Décryptage

13’Organisé : l’aboutissement du rap marseillais

13 octobre 2020
Par Mathieu M.
13’Organisé : l’aboutissement du rap marseillais

C’était le tube de la fin d’été : Bande organisée, réunissant, autour de Jul, Soso Maness, SCH, Kofs ou encore Elams, annonçait la sortie d’un album collectif, 13 Organisé. 50 artistes de Marseille y sont conviés, de toutes les générations. Sorti le 9 octobre, ce disque replace encore et toujours la cité phocéenne comme LA ville qui compte dans le rap français !

13’Organisé : la b.o. du rap marseillais

Depuis sept ans maintenant, la scène musicale française a été bouleversée par le succès fulgurant de Jul, rappeur et producteur autodidacte qui a capté un public extrêmement large dans tout l’Hexagone. Le garçon ne cache pas ses origines : marseillais pure souche, il a évoqué la ville à de nombreuses reprises dans ses titres et ses clips.

Outre son efficacité mélodique et sa prodigalité (il tourne à deux albums par an, minimum, soit environ une chanson tous les quatre jours…), c’est par sa capacité à multiplier les collaborations que le rappeur phocéen s’est imposé dans le game. Et en particulier dans sa ville : avec Alonzo et Soprano, notamment, il a livré des featurings épiques.

L’aura de Jul sur le rap marseillais ne pouvait s’arrêter là. En août dernier, il annonçait la sortie d’un disque collectif, où se mélangeraient les différentes générations et inspirations du hip-hop phocéen. L’énoncé des artistes présents sur 13 Organisé donne le vertige aux fans de la scène locale : SCH, Soso Maness, Naps, Elams, Alonzo, L’Algérino, Soprano, Don Choa, Keny Arkana, Akhenaton, Shurik’n…  

13 titres, 5 artistes au minimum par morceau, et la présence des membres des trois groupes majeurs de la deuxième ville de France (IAM, La Fonky Family, les Psy 4 de la Rime) : le projet 13’Organisé offre à tous les auditeurs une occasion de se replonger dans l’histoire du hip hop à Marseille, et d’en découvrir les nouvelles voix. Un coup de projecteur bienvenu sur un espace qui a vu naître tant de ténors du rap français !

IAM et la FF, les pionniers toujours en pointe

13 juillet 1990, Palais Omnisport de Paris Bercy. Ce soir-là, la plus grande star de la pop mondiale, Madonna, donne un concert événement. En première partie, six jeunes venus de Marseille vont apparaître. Ils se nomment Shurik’n, Imhotep, Akhenaton, Freeman, Malek Sultan, et Dj Kheops. Depuis six ans, à Marseille, ils œuvrent dans l’ombre à faire découvrir le rap et les autres disciplines du hip-hop (en particulier le turntablism et le breakdance), aux jeunes de la cité phocéenne.

Après cette première partie, le groupe publie son premier album, De la planète Mars, en 1991, dans un style très classique et funky. C’est avec son second disque Ombre est Lumière, puis encore plus avec L’Ecole du Micro d’Argent, que le sextuor confirme définitivement que Marseille, à l’égale de la région parisienne, est un berceau du rap français.

Contrairement aux États-Unis où trois scènes musicales rap coexistent et se différencient au niveau sonore (la Californie avec le rap West Coast, la Nouvelle-Angleterre avec l’East Coast, le Sud avec la Dirty South, la crunk et la trap), Marseille et Paris ne s’opposent pas, et c’est à l’échelle des artistes que l’on va sentir une réelle identité. IAM multiplie les références méditerranéennes, intégrant ici et là des samples en lien avec l’Égypte, auquel ils mêlent de nombreux clins d’œil à l’Extrême-Orient, dans un mélange culturel qui rappelle le Wu-Tang Clan, alors dominant aux États-Unis.

Comme le collectif newyorkais, les membres d’IAM livrent à leurs fans des disques réalisés ensemble, mais aussi des albums solos. Ce faisant, ils présentent au milieu des années 1990 quelques artistes en pointe par le biais de featuring. La légende du deuxième groupe de Marseille, la Fonky Family, se forge ainsi à l’occasion d’un morceau fédérateur pour toutes les Bouches du Rhône : Bad Boys de Marseille, l’ancêtre de Bande Organisée, sort à l’origine sur l’album d’Akhenaton, Métèque et Mat.

Si IAM a toujours réussi à mêler sujets de société, chroniques sombres des quartiers Nord et introspection (et continue de le faire aujourd’hui encore), la Fonky Family introduit à la fin des années 1990 et au début des années 2000 la notion d’égotrip dans le rap marseillais, bien aidé par le charisme des MC Don Choa, Sat l’Artificier et du Rat Luciano. Ceux-ci, comme leurs aînés Akhenaton et Shurik’n, déclineront leurs sens de la formule et leur alternance entre sons festifs et titres plus dark dans leurs projets solos.

À Marseille, le rap entre underground et stade

Au début des années 2000, émerge à Marseille une rappeuse hors des clous. Loin du parcours d’IAM et de la FF, Keny Arkana s’impose dans le milieu underground, en se produisant notamment à la Fiche de la Belle de Mai, haut lieu de la créativité phocéenne. Sa plume engagée et sa rage lui valent une reconnaissance critique et artistique. Aujourd’hui, elle possède toujours un statut à part dans la scène rap marseillaise, par son côté extrêmement politisé. Mais sa technique et son talent lyrical prouvent qu’elle défend haut et fort les couleurs de sa ville.

Au milieu des années 2000, un groupe très pop va soudainement tirer à lui la couverture du rap marseillais : les Psy 4 de la Rime. Alonzo et Soprano, d’abord hardcore avec leur premier disque, apaisent peu à peu leurs plumes pour s’adresser à un public de plus en plus large. Leur album Les Cités d’or, avec ses airs inspirés, qui va beaucoup influencer l’émergence de ce qu’on appelle aujourd’hui la pop urbaine. 

Soprano, en particulier, aborde les ballades et les titres dansants ou fun avec beaucoup de décontraction. Sa carrière solo, couronnée de records dans les charts, désinhibe la scène marseillaise, et aura par exemple anticipé le caractère mélodieux des chansons de Jul.


Le renouveau du rap marseillais dans les années 2010

Sans qu’un point commun esthétique n’existe véritablement à Marseille entre tous ses artistes, le rap phocéen n’a cessé de se développer ces dernières années. En dehors de Jul qui s’est imposé à l’échelle nationale, des personnalités hypercharismatiques ont percé. SCH, avec son côté sombre et hardcore s’est opposé à l’image ensoleillée qu’on attribuait un peu rapidement de la scène locale. Ces derniers mois, Soso Maness, avec son vécu et sa plume hyperréaliste, incarne lui aussi le versant dark du 13.

Plus catchy, les chansons de Naps s’apparentent davantage au rap populaire assez dansant qui fleurit sur les ondes ces dernières années, lui assurant un énorme succès populaire. Elams, dans le courant festif, apparaît comme un des poids lourds actuels de la scène marseillaise, qui ne cesse de voir éclore, dans tous les styles, des enfants du pays, adeptes de l’OM et fiers de leur ville !

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Article rédigé par
Mathieu M.
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