En 2014, Cyril Dion et Mélanie Laurent sillonnaient le monde pour montrer des solutions aux crises écologiques qui nous guettent. Leur film, Demain, avait conquis plus d’un million de spectateurs. Quatre ans plus tard, la situation de la planète s’est encore dégradée. Face à ce triste constat, Cyril Dion publie un Petit manuel de résistance contemporaine, un guide, une exhortation à se rebeller contre le système en marche.
Cyril Dion, écologiste positif
Né en 1978, Cyril Dion est le cofondateur du mouvement Colibris et de la revue Kaizen : deux initiatives dont le but est de construire une société écologique et humaine. Il est surtout connu du grand public pour son documentaire Demain, tourné avec l’actrice Mélanie Laurent en 2014. Plus d’un million de spectateurs se sont pressés dans les salles de cinéma pour les suivre à travers dix pays, à la recherche d’individus qui auraient changé leur manière d’habiter le monde et adopté un mode de vie respectueux de la nature et de l’environnement. Ces initiatives positives ont eu lieu à Detroit avec la réexploitation de friches, dans une ferme de Normandie où la permaculture a remplacé les OGM, à Copenhague où l’énergie propre est reine, et même en Inde, où les citoyens mettent en place une démocratie directe.
Le parti pris de Cyril Dion ? Alerter sans décourager, faire agir plutôt que faire fuir. C’est ce que l’on appelle l’écologie positive, le documentaire devant produire « un électrochoc d’énergie et d’enthousiasme pour toucher ceux qui se préoccupent le moins de ces sujets ».
Faire sa part
Pourtant, malgré les prises de conscience collectives et la multiplication des projets en accord avec l’environnement, Le Petit manuel de résistance contemporaine s’ouvre, quatre ans plus tard, sur un constat alarmant : « Malgré tous nos efforts, la situation ne cesse de se dégrader, à une vitesse étourdissante. L’été 2017 a battu tous les records : iceberg géant se détachant de la banquise, ouragans à intensité inédite, température la plus chaude enregistrée sur terre, inondations meurtrières en Inde, incendies catastrophiques au Portugal, et en Californie, études plus alarmantes les unes que les autres… ».
Plus que jamais, Cyril Dion enjoint chacun à « faire sa part », leitmotiv du mouvement Colibris, fondé avec Pierre Rabhi en 2006. Le mouvement a été baptisé d’après une légende amérindienne : un jour, des animaux se retrouvent piégés sous des arbres en feux, ils se réfugient tous près d’une rivière, sauf le colibri qui enchaîne allers et retours entre le feu et la rivière, cherchant à éteindre l’incendie, goutte après goutte. Quand les animaux lui demandent d’arrêter, sous prétexte que son action est inutile, il leur répond : « Je fais ma part. »
Faire sa part, c’est consommer local, acheter des vêtements d’occasion, privilégier le vélo à la voiture, manger moins de viande, réparer plutôt que jeter, etc.
Si chacun doit mettre sa pierre à l’édifice, si les initiatives individuelles font les grandes rivières, il convient néanmoins de « passer la seconde », selon les mots de Cyril Dion. Après le ton positif du film, le manuel vise à conceptualiser et à systématiser ce que devrait être une société respectueuse de la nature. L’élan devrait venir des dirigeants d’État ou des chefs d’entreprises, capables de donner l’impulsion, d’embarquer avec eux des millions de citoyens. À eux d’imposer des modèles adaptés aux contextes sociaux, géographiques, aux ressources et savoir-faire disponibles.
Résister
Et pourtant, il ne faut pas attendre que le pouvoir en place invente de nouvelles façons d’habiter le monde : les révolutions culturelles ne viennent jamais des garants du système existant.
N’ayons pas peur de résister, comme l’ont fait les hommes de De Gaulle contre l’armée nazie. Cyril Dion pèse ses mots. Dans les deux cas, on assiste à une extinction de masse volontaire. Résister, cela veut parfois dire saboter, à l’image des Faucheurs volontaires ou des démantèlements de McDonald’s par José Bové. Bien sûr, l’écologie agace, comme tous les changements forts de société, à l’image du discours sur l’égalité homme-femme qui remet en cause une tradition séculaire.
Pour voir grand, l’essayiste appelle le milieu écologiste à s’organiser comme le milieu industriel l’a fait, pour combattre à armes égales. Plus de 1 000 projets ont été recensés sur le site internet du film, Demain : il est possible de constituter un réseau écologiste fort. Il est possible de résister.
Résister, c’est mettre à mal les systèmes qui nous conditionnent. Ils sont, pour Cyril Dion, au nombre de trois : la loi, l’argent et Internet.
Première révolution : mettre en place des démocraties directes. Deuxième révolution : ne plus conditionner travail et argent (en cela, Cyril Dion défend l’idée d’un revenu universel) pour permettre à chacun de développer sa créativité. Troisième révolution : repenser notre consommation des écrans (huit heures par jour pour un Français) pour consacrer plus de temps à la réflexion et se reconnecter avec la nature.
Une autre histoire
Cyril Dion croit beaucoup en la puissance des récits et s’inspire en cela de l’essai de Nancy Huston, L’Espèce Fabulatrice. Les histoires sont une façon d’être au monde et c’est à travers elles que l’on perçoit la réalité. Plus encore, elles permettent de fédérer des millions d’individus, à l’instar du christianisme ou du capitalisme.
Le récit occidental actuel dit que plus l’on accumule des richesses, plus on est heureux. Mais, plutôt que se définir comme un producteur-consommateur, n’aurions-nous pas envie de construire un monde où il fait bon vivre ?
Pour activer le cerveau émotionnel, responsable de nos actions, il faut raconter des histoires qui suscitent l’envie et la créativité. Revenir à un récit de coopération entre la nature et les animaux, comprendre notre interdépendance avec les écosystèmes, se rendre compte que nous sommes la nature et que si nous continuons à la maltraiter, cette attitude mènera à notre propre destruction.
Alors, Cyril Dion continuera de nous montrer les initiatives individuelles et collectives qui participent de ce grand récit environnementaliste. Il fait sien l’adage de Gandhi : « Montrer l’exemple, ce n’est pas la meilleure manière de convaincre, c’est la seule. »
Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau
Historiquement, le terme « écologie », composé du grec oikos (maison, habitat) et logos (science), fut inventé en 1866 par le biologiste Ernst Haeckel, mais Henry David Thoreau l’aurait déjà employé auparavant.
Dans Walden, ou la vie des bois (1854), l’essayiste et poète américain raconte la vie qu’il a passée pendant deux ans, deux mois et deux jours dans une cabane d’une forêt du Massachusetts. Roman du retour à la nature, prémices d’une conscience environementaliste, Walden est un pamphlet contre la société moderne, occidentale et industrialisée, notamment contre les habitants de la ville de Concord.
Dans cette vie en autarcie, Thoreau renoue avec la nature et son rythme, vit selon les saisons. Il cultive ses propres légumes, refuse de chasser et manger les animaux, ne boit pas, ne fume pas : en somme, une existence ascétique, qu’il défend et illustre tout au long de cette œuvre singulière, à la croisée du roman et du journal.