Entretien

Rencontre avec Patti Smith : juste culte !

13 novembre 2017
Par Pauline
Rencontre avec Patti Smith : juste culte !
©dr

L’autobiographie de Patti Smith, Just Kids, centrée autour de sa relation avec Robert Mapplethorpe, a acquis en quelques années le statut de livre culte. Le livre paraît dans une nouvelle édition illustrée. À cette occasion, l’icône punk s’est confiée sur ses goûts littéraires et musicaux et sur sa vision de l’écriture.

L’autobiographie de Patti Smith, Just Kids, centrée autour de sa relation avec Robert Mapplethorpe, a acquis en quelques années le statut de livre culte. Culte, comme son auteure, icône de la musique et des lettres américaines. Culte, comme les photos de Mapplethorpe qui illustrent la nouvelle édition du récit, devenu beau livre. Dans un salon des éditions Gallimard, l’auteure s’est confiée avec simplicité sur ses goûts littéraires et musicaux et sur sa vision de l’écriture.

DevotionDévotion : le nouveau livre de Patti Smith

Le nouveau livre de Patti Smith paraît le 1er novembre 2018. L’artiste multi-facettes revient sur son processus d’écriture et interroge sa pratique artistique. Des observations personnelles sur la création composent ce livre, qui a pour point de départ un séjour à Paris. La nouvelle centrale, Dévotion, est une variation du Faust de Goethe ; elle revisite la forme du conte.

Patti Smith

Quelle différence faites-vous entre votre travail d’écriture dans les années 1960 et vos écrits actuels ?

« Dans les années 1960, j’étais une teenager, je formais mes idées, j’écrivais de manière très énergique. J’écrivais de la poésie à un rythme effréné, en écoutant Jimi HendrixBob Dylan… C’était de l’écriture rapide, du speedy writing. Et j’écrivais sur une machine à écrire ! La machine à écrire impose un rythme que l’on n’a pas sur un ordinateur, tactactactac, c’est du speedy groove. Aujourd’hui, j’écris davantage de prose, de la prose contemplative certes, mais j’écris moins de poésie. Je n’ai pas perdu mon énergie, non, mais j’écris différemment. »

Just Kids est centré autour de votre relation avec Robert Mapplethorpe. C’est un livre empreint de mélancolie, où les fantômes sont nombreux. Est-ce que votre œuvre se construit autour du thème de l’absence ?

« Non pas l’absence, plutôt le souvenir (« remembrance »). Le thème de l’absence est un thème plus existentiel. Ça parle de chaise vide, de chambre vide… Mes livres invoquent les personnes disparues pour les faire revenir. Je « vois » les absents. Je vois Robert, je vois Fred, mon mari, je ne vois pas le vide. »

Avez-vous prévu d’écrire une suite à Just Kids et M Train ?

« Je suis justement en train d’écrire une suite à M Train ! Ce sera différent, mais dans le même esprit, écrit de la même façon. Ce sera comme une sœur pour Just Kids. Cette fois-ci, je vais me concentrer sur mon propre parcours, sur ma relation avec Fred, mon mari. On s’est rencontré à travers la musique, au fil des performances, donc je vais évoquer ma musique, ce qu’elle représente, d’où viennent les paroles… Ce prochain livre sera centré sur ma relation avec mon mari. »

Just Kids version illustree

Quels conseils donneriez-vous à un jeune écrivain ?

« Just keep writing ! Continuez à écrire ! Développez une discipline, écrivez tous les jours. L’esprit est un muscle, il faut l’entretenir, comme un athlète doit s’entraîner pour développer ses capacités. N’attendez pas d’être inspiré. J’écris tous les jours, même si ce que j’écris ne m’est pas forcément utile. Si je n’ai rien à dire, je note un rêve que j’ai fait, ou j’écris sur un livre que je lis… Il faut instaurer une discipline et écrire, écrire. »

Quel est votre livre de chevet ?

