
Il est sans conteste l’un des artistes les plus emblématiques du rap francophone. À 33 ans, Damso affiche une carrière brillante et une série d’albums mémorables. Si la sortie de « BĒYĀH » en mai 2025 clôturait son aventure musicale, le rappeur belge a ravi ses fans avec l’annonce de deux concerts en mai 2026, qui marqueront définitivement la fin d’une ère. À l’heure où l’artiste tourne une page de sa vie. Quels sont ses projets ?
Sombre, froid, mystérieux : Damso parle peu, mais lorsqu’il prend la parole, c’est avec précaution, minutie et intelligence. Tout au long de sa carrière, il a su offrir des albums symboliques, reflets de son introspection, ses pensées et ses complexités. Pour le comprendre, il faut revenir à ses débuts.
Originaire de Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, Damso – de son vrai nom William Mwamba – grandit jusqu’à ses 8 ans dans un pays ravagé par la guerre civile, entre rivalités ethniques et pillage des ressources naturelles. Contraints de fuir, lui et sa famille se réfugient en Belgique dès 2001. Sa jeunesse est donc loin d’être un long fleuve tranquille. Étudiant, il connaît l’échec scolaire et se retrouve renvoyé à Kinshasa pour espérer devenir, comme ses parents le désirent, un grand économiste.
Mais ce à quoi aspire le jeune homme, c’est vivre de sa passion : le rap. Une ambition qui aura un prix. Déterminé à retourner en Belgique, il dépense toutes ses économies pour faire le voyage. Vendeur dans une boutique de farces et attrapes, il passe ses nuits dans la rue. Son premier morceau, il l’écrit dans le métro bruxellois. Une vie précaire, bien loin de celle des rappeurs américains qui l’inspirent, tels Bone Thugs-N-Harmony ou 50 Cent.
C’est en 2015 que son destin prend un nouveau virage – et pas des moindres. Repéré par Booba, Damso se retrouve invité sur l’une de ses mixtapes. Dès qu’il l’a entendu, le « Duc de Boulogne » a immédiatement décelé le potentiel de celui qui deviendra son futur protégé : « Damso, je l’ai signé sur un seul couplet. C’était une prise de risque, mais je savais qu’il avait un gros potentiel. C’est un mec complet, le seul à être aussi fort », avouait Booba aux Inrocks.
Le collectif 92i et le studio Universal Music France lui tendent alors les bras : la carrière du rappeur belge est officiellement lancée.
Une carrière à succès, parfois sous tension
En 2017 sort Ipséité, un premier album concept qui explore la notion d’identité, chère à l’artiste. Grâce à une plume singulière, mélange de poésie brute, de thématiques profondes et de réflexions philosophiques, cet opus est une réussite. N° 1 des ventes à sa sortie, Damso compte déjà 100 millions d’écoutes en à peine un mois.
Le soutien du public est immédiat et l’ascension fulgurante.
L’année suivante, une première grosse polémique éclate. À l’occasion de la Coupe du Monde de football 2018, il est contacté par la Fédération belge de football pour composer l’hymne des Diables rouges, l’équipe nationale. Une demande que Damso prend à cœur, donnant naissance à l’excellent morceau Humains. Pourtant, ce dernier ne sortira que sous forme de titre bonus dans son album Lithopédion (2018). La raison ? Les associations féministes jugent ses textes profondément sexistes.
Un rappeur cru et misogyne pour représenter la jeunesse belge ? Il n’en est pas question. De son côté, Damso se défend : « Je ne me sens pas du tout misogyne mais j’avais envie de comprendre pourquoi l’on pouvait penser ça de moi. Dans mes textes, je ne cherche à m’opposer à personne. Je dépeins juste ma vie, et elle est souvent sombre… », confie-t-il aujourd’hui aux Inrocks.
De cette polémique, l’homme tire des enseignements : il se plonge dans les récits d’autrices féministes emblématiques, telles que Virginie Despentes et bell hooks – réaction intelligente, il faut le souligner.
Malgré cette ombre au tableau, l’artiste poursuit la route de son succès. Après Lithopédion, album sombre et déroutant dont la sincérité a conquis le public, il revient en 2020 avec QALF, un opus aux thématiques encore plus graves. La mort ou la solitude, par exemple, y tiennent une place centrale.
Plus les années passent et plus Damso semble décidé à produire des morceaux bruts et introspectifs, en écho aux sujets qui lui tiennent à coeur. Peu à peu, il s’éloigne des recommandations de son mentor Booba pour livrer une œuvre plus personnelle. Rester fidèle à lui-même, telle est sa ligne de conduite.
Après une réédition et quelques apparitions lors de collaborations réussies, avec Angèle et Disiz notamment, l’artiste se fait de plus en plus discret. Et pour cause.
Des envies d’ailleurs
Onde de choc pour ses plus fidèles fans : en 2023, le Belge annonce prendre sa retraite musicale.
À quoi ressemble son quotidien ? Il passe son temps dans son camping-car aménagé en studio. Un choix de vie qui détonne, mais cohérent pour le rappeur penseur. Malgré un retour inattendu avec son disque J’ai Menti, et son (dernier ?) album BĒYĀH, sorti en mai 2025, Damso est prêt à mettre un terme à sa carrière musicale.
C’est désormais hors de l’industrie musicale qu’il souhaite évoluer, un système qu’il juge sans âme, poussant les artistes à l’épuisement créatif. “Ce n’est pas la recherche de gloire qui m’a amené à la musique, mais le challenge et l’exutoire », explique-t-il aux Inrocks. S’il a connu un succès fulgurant avec sa discographie, c’est bel et bien grâce à ce désir d’introspection qui l’a guidé toutes ces années.
À ses débuts, certains lui ont collé l’étiquette du rappeur vulgaire et sexiste. Mais, derrière la brutalité de ses paroles se cache un homme complexe, marqué par une enfance brisée et sa relation instable avec les femmes. En musique, Damso n’est pas seulement provocant : il se raconte.
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Fidèle à lui-même, il continue de se laisser guider par ce qui l’anime. Aujourd’hui, l’artiste de 33 ans souhaite se consacrer à ses passions pour la mode, le design et le cinéma. Lors du dernier Festival de Cannes, il a ainsi présenté son court-métrage R.E.M : Episode 00, métaphore d’un monde sous perfusion numérique.
Cette nouvelle étape de sa vie est également propice à son engagement militant. Créateur de la fondation Vie sur Nous, il lutte activement contre l’exploitation minière qui demeure dans son pays d’origine. Sur Instagram, il n’hésite pas à afficher fièrement son soutien à la jeunesse congolaise.
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Pour celles et ceux qui souhaiteraient une dernière fois profiter de son talent, bonne nouvelle : Damso a annoncé une date exceptionnelle à la Défense Arena – rapidement suivie d’une seconde date, face à l’engouement d’un public comblé. Une ultime occasion d’apprécier, ou de réapprécier le rappeur belge pour la dernière fois… si c’est (vraiment) la dernière.