Témoigner du réel pour le documenter, c’est là tout l’enjeu de la bande-dessinée documentaire. Un genre engagé, voire militant auquel Riad Sattouf n’est évidemment pas insensible. Entre témoignage autobiographique, journal satirique, récit historique, confidence intime ou véritable enquête d’investigation, l’auteur franco-syrien nous livre son top des BD documentaires. Des BD pour voir autrement…
Riad Sattouf, un « sérial bédéiste »
Riad Sattouf, c’est évidemment son autobiographie dessinée L’Arabe du futur, récit en six tomes sur les drôles et touchantes vicissitudes d’un enfant et adolescent plutôt doué avec un crayon. Mais c’est aussi la fable futuriste et drôlement viriliste Pascal Brutal ou encore l’éclosion d’une jeune fille au cœur du Paris d’aujourd’hui depuis ses 10 ans jusqu’à ses 18 ans dans Les Cahiers d’Esther. Plus récemment c’est la vie du comédien Vincent Lacoste qu’il a choisi de passer au crible de son crayon dans Le Jeune Acteur. Ce même Vincent Lacoste à qui il proposait son premier rôle au cinéma dans Les Beaux Gosses en 2009, puis dans Jacky au royaume des filles en 2014.
Et voilà désormais Riad Sattouf apporter un nouvel éclairage à son Arabe du futur avec son spin-off fraternel Moi, Fadi, le frère volé… Cette polyvalence doublée d’une effervescence créative, Riad Sattouf y voit le besoin permanent de se remettre en question. De s’interroger sur sa vie, celle des autres. Un point commun à tous ses projets : le réel. Riad Sattouf part toujours de véritables souvenirs qu’il arrange ensuite pour les rendre lisibles. Et c’est ce même désir de toujours questionner le réel qui a guidé son choix tout au long de cette sélection de BD documentaires. Par ailleurs, nous remercions Riad Sattouf pour le dessin original original qu’il nous a livré pour illustrer cette belle sélection.
Moi, Fadi, le frère volé, tome 1 (1986-1994) (L’Arabe du Futur)– Riad Sattouf (Livres du futur)
Nous l’avons suivi sans condition, six tomes durant, tout au long de son histoire, à travers les péripéties autobiographiques de son Arabe du futur. Mais Riad Sattouf n’a pas dessiné son dernier mot ! Il est de retour avec ce spin-off, Moi, Fadi, le frère volé. Un frère que l’on avait tout juste croisé dans le tome 4 de la série originale, alors qu’il était ramené de force en Syrie par leur père. Et bien voilà Fadi désormais au cœur d’un tout nouveau cycle. L’occasion pour le benjamin de la fratrie de nous livrer son parcours hors du commun. À commencer, dans ce premier tome, par le récit de son rapt invraisemblable et de son installation dans un coin perdu d’un Moyen-Orient dont il ignore tout !
Les coups de coeur de Riad Sattouf
Précision importante : les textes accompagnant cette sélection ne sont pas rédigés par Riad Sattouf mais par nos journalistes pour vous éclairer sur les thématiques abordées dans ces ouvrages choisis par l’auteur.
Culottées, l’intégrale – Pénélope Bagieu (Gallimard BD)
C’est successivement en 2016 et 2017 que Pénélope Bagieu nous livrait les deux tomes de son irrésistible bande-dessinée Culottées – des femmes qui ne font que ce qu’elles veulent. Une galerie drôle et sensible d’une trentaine de portraits de femmes méconnues qui toutes, d’une manière ou d’une autre, auront pourtant osé porter haut et fort leur culotte. Guerrière apache, sirène hollywoodienne, gynécologue ou gardienne de phare : voici l’intégrale de ces femmes Culottées, femmes contemporaines, libres et libérées de tous préjugés. Des révolutionnaires avant l’heure entrées dans la lumière de par leur courage, leur invention ou leur singularité. Ce n’est pas culotté, c’est mérité !
Pour une fraction de seconde – La Vie mouvementée d’Eadweard Muybridge – Guy Delisle (Delcourt)
Eadweard Muybridge, c’est cet Anglais venu en Californie au milieu du XIXe siècle mettre en mouvement pour la toute première fois la photographie. La course d’un cheval au galop fixé sur pellicule, c’est lui ! Dans Pour une fraction de seconde, Guy Delisle choisit de croquer le portrait rocambolesque de ce photographe à la vie mouvementée et aux inventions avant-gardistes. De son pinceau toujours minimaliste mais incroyablement vivant, de sa plume à la fois instructive et émouvante, il redonne vie et honneur à celui qui, obsédé par l’idée de figer cette fraction de seconde où le cheval, ses quatre sabots décollés du sol, semble comme suspendu dans les airs, inventait le cinéma.
Le Monde sans fin – Christophe Balin, Jean-Marc Jancovici (Dargaud)
Après En cuisine avec Alain Passard et Quai d’Orsay, Christophe Blain joue de nouveau l’élève curieux et assidu aux côtés, cette fois-ci, de Jean-Marc Jancovici. Le Monde sans fin, c’est la rencontre et le long dialogue illustré entre l’auteur de BD et l’ingénieur-conférencier, spécialiste des problématiques énergétiques et créateur du bilan carbone. Faits, causes, conséquences, enjeux… À l’équilibre entre rigueur scientifique et humour, l’album effeuille d’une limpide intelligence la délicate et brûlante question de l’urgence climatique. De quoi mieux comprendre notre monde. C’est brillant !
Journal d’une disparition, de Hideo Azuma (Made In)
Lassé par la routine du dessinateur face à ses planches et écrasé par la pression inhérente à son travail, Hideo Azuma, un mangaka célèbre, décide, du jour au lendemain, de quitter son boulot et de mettre fin à ses jours. Après l’échec de son suicide, il choisit de vivre dans la rue. Cette autobiographie est une pépite aussi émouvante que drôle. Azuma sait évoquer avec humour et subtilité ses déboires passés pour aborder des sujets très difficiles sans mettre ses lecteurs mal à l’aise. A lire absolument !