Dans son roman Les Pêcheurs d’Étoiles, Jean-Paul Delfino dépeint de manière saisissante la vie parisienne des années 20, et fait surtout le portrait de deux artistes : Blaise Cendrars et Erik Satie. Ces hommes à la personnalité bien différente s’entendent pourtant dans leur quête pour retrouver Jean Cocteau, au cours d’une épopée nocturne aux airs de rêverie surréaliste. Coïncidence : c’est en outre un bel hommage à Erik Satie, puisque l’année 2016 fête son 150e anniversaire.
Dans son roman Les Pêcheurs d’étoiles, Jean-Paul Delfino dépeint de manière saisissante la nuit parisienne des années 20, et fait surtout le portrait de deux artistes : Blaise Cendrars et Erik Satie. Ces hommes à la personnalité bien différente s’entendent pourtant dans leur quête pour retrouver Jean Cocteau, au cours d’une épopée nocturne aux airs de rêverie surréaliste. Coïncidence : c’est en outre un bel hommage à Erik Satie, puisque l’année 2016 fête son 150e anniversaire.
La rencontre de deux esprits
Dans un troquet de Montmartre, Le Chien qui fume, où trône l’épagneul empaillé du propriétaire, une bande de travailleurs russes immigrés se soûlent allègrement. Apparaît alors un petit homme à l’allure cabossée, discret et sans le sou, mais qui parle leur langue… Il s’agit du poète et écrivain Blaise Cendrars, caché sous son béret. Dans un bras de fer, il bat à plate couture leur chef, un géant musclé surnommé « le Baron noir », démontrant là l’endurance et la confiance d’un homme qui n’a rien à prouver.
Survient ensuite Erik Satie, compositeur à l’allure de faune, vêtu de son sempiternel costume de velours, pour s’entretenir avec le poète. Les deux se retrouvent après une longue période d’apprivoisement ; sur dix ans, ils ne se sont croisés que quelques fois, et avec méfiance. Le compositeur réclame un ballet que Cendrars lui aurait promis, et que celui-ci assure avoir envoyé par Lettre-Océan. Satie est persuadé que Jean Cocteau, ancien collaborateur qu’il abhorre à présent, lui a volé cet argument d’opéra. Les deux compères partent alors à sa trace, traversant tout Paris.
Pour Jean-Paul Delfino, cette histoire est celle de « losers », qui n’ont pas obtenu la reconnaissance de leurs pairs et vivent chichement de leur art. Ce choix de figures un peu marginales à l’époque témoigne de la tendresse pour les êtres humains qui anime l’auteur.
Les années folles ressuscitées
Tel un Minuit à Paris littéraire, Les Pêcheurs d’étoiles fait se rencontrer la crème de l’avant-garde artistique de l’époque, tous rendus à la vie pour le plus grand plaisir du lecteur. Tandis que les deux compères arpentent la Ville Lumière, de la Closerie des Lilas au Père Lachaise, de L’Opéra Garnier jusqu’à la banlieue rouge, de night-clubs en bastringues, ils croisent des personnages hauts en couleur, dont le talent est aujourd’hui plus que reconnu : des peintres comme Chagall, Modigliani, Toulouse-Lautrec, les époux Robert et Sonia Delaunay, mais aussi le cinéaste Abel Gance, l’acteur Charlie Chaplin, et le poète Apollinaire.
En réalité, Jean-Paul Delfino qui est aussi scénariste, situe son livre entre les films La Traversée de Paris et Un singe en hiver, en avouant que ce roman devait d’abord être un scénario. Devenu un roman, celui-ci s’inspire des voyages que l’on rêve de faire. Le véritable point focal des pêcheurs d’étoiles est surtout l’amitié entre ces deux rêveurs, car si Cendrars avait beaucoup voyagé, il n’en était pas de même pour Satie.
Un « premier roman » longuement réfléchi
Jean-Paul Delfino n’a pas son pareil pour dépeindre une ambiance, un lieu, des personnages. Il a reçu de nombreuses distinctions, en tant qu’auteur de romans historiques très documentés qui expriment sa grande passion pour l’histoire du Brésil, à laquelle il a dédié quinze ans de sa vie : Corcovado (prix Amerigo-Vespucci 2005) ; Pour tout l’or du Brésil ; Pour l’amour de Rio ; Brasil ; Saudade ; 12 rue Carioca.
Depuis des décennies il mûrit ce projet Les Pêcheurs d’étoiles, qu’il considère un peu comme son « premier roman », où il déploie encore tout son talent. Son écriture très imagée donne vie au passé comme si on y était. Dans un style élégant, il régale le lecteur de belles trouvailles et d’expressions délicieusement surannées. Le voyage dans le temps est d’autant plus saisissant que, sans en avoir l’air, les détails historiques qui parsèment le récit témoignent d’une connaissance et d’une étude approfondie de l’époque.
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Parution le 1er septembre 2016 – 256 pages