2017, année Hockney ? 2018 le sera tout autant ! Après la rétrospective que lui a consacré le Centre Pompidou, Catherine Cusset publie aux éditions Gallimard une biographie de l’artiste, intitulée sobrement Vie de David Hockney. Une excellente façon de se (re)plonger dans l’œuvre d’Hockney et de découvrir la vie de cet homme singulier.
La liberté guidant le peintre
La vie de David Hockney a été traversée toute entière par le principe de liberté. Jeune étudiant déjà, il ne s’embarrasse pas des règles et du regard des autres. Il a voulu le meilleur enseignement en art mais fait peu de cas de son diplôme, car il expose déjà. Avec sa peinture, c’est lui-même qu’il expose aussi, très vite, aux petites phrases des contempteurs de l’art figuratif, qui l’accusent de n’être pas « un peintre sérieux ». Mais Hockney est bien trop créatif pour se perdre dans ce jeu ennuyeux dont les règles sont dictées par des critiques toujours plus snobs – et selon lequel il faudrait conceptualiser à outrance chaque coup de pinceau pour gagner le droit de donner le suivant. Si le système ne veut pas de lui, il inventera ses propres systèmes pour rattraper les curieux qui savent admirer des tableaux sans notice. Il comprend cependant que la liberté s’affirme et se martèle : « Je peins ce que je veux, quand je veux, où je veux. »
Cela fonctionnera : David Hockney est reconnu aujourd’hui comme l’un des plus grands artistes vivants. Grâce soit donc rendue à l’audace, et à la persévérance. Car avec la constance de ses bravades, Hockney n’a cessé de remettre en question sa peinture, et d’expérimenter de nouveaux médiums, d’adopter de nouvelles perspectives, de traiter de nouveaux sujets : doubles-portraits, décors d’opéra, paysages sur le motif ou « peintures iPad », pour ne citer que ces exemples.
Il faut beaucoup aimer les hommes
Il faut aussi parler des hommes, qu’il aime avec le même aplomb que la peinture. Deux passions indissociables : les visages et les corps de ceux-là peuplent ses toiles. Et lorsque Peter, le premier grand amour, s’en va, c’est en peinture que Hockney tente de le faire revenir, en vain.
Qu’à cela ne tienne, il se fait un temps le chantre d’un amour libre et insouciant, que les années sida s’empressent de bousiller comme une mauvaise blague. Le monde découvre avec effroi que l’amour peut apporter la mort, Hockney la côtoiera de près : il voit ses amis disparaître, et guette les taches noires sur sa peau et celle de ses amants. Remèdes à la tristesse : le travail et un brin d’insolence pour celui qui passe comme par miracle entre les mailles.
Le rêve américain
Vie de David Hockney se lit aussi comme un constant dialogue entre les Europe et les Etats-Unis, nourri d’allers-retours de l’un à l’autre.
Si Hockney semble d’abord préférer le soleil de Californie à la grisaille de son Yorkshire natal, d’autres voix lui opposent la richesse culturelle de l’Europe, qui finira malgré tout par le rattraper. Il prend le meilleur de l’un et de l’autre : là-bas, l’espace et un certain anonymat qui lui donnent du souffle, ici, son lot de rencontres en plus des attaches familiales, et une autre lumière. En somme, tout est susceptible d’augmenter son art.
Catherine Cusset met forcément du sien dans cette histoire, puisqu’elle-même vit aux États-Unis depuis des années. En même temps, elle s’efface à dessein devant son sujet, et fait semblant de lui confier entièrement les rênes de ce livre. Le style est vif, les phrases sont courtes et efficaces. Les rencontres, les voyages et les succès d’Hockney s’enchaînent à un rythme digne des page-turners anglo-saxons.
L’artiste, c’est lui, pas moi, semble dire Catherine Cusset. On lui donnera tort après s’être plongé dans ce bel exercice d’admiration.
—
Prix Anaïs Nin 2018
Paru le 11 janvier 2018 – 192 pages
Visuel d’illustration : Etienne Girardet