Amoureux des mots et de la langue française, garant de la grammaire et de l’orthographe, l’auteur et animateur Bernard Pivot vient de s’éteindre à l’âge de 89 ans. Retour sur une carrière sans points de suspension et une vie qui bouillonne de culture.
Un homme de lettres et d’image
Dès son enfance, Bernard Pivot nourrit son amour des mots : en lisant le dictionnaire pendant la Seconde Guerre mondiale, comme un passe-temps salutaire en plein chaos. Doué en français, il se lance à l’âge de 20 ans dans des études de journalisme dont il sortira vice-major de sa promotion. Il écrit ainsi dans différents organes de presse, participe dans les années 1970 à la création du magazine Lire et commence en parallèle à tenir des chroniques à la radio, sur Europe 1, puis sur RTL. Mais c’est par le biais de la télévision en plein essor qu’il devient figure populaire. Son bagout et son érudition intéressent les producteurs et interpellent le public.
Critique littéraire dès 1968, il produit et anime sa première émission culturelle en 1973, Ouvrez les guillemets. C’est un succès. Pivot y reçoit de grands noms tels que Raymond Devos, Eugène Ionesco, Salvador Dali, Alain Delon ou encore René Barjavel. Une émission qui prend le nom d’Apostrophes sur Antenne 2 en 1975. En deuxième partie de soirée, les cadors de la littérature débattent avec passion. L’audimat est tel qu’Apostrophes en vient à faire la pluie et le beau temps sur les succès en librairie. Une hégémonie qui durera jusqu’en 1990. Bernard Pivot lance ensuite Bouillon de culture qui, entre 1991 et 2001, devient l’émission de référence, couronnée par deux 7 d’Or. Lorsque celle-ci s’arrête, Bernard Pivot prend sa retraite médiatique, n’apparaissant plus que dans des émissions spéciales consacrées à la langue française.
Un jongleur avec les mots
Bernard Pivot profite de sa notoriété pour populariser une discipline d’école honnie par nombre d’élèves : la dictée. Il parvient à rendre celle-ci attractive, par le biais d’un concours national dès 1985, les Championnats de France d’orthographe, puis du monde, rebaptisés ensuite les Dicos d’or et diffusés à la télévision. Enfants et adultes se lancent alors dans cette grande aventure littéraire par milliers et depuis, le mot « dictée » est irrémédiablement associé au célèbre animateur. Il en fera d’ailleurs des livres de compilation, tels que Les Dictées de Bernard Pivot.
Ce dernier est élu en 2004 à l’académie Goncourt, qu’il présidera de 2014 à 2019, succédant à l’autrice Edmonde Charles-Roux. Lorsqu’il quittera cette noble institution des Lettres, c’est en tant que membre d’honneur. Il faut dire que l’homme est également un écrivain reconnu. Il publie son premier roman dès 1959 (L’Amour en vogue), à l’âge de 24 ans, puis une vingtaine d’ouvrages dédiés à la langue française ou à sa carrière : Les Mots de ma vie, Oui, mais quelle est la question ? ou encore Lire !, coécrit avec sa fille Cécile Pivot. Mais aussi au football avec Le Football en vert, ou l’œnologie Le Dictionnaire amoureux du vin.
Dans la culture populaire
Bernard Pivot est peu à peu devenu une institution. Son nom suffit à évoquer la littérature, la joie des mots et des accords, la culture dans tous ses états. Et ce auprès de tous les publics. C’est ainsi qu’il cumule plus d’un million d’abonnés sur Twitter et publie même un recueil de tweets, Les tweets sont des chats.
Parmi ses autres activités et péchés mignons, on note qu’il prête sa voix en 1988 à celle du narrateur du film Mangeclous de Moshé Mizrahi et d’un personnage de la série animée Silex and the City. De la voix, il en a également donné sur scène lors de deux spectacles de lecture dans les années 2010 pour lire et partager ses textes préférés.
Et lui qui a tant lu le dictionnaire, voit son nom devenir l’une des entrées des Petit Robert et autres Petit Larousse. La boucle est bouclée.
