LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur d’Anny M. (Marseille). Leonardo Padura, né à Cuba, a commencé ce roman en 1989 suite à un premier voyage au Mexique qui l’a conduit sur les traces de Léon Trotski à l’occasion d’une visite de sa dernière demeure à Coyoacán. L’histoire de son assassinat sera prétexte, sur les cendres de l’ex-URSS, à une large réflexion sur la « perversion de la grande utopie du XXème siècle ».
L’homme qui aimait les chiens
Le coup de cœur d’Anny M. (Marseille)
Réflexion et Utopie
Ivan, humble correcteur pour une revue vétérinaire, va rencontrer en 1977 sur une plage de La Havane un homme fascinant flanqué de deux magnifiques barzoïs et sera durablement « affecté par l’histoire de ce personnage et par l’effroyable histoire de haine, de tromperie et de mort… ». Ivan va ainsi nous guider tout au long du parcours du révolutionnaire et de son assassin, nous narrant sa propre vie à Cuba.
D’Alma-Ata aux confins de la Russie, puis en Turquie, en France, en Norvège et enfin au Mexique, nous suivrons « l’exil sans visas » de Lev Davidovitch « camarade Trotski », déporté par l’arriviste
Joseph Staline qui l’accuse de « fomenter des campagnes contre-révolutionnaires visant à organiser un parti clandestin hostile aux Soviets ». Trotski, qui vivra dans l’obsession d’un complot dans le cadre des purges staliniennes, était de plus accablé par le poids de la contradiction : « jusqu’à quel point était-t-il possible de s’opposer au stalinisme sans cesser de défendre l’URSS ? »
Force de destruction et Compassion
Nous vivrons la formation d’espion par le mystérieux Kotov de Ramón Mercader del Rio, sous l’emprise manifeste de sa passionaria de mère Caridad, car « il fallait faire la révolution ». Kotov est son mentor, qui saura lui marteler que « les trotskistes étaient les ennemis les plus ambigus des communistes… » et lui faire acquérir la conviction solide que pour gagner il fallait être impitoyable. Ainsi nourri de haine et de rancœur, sachant qu’il était beaucoup plus difficile de garder un secret que de l’arracher, il sera forgé par une idéologie destructive : « un homme qui ne devrait pas mériter la moindre pitié, la moindre commisération », et pourtant…
Un récit palpitant, maîtrisé, avec une éloquence aboutie, respectant l’Histoire (Révolution Russe et Guerre d’Espagne), fort bien construit qui nous fait partager le destin de personnages troubles, ambitieux, obéissants, fidèles, pathétiques ou machiavéliques…
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Paru le 2 octobre 2014 – 816 pages