Critique

Il était une fois dans l’Est, d’Audren

07 juillet 2015
Par Anne K
Il était une fois dans l'Est, d'Audren
©DR

Le jour de la chute du mur de Berlin, j’avais 7 ans. Je me souviens que mes parents restaient devant la télévision, qu’ils souriaient, qu’ils disaient que c’était une super nouvelle, enfin ! La liberté pour ces pauvres Allemands de l’Est. Enfin ! Ils vont pouvoir vivre. Je ne comprenais pas bien ce que ça voulait dire… Ni pourquoi les gens pleuraient dans la télé. J’avais le même âge qu’Anna, qui, elle vivait cela de l’intérieur.

Le jour de la chute du mur de Berlin, j’avais 7 ans. Je me souviens que mes parents restaient devant la télévision, qu’ils souriaient, qu’ils disaient que c’était une super nouvelle, enfin ! La liberté pour ces pauvres Allemands de l’Est. Enfin ! Ils vont pouvoir vivre. Je ne comprenais pas bien ce que ça voulait dire… Ni pourquoi les gens pleuraient dans la télé. J’avais le même âge qu’Anna, qui, elle vivait cela de l’intérieur. Et qui, elle non plus, n’a pas tout compris. 

Il était une fois dans l’Est…

Plus que quelques semaines et Anna recevra son tant attendu foulard de pionnier. Et ça, ce n’est pas n’importe quoi. Elle l’attend avec tellement d’impatience… Elle s’est entraînée cent fois à nouer celui de son frère devant la glace ! Elle va enfin avoir le sien. Un jour, peu de temps avant cet événement, alors qu’elle trouve la porte de l’école close, sa mère vient la chercher, particulièrement heureuse, exaltée. Ça y est ! Le mur est tombé ! Les frontières sont ouvertes. La liberté, enfin… 

Mais, alors que tout le monde se retrouve le lendemain à Berlin pour prendre conscience de ce qui se passe, Anna et son grand frêre sont perdus. Entre joie et peur, leur vie si grise, mais si rassurante, cadrée, où l’imprévu n’existe pas, où la lessive est commune à tous, où la banane est un fruit rare, leur manque presque… À l’Ouest, c’est le danger, la violence. On le leur a tantrépété qu’ils en sont persuadés. Leur vie à l’Est est si identique à celle de leur voisin de palier, que la mixité soudaine les effraie. 

Souvenirs et témoignage

Audren s’est largement inspirée des souvenirs de son amie Anke, qui lui a confié tout ce dont elle se souvenait de son enfance allemande. L’odeur de la lessive de l’Ouest dont sa mère raffolait, la tête du lit de ses parents qui semblait grésiller, comme s’ils étaient mis sur écoute, les oranges désirées… Ces bribes de quotidien font de ce roman un témoignage fort. On imagine beaucoup mieux les difficultés d’adaptation à l’Ouest quand on découvre le cadre et les diktats au sein desquels ces enfants ont grandi. Anna et moi, nous sommes nées la même année, et je m’étonne encore aujourd’hui de ce qu’elle a vécu pendant que, moi, je buvais du Coca Cola en regardant les dessins animés du Club Dorothée, et en partant en vacances dans d’autres pays que le mien. 

C’est incroyable, encore aujourd’hui, de lire ce qu’elle a compris plus tard : les mensonges de sa mère pour la protéger, les mystères de son père lorsqu’il partait en mission, les reproches des anciennes générations quant à leur endoctrinement… Anna, avec la naïveté de son âge, nous relate des faits, des impressions, des souvenirs, dont elle n’a pris conscience qu’une fois adulte. 

L’Histoire à travers les yeux d’un enfant

Il était une fois dans l’Est, c’est un roman-témoignage, essentiel pour comprendre cette époque. Un mot a d’ailleurs été inventé pour désigner cette peur de la liberté soudaine : l’ostalgie, la nostalgie de l’Est. Anna mettra près d’un an à se faire à cette nouvelle vie… Elle ne rejette pas ses souvenirs de l’Est, ils font partie d’elle, de sa construction. Elle le dit :

« Mon enfance n’était pas moche… Je ne veux pas l’oublier… mais je voudrais me souvenir d’autre chose que ces images communes à tous les petits de l’Est. Je ne peux pas. Le communisme, c’est peut-être ça aussi . La mise en commun de tous nos biens… »

Audren est une auteure douée, on le sait. Avec Il était une fois dans l’Est, elle mêle son humour déjà bien connu à la vie parfois difficile de son amie. Avant, je portais sur la chute du mur de Berlin une vision plutôt manichéenne. Quand je pense à ce roman, je me dis que c’est bien plus compliqué…

Lire Il était une fois dans l’Est, c’est vivre un moment-phare des années 1980-1990, à travers les yeux d’une enfant. Historiquement, c’est un roman incroyable, à juste titre devenu un classique. 

À partir de 12 ans

Il était une fois dans l’Est, Marie-Aude Murail (L’École des Loisirs) sur Fnac.com

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Article rédigé par
Anne K
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