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Le roman polisson de Jim Harrison

01 septembre 2015
Par Jean-Christophe
Le roman polisson de Jim Harrison
©DR

FAUX ROMAN POLICIER – L’inspecteur Sunderson est de retour ! Après Grand maître, Jim Harrison nous offre une nouvelle aventure d’un personnage que l’on n’imagine pas autrement que sous ses propres traits de bourlingueur, une cigarette au coin de la bouche. D’une écriture âpre comme un vieux whisky, Harrison nous révèle avec une acuité intacte et fascinante toute l’étendue de la part sombre du rêve américain.


FAUX ROMAN POLICIER –
L’inspecteur Sunderson est de retour ! Après Grand maître, Jim Harrison nous offre une nouvelle aventure d’un personnage que l’on n’imagine pas autrement que sous ses propres traits de bourlingueur, une cigarette au coin de la bouche. Un personnage qui est surtout prétexte à des digressions faisant mouche, offrant un voyage unique au cœur de l’Amérique profonde. D’une écriture âpre comme un vieux whisky, Harrison nous révèle avec une acuité intacte et fascinante toute l’étendue de la part sombre du rêve américain.   

Un flic à la retraite

Si Sunderson est dorénavant fraîchement retraité, son passé de flic lui colle à la peau et charpente toujours sa vision du monde. Suite à une aventure rocambolesque pour récupérer sa fille adoptive en fugue avec un rockeur entre New York et Paris, Sunderson se retrouve avec une petite somme cyniquement escroquée qui lui permet d’acheter un chalet dans le Nord du Michigan. Ce paradis pour pêcheur dont il avait toujours rêvé n’a qu’un seul défaut. Il a pour voisinage la famille Ames, caricature dégénérée de ce que peut produire de pire l’Amérique profonde, et qui, depuis des décennies et plusieurs générations, fait trembler toute une région. Une situation qui va attiser l’instinct d’enquêteur toujours à vif de Sunderson et lui faire reprendre doucement du service, mais cette fois, en amateur.

Grand maître        Jim Harrison        Péchés capitaux

Ceci n’est pas un roman policier

Comme dans la précédente aventure de Sunderson, Jim Harrison se joue des clichés du polar, genre qui cherche le plus souvent la vérité sur un crime commis, en découvrant, poursuivant et attrapant le coupable pour le mettre hors d’état de nuire. Dès la page de garde, le sous-titre, entre parenthèses, prévient les lecteurs : il s’agit bien d’un « faux roman policier ». L’auteur insiste, car le premier mot est le plus important. Oui, c’est bien cette fausseté que revendique l’écrivain comme sujet.

Celle-ci peut symboliser l’Amérique et le rayonnement de ses valeurs soi-disant universelles, qui laisse oublier que le pays a été construit sur une violence originelle, perpétuée sous différentes formes. La fausseté peut aussi être celle des sources de la brutalité, les fameux « Big Seven » de la religion chrétienne, ces sept péchés capitaux qui façonnent ici en creux, et plus qu’ailleurs, une nation revendiquant haut et fort ses croyances. Ou bien encore, la fausseté peut symboliser le non-dit, l’inexpressivité, le cloisonnement par les clichés religieux, politiques, hollywoodiens, voire même ceux des genres établis en littérature.

Reste que si Péchés capitaux se joue si plaisamment des faux-semblants, c’est bien grâce à l’écriture. De l’auteur à ses personnages clés, tous écrivent, décrivent et dévoilent une violence dont ils ne veulent plus. Ils la voient, la mettent en mots, enquêtent dessus, quitte à faire de cette violence le huitième péché capital et la seule vraie coupable.

Mettant en scène un Sunderson prompt à la gourmandise et surtout à la luxure, Harrison s’attarde, avec un talent intact et une prose vivante et attentive, sur ce délicat passage du véniel au mortel.   

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Brice Matthieussent
Parution le 2 septembre 2015

Péchés capitauxJim Harrison (Flammarion)

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Article rédigé par
Jean-Christophe
Jean-Christophe
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