Une nouvelle tendance fait son apparition en librairie : les romans feel good à la sauce japonaise. Les sushis ne sont en rien la caractéristique principale mais un univers empreint de sérénité et de délicatesse. Ils contrastent avec les stéréotypes sur la nourriture ou le productivisme souvent associés à ce pays. Un nouveau genre que je vous propose de découvrir ici.
Des romans inspirés et inspirants
L’éloge du quotidien qui s’épanouit dans la magie des petits riens. Telle pourrait être la définition de ces histoires qui ne se contentent pas de se dérouler au Japon, mais apportent une véritable touche spirituelle. Le pays du soleil levant nous déroute souvent et transporte des images d’Épinal issues de sa civilisation que l’on connaît mal en Occident.
Ces livres qui fleurissent sur nos tables de librairies nous donnent une nouvelle facette de la culture nippone. Celle-ci s’exporte très bien chez nous à travers ces romans où le partage, la transmission et la générosité jouent un rôle de premier plan.
La cadre principal plante un décor souvent composé de chats et de livres qui font du bien, à lire avec une tasse de chocolat chaud ou de café artisanal. La tradition, le beau et le bon goût, ainsi que la défense d’un savoir-faire ancestral composent la trame de ces histoires dans lesquelles on se réfugie pour s’abriter d’un monde qui va trop vite et se recentrer sur soi. Une écriture fluide et poétique achève le tableau. Des livres lumineux à déguster lentement qui vous éclairent sur le chemin de la vie.
Un segment porteur qui prend de l’ampleur aujourd’hui. Porté au départ par les éditions Picquier, éditeur historique de la littérature asiatique en France, il se développe désormais à travers plusieurs maisons d’édition, inspirant même la création d’un nouveau label : Nami, la vague en japonais, celle qui emporte tout grâce à ses livres intimistes « qui parlent de nous et nous transcendent par le pouvoir des mots ».
Les précurseurs
Le premier succès du genre en France remonte à 2019 avec La Papeterie Tsubaki de Ito Ogawa. Une histoire pleine de charme et de sensibilité où l’on voit Hatako reprendre la papeterie de sa grand-mère décédée et poursuivre le travail de celle-ci comme écrivain public du quartier. Le choix des mots, la calligraphie ou encore la qualité du papier, tout compte dans une lettre. C’est avec son cœur que la jeune femme écrit, apaisant les chagrins des uns ou répandant la joie des autres. L’écrivaine poursuivra avec La République du bonheur et Le Goûter du lion, avant que ses premiers romans connaissent eux aussi le succès, comme Le Restaurant de l’amour retrouvé, dans lequel une jeune femme saupoudre ses plats d’amour avant de les servir. Un livre qui vous ouvrira autant l’appétit que la soif de lire.
Une ode à la cuisine japonaise que l’on retrouve dans Les Délices de Tokyo de Durian Sukegawa. Tokue est une vieille dame aux doigts tordus qui sait « écouter la voix des haricots ». Adapté au cinéma dans un film primé à Cannes, c’est un des titres emblématiques du feel good japonais. Un roman gastronomique et poétique à déguster. Une écriture sensible et sensuelle qu’il renouvellera avec Le Rêve de Ryôsuke puis L’Enfant et l’oiseau.
Autrice de light novels, des romans légers destinés à la jeunesse le plus souvent illustrés, Hiro Arikawa connaîtra un succès retentissant avec Les Mémoires d’un chat. A la recherche d’un nouveau maître pour son chat Nana, Satoru parcourt le Japon à travers sa géographie, ses contes et ses légendes. Une façon pour le jeune homme de partir aussi sur les traces de sa propre histoire. Un très beau roman touchant et plein d’humour sur les liens avec son passé, l’amitié et la relation entre l’homme et l’animal. Au prochain arrêt reprend l’idée du périple et de la redécouverte de soi en suivant une ligne de chemin de fer et les tranches de vie de plusieurs personnages.
La relève
On continue notre exploration des romans japonais qui font du bien avec de nouveaux talents. A commencer par celui de Michiko Aoyama, qui a connu un succès retentissant avec La Bibliothèque des rêves secrets. Un roman choral poétique qui célèbre le pouvoir des livres et l’importance qu’une personne attentive et attentionnée peut avoir sur le destin d’autrui, à travers le portrait plein d’humanité d’une bibliothécaire tokyoïte. L’auteure récidive avec un café qui soigne ses clients dans Un Jeudi saveur chocolat aux éditions Nami.
La café est un lieu qui réserve parfois des surprises plus grandes encore. Avec Tant que le café est encore chaud, Tashikazu Kawaguchi réalise un véritable prodige : un énorme succès international en librairie et le début d’une trilogie qui nous emmène loin sur les flots des grands des sentiments et de la résilience. L’histoire est simple : dans une petite ruelle de Tokyo, on sert un café qui aurait pour vertu de nous faire voyager dans le temps. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud. Suivront les très beaux Le Café du temps retrouvé, et récemment Le Café où vivent les souvenirs. Un auteur désormais incontournable.
Plus confidentiel pour le moment, je vous conseille de regarder de plus près les livres de Inoue Areno édités aux éditions Picquier. A commencer par L’Ode au chou sauté : dans la banlieue de Tokyo, Kôko, Matsuko et Ikuko tiennent une petite cantine de quartier qui redonne le goût de vivre à tous ses clients, même les plus désespérés. Je mange bien ne t’en fais pas est son second roman, placé sous les mêmes signes de la nourriture et du bonheur.
J’espère à mon tour vous avoir donné autant envie de lire que de manger ou de boire un bon chocolat chaud au coin du feu en découvrant ses livres qui sauront flatter vos cinq sens et vous rendre plus heureux, au moins pendant leur lecture.