le Member Node. Ce sera un mélange de tout ça avec cette ligne directrice inclusive, stimulante et visionnaire.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste