Tout le monde fait des choses stupides, l’est-on tous pour autant ? Psychologie de la connerie réunit les précieux témoignages de plusieurs intervenants autour de la sottise sous toutes ses formes. L’autodérision est un prérequis pour la lecture de cet ouvrage qui traite avec science et humour de ce mal universel.
Vie et habitat des « bulbes en berne »
…Ou autrement dit : des idiots. « L’insoutenable lourdeur de l’être » : voilà l’objet que Jean-François Marmion, psychologue et rédacteur en chef du Cercle Psy, s’est donné à étudier dans Psychologie de la connerie. Cet ouvrage est un recueil de différentes interventions autour de la thématique de la « connerie » (sic). L’ouvrage alterne joyeusement entre des interviews, des explications psychologiques, des réflexions philosophiques et des encarts explicatifs qui tentent de cerner les caractéristiques de la grande Sottise universelle. Peut-on être intelligent et se comporter comme un idiot ? Être bête et passer pour un cerveau ? Est-ce faire preuve de prétention que de penser que les autres sont « cons » ? Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsqu’on agit bêtement ? D’éminents psychologues, professeurs, chercheurs, neurologues tentent de répondre à ces questions sans détour ni langue de bois.
Distinguer : idiot ou bête ?
Le premier travail de ce livre consiste à établir des définitions précises : un sot n’est pas un abruti qui n’est pas un idiot ni un niais. Tous les auteurs qui ont apporté leur participation à l’ouvrage partent de la même constatation : la nécessité de distinguer les différentes formes de « connerie », lorsque celle-ci n’est pas liée à un trouble des capacités mentales. La bêtise analysée dans ce livre est celle qui transparaît dans des actes, des paroles. Et gare à ne pas la confondre avec la stupidité ! Est stupide celui que tout laisse dans la stupeur, la lippe inférieure pendante. Étymologiquement, le mot « con » viendrait du latin cunnus qui signifie « fourreau » et par extension le sexe féminin, ou coleus qui veut dire « bourse » et par extension le sexe masculin. C’est un fait, la bêtise n’épargne personne : tous les humains sont susceptibles de se comporter comme des bêtes, et comme le dit Jean-François Marmion dans l’avertissement : « Moi-même, je ne me sens pas très bien ».
Le rôle de la psychologie
Réagir bêtement c’est réagir en fonction de nos émotions comme une bête, autrement dit laisser une impulsion aveugler notre raison. La psychologie étant l’étude des comportements humains et des émotions, elle est donc bien à même de répondre à la question. Les intervenants sont de grands spécialistes de la disciple et s’expriment en tant que tels. Psychologie de la connerie opère une vulgarisation efficace en résumant les grandes théories des psychologues sur la bêtise. Par exemple, le travail de Daniel Kahneman (professeur de Psychologie à Princeton et Prix Nobel d’économie) et Amos Tversky (professeur de Psychologie à Stanford décédé en 1996) distingue deux systèmes de pensée différents pour appréhender les situations. Le premier système cognitif est celui que nous utilisons la plupart du temps, il permet d’aller vite en empruntant des raccourcis logiques qui fonctionnent souvent. Ces raccourcis sont appelés « biais cognitifs », Ewa Drozda-Swkowska (professeure de Psychologie Sociale à Paris Descartes) les définit comme : « les différents penchants dans le traitement de l’information et dans le raisonnement qui induisent nos multiples transgressions aux règles de la logique, de la théorie probabiliste, etc. ». Ils peuvent donc causer bon nombre d’erreurs de jugement. Le second système prend le pas sur le premier lors des situations plus complexes, où la solution n’est pas évidente. Il est celui de la réflexion rationnelle consciente et prend plus de temps et d’énergie pour fonctionner. La bêtise viendrait d’un usage trop courant du premier système.
La bêtise est-elle le propre de l’homme ?
À grand renfort de références aux fondateurs de la réflexion sur la question, que sont Gustave Flaubert, Voltaire, Alain Roger et son Bréviaire de la bêtise ou encore Georges Brassens, Jacques Audiard et Pierre Perret, les différents intervenants offrent un regard instructif sur les actions bêtes. Ils incitent le lecteur à l’indulgence car qualifier quelqu’un de bête c’est avant tout satisfaire son égo et enfermer autrui dans une catégorie, lui coller une étiquette. Brigitte Axelrad (professeur de Psychologie et de Philosophie) ajoute même qu’« aucun être humain n’est à l’abri de croire à quelque ineptie, essentiellement parce qu’il est difficile d’accepter le hasard ». C’est donc la volonté de trouver du sens à tous nos actes qui nous rend susceptibles de croire à des bêtises parce que celles-ci nous rassurent, nous réconfortent.
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Parution le 4 octobre 2018 – 377 pages
Visuels d’illustration : ©M. Zut