Ils sont rares les albums pour lesquels j’ai eu un coup de foudre dès la première note. C’était avec le 1er album d’Alban Claudin, I’s a long way to happiness. Depuis sa musique, ne me lâche pas. Pianiste talentueux, son deuxième album, sorti en septembre dernier confirme la grâce et la subtilité de sa musique. Il a accepté de se prêter au jeu de notre nouveau rendez-vous, « En rayon », l’occasion d’évoquer, avec lui, ses goûts, ses coups de coeur.
Un album qui vous a donné envie de devenir musicien ?
Alban Claudin : Dans mes plus profonds souvenirs, je suis installé à la batterie pour enfant que m’avaient offert mes parents et je m’amusais à rejouer certains albums en boucle. Celui que j’ai joué le plus de fois est Breakfast in America de Supertramp dont je connaissais chaque note de chaque chanson, même si, à l’époque (je n’avais pas plus de 4 ou 5 ans), je ne différenciais pas encore tous les instruments. Mon deuxième choc est une petite pièce de piano de Bela Bartok que jouait ma sœur et qui s’appelle For Children.
Qu’est-ce qui vous a fait vous tourner vers le piano plutôt qu’un autre instrument ?
Le piano lui-même ! Il y en avait un dans la chambre de mes parents et c’était le meilleur des jouets pour moi. Ça n’a jamais changé depuis. J’ai toujours joué beaucoup de batterie en parallèle et je pense que de jouer de ces deux instruments m’a permis de développer une identité musicale qui m’est propre.
Lorsque vous étiez enfant, vos parents écoutaient quelle musique ?
Justement, pour en revenir à la première question, je leur « volais » leur vinyles et CDs : il y avait Supertramp, Queen, Toto, les Beatles, David Bowie, les Rolling Stones. Pour faire court : de la musique anglo-saxonne, plutôt rock !
Vous ont-ils donné le goût d’autres arts ?
J’ai la chance d’avoir un père ébéniste et une mère architecte. Les deux sont très manuels, aiment fabriquer, dessiner et peindre. Je me suis récemment mis à apprendre la technique du vitrail, sûrement un héritage des nombreuses balades que l’on faisait le week-end dans des églises et châteaux.
Quel est le premier album que vous avez acheté ?
Revolver des Beatles, puis très vite toute leur discographie. Et Aladdin Sane de David Bowie qui a suivi quelques jours plus tard. On était en 2006, j’avais 16 ans, j’avais sûrement un peu d’argent de côté et je venais d’intégrer un groupe de rock en tant que batteur : tout était réuni !
Le premier concert de votre vie ?
J’ai grandi dans une petite ville en Bourgogne où il n’était pas toujours facile d’aller voir des concerts. J’hésite entre un concert de Supergrass à Paris ou Les Eurockéennes en 2008 avec Justice, The Roots, The Raconteurs…
Votre album culte ?
Si mon premier album acheté est Revolver, ce n’est pas pour rien !
Y a-t-il un livre qui vous a inspiré en tant que musicien ?
Pendant des années je n’ai quasiment lu que des biographies de compositeurs, de groupes de rock ou d’interprètes classiques ! Le livre Montrez-moi vos mains d’Alexandre Tharaud m’a beaucoup touché. Il raconte la vie d’un pianiste soliste à travers le monde, et cette sensation de solitude alors que paradoxalement des centaines ou des milliers de personnes ont acheté un ticket pour venir vous entendre jouer !
Je me suis toujours amusé en lisant les biographies de grands pianistes classiques car ils sont souvent beaucoup plus punks que la plupart des groupes de rock.
Un film qui vous a particulièrement inspiré ?
J’ai sûrement eu quelques coups de cœur mais, honnêtement, à part quelques comédies où la musique est quasiment absente, tous les films que je vois au cinéma m’inspirent. Je m’amuse d’ailleurs souvent à analyser le rôle de la musique par rapport à l’image.
Avez-vous une BO de film préférée ?
Adolescent, j’adorais les films de Guy Ritchie avec des BO typiquement anglaises et très rock’n roll mais la première BO d’un compositeur qui m’ait marqué est celle de Thomas Newman pour American Beauty, je trouvais toutes ces sonorités folles et il y avait beaucoup de silences.
Vous êtes pianiste mais vous utilisez des produits technologiques divers pour votre musique. Quels sont vos premiers achats de ce type ?
J’ai toujours aimé arranger, produire et créer des sons. C’est pour ça que je ne me considère pas forcément comme pianiste même si c’est mon moyen d’expression principal. Dans mes albums de piano, il y a une grande part de production, de traitements sonores et d’arrangements. J’ai eu la chance d’avoir un tout petit synthé vers mes 6 ans, ce genre de clavier à pile où l’on peut faire jouer une batterie et jouer par-dessus une ligne de basse ou un piano (il y avait plein de sons, ce qui m’émerveillait). Adolescent, j’ai acheté un synthé plus élaboré et j’ai commencé à me familiariser avec la technologie sur l’ordinateur familial. Je tentais d’imiter les chansons que j’aimais, que j’entendais à la radio. Mon but était d’en copier la production et les arrangements le plus fidèlement possible pour comprendre qui jouait quoi, d’où provenait tel ou tel son.
Mes premiers achats d’adulte furent une batterie Ludwig, un piano électrique Fender Rhodes (Mark 1) et un synthétiseur Roland (Juno 106). A l’époque, tout ça valait un quart du prix actuel !
A l’approche de Noël, on cherche à offrir le cadeau parfait. Quels sont vos conseils parmi les sorties 2023 ?
Pour les amateurs de musique pop je recommande Endless Summer Vacation de Miley Cyrus.
Pour les fans de musique calme et néoclassique On Giacometti d’Hania Rani, une pianiste, chanteuse et compositrice que j’adore et qui a une sensibilité assez proche d’Agnes Obel ou d’Olafur Arnalds.
Pour les gens branchés : My Mind Wanders and Sometimes Leaves Completely de Lola Young.
Et pour ceux qui aimeraient que ce soit l’été toute l’année, Volcano, Jungle !
Concernant les films, j’ai adoré Mon Crime de François Ozon.
Et pour ceux qui sont passés à côté, il y a bien sûr The Fabelmans de Steven Spielberg.
Je ne suis pas sûr d’avoir lu un livre qui soit paru en 2023 mais on passe toujours un bon moment en lisant Fabrice Caro (Journal d’un scénario).
Sinon, j’incite à lire et relire mon livre préféré Kafka sur le rivage, qui reste à mon sens le plus beau livre de Murakami.
Cette rubrique s’appelle « En rayon ». Quelle découverte avez-vous faite en parcourant les rayons de la Fnac qui a marqué, voire changé votre vie ?
J’ai 16 ans, je suis venu en train à Paris pour je ne sais plus quelle raison. J’ai du temps devant moi alors je vais à la FNAC des Halles où l’on pouvait encore écouter des CD. Je suis resté au rayon Musique classique plusieurs heures (je venais d’entrer au Conservatoire pour me consacrer essentiellement à la musique classique). C’est ce jour-là qu’est née ma passion pour Maurice Ravel et la musique française de la fin du 19e et du début du 20e siècle. J’ai acheté un album de Ravel contenant le Concerto en Sol ainsi que Le Tombeau de Couperin interprétés par la pianiste Monique Haas pour le label Deutsche Grammophon.
La FNAC est pour moi un lieu d’apaisement où le temps s’arrête et où l’on peut se perdre et découvrir une infinité de nouvelles oeuvres.