LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur d’Anny M. (Marseille). Mise au monde par un vieux vétérinaire avec pour père un « obsédé par les volcans » Hekla n’a qu’un rêve : devenir écrivaine ! Mais, est-ce bien raisonnable pour une femme dans les années 1960 en terre d’Islande ?
Miss Islande
Le coup de cœur d’Anny M. (Marseille)
Mise au monde par un vieux vétérinaire avec pour père un « obsédé par les volcans » Hekla n’a qu’un rêve : devenir écrivaine ! Mais, est-ce bien raisonnable pour une femme dans les années 1960 en terre d’Islande ?
Éruption de poésie
À vingt et un ans, Hekla quitte la ferme de ses parents en province des Dalir avec dans ses bagages sa machine à écrire, quatre manuscrits et pour lecture « les 877 pages d’Ulysse de James Joyce » qui lui tiendra compagnie dans l’autocar pour Reykjavik. Helka, tel le volcan, « qui bouillonne encore sacrément » et dont elle porte le nom, déborde d’énergie. Nous serons sous le charme de cette battante qui veut s’affirmer comme femme et comme romancière dans un pays où « le mot poète s’emploie au masculin ». Nous suivrons le parcours de cette héroïne énergique, éprise de liberté qui sait trouver du réconfort auprès de son amie d’enfance Isey, prisonnière des tâches ménagères, qui écrit son journal en cachette. Nous vivrons sa relation amicale et ambiguë auprès du séduisant et troublant David Jon Johnson, marin qui veut travailler dans un théâtre comme costumier. Nous partagerons sa rencontre avec Starkadur Pjetursson, « le poète » bibliothécaire intrigué de savoir si « un écrivain est capable de comprendre un autre écrivain » et qui cite Einar Benediktsson « J’ai compris qu’en Islande, il existe un mot pour chaque pensée sur terre »…
Mélange de glace et de feu
Sera-t-elle admise un jour au café Mokka, quartier général des poètes à Reykjavik ? Comment estimer la valeur de ses écrits ? Malgré tout saura-t-elle résister à la proposition de participer à l’élection de Miss Islande, elle dont « chacun des traits est aussi limpide qu’un jour d’été islandais » ?
Rythmé par une cadence originale avec des chapitres courts, ce récit soucieux du détail et de l’harmonie, qui ne manque ni d’élégance ni de dérision, présente des portraits sensibles sans demi-mesure tantôt marqués de lassitude ou détermination, rêverie ou lucidité, solitude ou compagnie. Une solide et fine réflexion sur la place du féminin dans la littérature au cœur d’une société étriquée, dominée par le patriarcat et fort conservatrice.
C’est l’opportunité idéale pour découvrir Auður Ava Ólafsdóttir auteure islandaise couronnée par le prix Médicis étranger 2019 pour ce sixième ouvrage, parmi lesquels Or (2018), l’Exception (2014) ou Rosa Candida (2007), qui avec esprit et d’une précision minérale nous propose un admirable roman sur le déterminisme, la création et l’accomplissement.
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Parution le 5 septembre 2019
Traduit de l’islandais par Éric Boury
Miss Islande, Auður Ava Ólafsdóttir (Zulma) sur Fnac.com
