Depuis la sortie de Splatoon en 2015 et de ARMS en 2017, aucune nouvelle licence originale Nintendo n’a vu le jour. Un délai suffisamment long pour que l’on commence à imaginer ce que l’avenir nous réserve, et pourquoi pas en 2023.
Pour capitaliser sur l’immense succès commercial de la Switch, Nintendo s’est comme toujours appuyé sur ses incontournables licences, inscrites depuis déjà bien longtemps au patrimoine mondial du jeu vidéo, de Mario à Zelda en passant par Pokémon. Et si la création d’une nouvelle IP (Intellectual Property) n’est pas un passage obligé pour proposer de la nouveauté, la preuve avec Breath of the Wild ou Légendes Pokémon Arceus, il faut reconnaître que ce géant de l’industrie n’est pas parvenu à créer un nouvel univers depuis Splatoon, dont le premier opus est sorti en 2015 sur Wii U, et ARMS, paru en 2017. Et ça commence à faire long.
Pourtant, en début d’année 2021, Shuntaro Furukawa, le président de Nintendo, déclarait pour le magazine japonais Nikkei : « Je suis moi-même en train de jeter un œil et d’étudier différentes formes de divertissement. A l’avenir, nous nous efforcerons de créer des nouvelles franchises de jeux, aux côtés de titres qui se vendent sur la durée, comme Mario et Zelda. » Un petit bout de phrase qui avait suffi à mettre en émoi des millions de fans à travers le monde, qui attendent avec impatience la nouvelle création de l’éditeur qui a pratiquement tout inventé du jeu vidéo moderne. Mais bientôt deux ans plus tard, ils attendent toujours.
Et si l’année 2023, qui vient à peine de débuter, était la bonne ? A l’heure où sont écrites ces lignes, trois sorties majeures sont attendues chez Big N, en ce qui concerne les licences maison : le remake Kirby’s Return to Dream Land, le jeu le plus attendu de l’année The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom et le nouvel opus de la toute dernière licence créée par la légende Shigeru Miyamoto, Pikmin 4. Si l’on ajoute à cela l’Arlésienne Metroid Prime 4, on obtient un calendrier réjouissant mais loin d’être révolutionnaire. De quoi nous laisser imaginer que quelque chose d’autre est dans les cartons.
Le multijoueur familial, l’ADN Nintendo ?
Pendant que la concurrence s’écharpe pour savoir qui fera la console la plus puissante ou le meilleur jeu d’action, Nintendo a réussi à imposer sa position incontestable de leader en ce qui concerne le jeu familial. La meilleure preuve de cette domination est bien sûr Mario Kart 8, qui a dépassé en début d’année 2022 les 50 millions d’unités vendues si l’on combine les versions Switch (43 millions) et Wii U (8 millions).
Animal Crossing, Kirby, Pokémon, toutes ces licences ont pour objectif d’être accessibles aux plus petit.e.s, tout en restant plaisantes pour les adultes. Mieux, elles font depuis de nombreuses années la part belle au jeu à plusieurs, autant pour rassembler toute la famille autour du canapé que pour connecter les joueuses et les joueurs du monde entier. Une recette du succès dont l’éditeur japonais ne se privera certainement pas, surtout pas pour se lancer dans une course pour laquelle il a déjà accumulé bien trop d’années de retard. C’est probablement la seule certitude que l’on peut avoir à l’heure d’imaginer le futur de Nintendo, qui continuera à produire des jeux pour un public le plus large possible.
Le monde ouvert, une donnée obligatoire ?
Alors même que le concept existait déjà depuis un long moment, le monde ouvert développé par Nintendo pour Breath of the Wild a changé la donne. Depuis sa sortie et son succès planétaire, tous les éditeurs veulent leur Breath of the Wild et son plan d’introduction dévoilant doucement la vaste étendue d’un terrain de jeu à parcourir. Et si From Software n’a pas attendu Nintendo pour démontrer sa supériorité en matière de level design, il est difficile d’imaginer que le chef d’œuvre de Nintendo n’a pas eu d’influence sur la révolution du genre Souls-like et l’incontestable réussite d’Elden Ring, logiquement désigné Jeu de l’Année à l’occasion des Game Awards 2022.
D’ailleurs, l’éditeur japonais n’hésite pas à s’inspirer de ses propres réussites pour apporter un vent de fraicheur à ses franchises les plus populaires. Le meilleur exemple récent est bien sûr le tournant opéré sur la licence la plus rentable de l’histoire, Pokémon, dont les deux derniers opus se sont structurés autour d’un monde semi-ouvert pour Légendes Arceus, et totalement ouvert pour Pokémon Violet et Ecarlate. Une évolution saluée par la critique autant que par les joueuses et les joueurs, si l’on met de côté les problèmes techniques de ces deux opus.