« Ça change tout le temps. J’aime les livres et j’ai en permanence une pile de livres sur ma table de chevet. Le mois dernier, j’avais La Petite Bijou de Patrick Modiano, que j’ai lu, relu et relu. En ce moment, j’ai une petite pile de trois livres : Ariel de Sylvia Plath, les lettres d’Arthur RimbaudI Promise To Be Good, et Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. »

Le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

« Il y en a deux. Les Quatre Filles du Docteur March de Louisa May Alcott. L’un des personnages, Jo March, est écrivain et je me suis beaucoup identifiée à elle quand j’étais petite. J’aimais tellement les livres ! Jo March m’a permis de me dire que, oui, je pouvais le faire, je pouvais écrire moi aussi.

Quand j’étais plus petite encore, j’ai lu Le Géant égoïste d’Oscar Wilde, une sorte de conte de fées. J’ai trouvé qu’il y avait quelque chose d’inhabituel dans ce livre, quelque chose de différent qui émanait de cet auteur. Je ne savais pas qui était Oscar Wilde, mais je me suis dit que, si je devais écrire, je voulais que mes histoires soient spéciales, je voulais faire quelque chose qui soit, comme Le Géant égoïste, inhabituel.

J’ai commencé à lire très jeune. Ma mère et mon père lisaient tout le temps, et je voulais savoir ce qu’il y avait dans ces livres ! J’ai demandé à ma mère de m’apprendre à lire. Ma mère était serveuse, elle n’a jamais fait d’études supérieures, mais elle m’a appris à lire quand je lui ai demandé. »

PATTI SMITH PHOTO web 4

Le livre qui vous fait voyager, qui vous détend ?

« Je lis pour être transportée. J’aime Patrick Modiano pour ça. Il me transporte dans Paris, dans son Café de la jeunesse perdue. Plus jeune, j’ai beaucoup lu Françoise Sagan également. Les livres de Patrick Modiano, ce sont des livres que je lis et relis, car Modiano produit cette atmosphère dans laquelle on veut rester, on veut être dans cette mélancolie, on veut errer dans ces rues, à la recherche de ce « quelque chose ». J’aime lire Pinocchio aussi. »

Quel est votre auteur de prédilection ?

« C’est impossible de répondre à cette question… J’aime plein d’auteurs pour des raisons très différentes. J’aime Roberto Bolaño, j’aime Murakami… Je peux dire que mon livre préféré est Le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse – oui c’est mon livre préféré – mais je ne pourrais pas dire que Hermann Hesse est mon auteur préféré. Il y a tellement d’auteurs que j’aime. »

Quelle musique illustrerait le mieux votre livre Just Kids ?

« Des disques de Tim Buckley et de Tim Hardin. C’est la musique que Robert et moi écoutions. Tim Hardin a écrit How Can We Hang On To A Dream. On écoutait beaucoup cette chanson, c’était notre chanson à nous, notre chanson triste. La musique de Tim Buckley, on l’écoutait tout le temps. On n’avait pas beaucoup de disques, alors on écoutait les mêmes : Goodbye and Hello de Tim Buckley, Black Sheep Boy de Tim Hardin que je chantais à Robert… On écoutait Édith Piaf aussi. Cette musique, c’est celle qu’on écoutait à Brooklyn, dans notre petit monde à nous. »

Les éditions Gallimard ouvrent leur galerie d’art

Un nouveau pont se dresse entre art et littérature grâce à la galerie Gallimard ouverte ce 11 novembre 2017. Dans l’immeuble occupé par Gallimard Jeunesse, au rez-de-chaussée, le grand public peut désormais admirer le patrimoine Gallimard, entre archives et pièces inédites. La première exposition – la galerie en proposera six par an – célèbre Patti Smith, à l’occasion de la parution de l’édition illustrée de Just Kids.
Galerie Gallimard : 30, rue de l’Université, Paris 7e

Parution le 26 octobre 2017

Just Kids, édition illustrée, Patti Smith (Gallimard) sur Fnac.com 

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Article rédigé par
Pauline
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