
C’est le premier choc (inattendu) de la saison 3 de « The White Lotus » : le changement radical de générique de la série. De quoi dérouter nombre de fans. Et si c’était plutôt une bonne nouvelle ?
Dès ses premières notes, la musique du générique de The White Lotus, composée par le Québécois Cristobal Tapia de Veer, est devenue culte. À la fois angoissante, hypnotique et diaboliquement entêtante, cette partition s’est imposée comme un véritable « banger ». Entremêlant percussions tribales, vocalises distordues, bruits d’animaux et nappes synthétiques inquiétantes, le compositeur est parvenu à instaurer une atmosphère aussi exotique qu’oppressante, parfaitement en phase avec l’ambiance de la satire sociale créée par Mike White.
Dans la saison 1, le thème musical débutait de manière presque paisible avec des sons de marimbas et des chants éthérés. Comme un rappel subtil au cadre de la série qui se déroulait dans le décor idyllique d’Hawaï. Puis le rythme se faisait plus frénétique, haletant, écho aux tensions et aux dynamiques de pouvoir sous-jacentes qui se tramaient au sein de l’hôtel de luxe.
Dans la saison 2, qui se déroulait en Sicile, le générique mettait en exergue des influences classiques aux influences italiennes comme la harpe, puis se muait en ritournelle electro diaboliquement entêtante. La séquence sonnait là aussi comme un avertissement : la beauté et l’oppulence ne sont qu’une façade derrière laquelle couvent le vice et le drame.
Chacune de ces séquences d’ouverture se décryptaient comme de véritables puzzles visuels, fourmillant de symboles et d’indices sur les arcs narratifs des différents personnages. Des fresques murales aux motifs paradisiaques dans lesquelles se nichaient des détails inquiétants pour la première saison, des tableaux Renaissance qui dissimulaient des saynètes érotiques dans la saison 2.
Deux saisons et deux ambiances pour un thème récurrent que Cristobal Tapia de Veer est parvenu à renouveler avec brio, capturant à merveille l’ambiance troublante du show, entre séduction et tragédie. Porté par le succès phénoménal de la série sur HBO, ce générique devenu viral a même envahi TikTok et les clubs branchés, entraînant des légions de fans en transe sur le dancefloor.
Les raisons de ce changement de générique
Après pas moins de trois ans d’attente, c’était peu dire que les « Lotus maniacs » attendaient avec gourmandise ce totem musical, qui allait marquer le coup d’envoi de l’ultra-attendue saison 3 le 17 février dernier. Sauf que… surprise (et damnation) : les iconiques « woooo looo loooo » stridents ont disparu, remplacés par un thème plus sombre, vaguement électro, ourlé d’un air d’accordéon. Bien loin du « tube » de la saison précédente, récompensé par un Emmy Award.
Pourquoi ce choix controversé ? Le showrunner Mike White aurait souhaité que la musique s’aligne avec les thèmes de ces nouveaux épisodes, situés en Thaïlande. Et notamment la religion et… la mort. « Je pense que pour que la série reste fraîche, elle doit soit s’étendre, soit évoluer, soit changer », a-t-il ainsi confié à HBO dans une interview obtenue par The Post. « La première saison parlait beaucoup de privilèges et de cette sorte de hiérarchie entre les employés et les invités, avec la comédie qui en découlait. Puis, lorsque nous étions en Italie dans la saison 2, le thème était davantage centré sur le sexe et la dynamique entre les hommes et les femmes », a-t-il développé.
« Cette saison, il s’agit davantage de religion, de spiritualité et de Dieu, donc la série et les histoires que ces personnages traversent sont un peu plus existentielles et tragiques. »
Pour cette composition plus dramatique, le musicien Cristobal Tapia de Veer s’est inspiré de sons glanés au gré de ses navigations sur des plateformes comme TikTok et YouTube. « Je pense que la meilleure chanson que j’ai entendue ces dernières années, dont je me souvienne, c’est des gens harmonisant avec un chat sur TikTok », a-t-il expliqué à Variety. « Il y a un chat, quelqu’un a ajouté du piano, puis des filles ont commencé à harmoniser, et ensuite il y a eu toutes ces versions harmonisant avec ce chat. C’est extrêmement émouvant, tellement spontané et frais que ça capte bien plus mon attention que la musique pop ultra-produite ».
Mais ce générique un brin expérimental aura frustré bon nombre de fans, certains allant jusqu’à crier au sacrilège.
Continuer à surprendre
Mais pourquoi ne pas considérer ce changement de générique comme le signe de la vigueur créative de Mike White ? Si le concept de la série demeure inchangé- une critique mordante des vices et névroses de riches (et souvent odieux) touristes occidentaux au sein d’un complexe hôtelier- le showrunner semble résolu à prendre des décisions audacieuses (RIP Jennifer « Tanya » Coolidge) et à réinventer son œuvre, bien au-delà de son casting toujours inspiré.
Avec The White Lotus, il sème des fausses pistes, tend des pièges et multiplie les leurres. Ces choix, parfois déroutants, s’avèrent redoutablement efficaces, transformant ce whodunnit télévisuel en pur plaisir narratif. Un pari sur la longévité de la série et la preuve de sa capacité à continuer de nous surprendre. Et qui sait ? D’ici au 7 avril, date du final, ce nouveau thème musical pourrait bien s’imposer comme un incontournable.