>>> Notre test de Pokémon Violet
Pour Nintendo comme pour les autres, il apparait de plus en plus difficile de passer outre cette structure de jeu, dont la principale force est d’offrir un sentiment de liberté et une dimension contemplative à tous les univers, et qui semble s’imposer comme la plus populaire du moment. Heureusement pour Nintendo, la technique n’est pas le seul ingrédient pour un monde ouvert réussi. La preuve avec Breath of the Wild bien sûr, mais aussi avec Elden Ring, dont le succès est vraiment à attribuer au level design brillant plus qu’à la technique pure, qui fait par ailleurs pâle figure à côté d’un jeu sorti dans la même semaine, Horizon Forbidden West, dont le monde ouvert est probablement le plus réussi techniquement à l’heure où sont écrites ces lignes.
Mais à souvent moquer le retard technologique accumulé ces dernières années chez Nintendo, on en viendrait presque à oublier que c’est toujours par la révolution technique que l’éditeur est parvenu à se remettre sur le devant de la scène, et à créer de nouvelles licences.
Une nouvelle technologie à la rescousse ?
Il en existe des dizaines d’exemples. Qu’il s’agisse d’une grande évolution technique comme la maîtrise de la 3D pendant le développement de Super Mario 64, qui a conduit à la création du stick analogique qui équipe aujourd’hui l’intégralité des contrôleurs de jeu et qui a permis l’éclosion du genre FPS sur consoles, ou d’une évolution technique plus modeste, comme la création du câble Link qui a permis à Satoshi Tajiri d’inventer les Pokémon (rien que ça), Nintendo a toujours rencontré ses plus beaux succès grâce à sa capacité à inventer. Ses plus grands génies, de Gunpei Yokoi (inventeur de la croix directionnelle, dela GameBoy, de la Game&Watch…) à Shigeru Miyamoto, sont avant tout des inventeurs avant d’être des développeurs.
Et le dernier exemple en date est bien entendu la Nintendo Switch. Pour la première fois, une console de jeux devient hybride, et peut être aussi bien utilisée comme une console de salon ou comme une console portable. Une idée brillante, qui offrira à l’entreprise l’un de ses plus beaux succès commerciaux, avec plus de 114,3 millions de consoles vendues, soit plus que la Wii, qui devait déjà son succès planétaire à sa révolution technologique.
Problème, ce qui fait le succès de la Switch apparait aujourd’hui comme un terrible frein pour la créativité de Nintendo. Nul besoin d’être ingénieur pour comprendre en un coup d’œil qu’une console qui se veut portable ne peut pas offrir la même puissance qu’une PS5 ou une Xbox Series.
Mais revenons-en à nos licences. Face à ce constat, il est fort probable que Nintendo ait de nouveau besoin d’une révolution technologique ou technique pour propulser un nouvel univers sur le devant de la scène. Miyamoto lui-même l’expliquait clairement, dans une interview pour le magazine japonais Famitsu en 2020 : « Même si les jeux Super Mario font partie d’une série, nous n’en faisons pas que des suites, nous en faisons une œuvre nouvelle quand une nouvelle technologie apparaît, par exemple, quand une Mega ROM de grande capacité est apparue, puis quand la vitesse de traitement du CPU est devenue 16 bits. Une fois que nous avons vu de nouvelles idées et de nouveaux projets qui peuvent être réalisés avec du nouveau matériel, nous le faisons. »
Reste à savoir si l’entreprise a toujours la même capacité d’innovation qu’auparavant. Beaucoup ont tendance à douter de cette affirmation, notamment depuis la fin tragique de Satoru Iwata, développeur de génie (Zelda, Kirby…) et président de Nintendo jusqu’à sa mort en 2015, avant d’être remplacé par Shuntaro Furukawa, plus connu pour être un spécialiste de la comptabilité et du marketing. Mais ce serait oublier trop vite l’héritage légué par la génération dorée (Yokoi, Miyamoto, Iwata, Konno, Tajiri, Sakurai, Takeda) à toute une nouvelle génération de développeurs et d’ingénieurs, qui auront à cœur de faire au moins aussi bien que leurs illustres aînés. Avec une nouvelle technologie et une nouvelle licence en 2023 ?
S’il est impossible de se projeter et d’imaginer l’univers de la prochaine licence Nintendo, on peut en revanche se pencher sur les technologies qui sont au coeur des innovations actuelles en matière de jeux vidéo. La réalité virtuelle, après des débuts ratés, commence doucement à entrer dans les habitudes des joueuses et des joueurs, mais reste relativement confidentielle. La rendre accessible à tous pourrait être une mission tout à fait appropriée pour Nintendo. On pense aussi au Cloud Gaming, qui permet déjà à la Nintendo Switch de faire tourner des jeux qu’elle ne pourrait pas assumer autrement. Cette technologie pourrait permettre à l’éditeur de se libérer des contraintes techniques tout en conservant son modèle si efficace de console hybride… Avec une console qui arrive en fin de cycle, on risque d’avoir la réponse dans les mois qui viennent.