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Héloïse, ouille ! Coitus in-interruptus

08 avril 2015
Par Melanie C.
Héloïse, ouille ! Coitus in-interruptus
©DR

Des amours d’Héloïse et Abélard, nous retenons essentiellement la correspondance passionnée et érudite des deux malheureux tourtereaux, tragiquement séparés et condamnés respectivement à un chaste exil monastique. Avec « Héloïse, ouille ! », Jean Teulé revisite le mythe des amants maudits et éternels en s’amusant à soulever les jupes longues d’une histoire officielle bien trop sage.

Retranchée derrière ses bigoteries, l’histoire se sera en effet souvent contentée d’effleurer cette année et demi, entre 1118 et 1120, durant laquelle le célèbre philosophe et théologien Pierre Abélard et sa jeune étudiante Héloïse d’Argenteuil se livrèrent à de fiévreux ébats. Un heureux « oubli » pour Jean Teulé, qui a trouvé là l’opportunité inopinée de s’engouffrer entre les lignes de l’intrigue amoureuse, dans l’intimité quotidienne de ces travaux très pratiques.

Ainsi l’écrivain a-t-il pris un libertin plaisir à dérouler par le menu ces fameux cours du soir donnés à l’étage de la maison du chanoine Fulbert, l’oncle d’Héloïse. Nous y découvrons un précepteur particulier très à son affaire, prenant le soin et le temps de transmettre à la belle orpheline sa solide expérience de la dialectique des corps. Et la jeune fille de se révéler en retour une élève particulièrement assidue et dégourdie. L’occasion pour Jean Teulé de ressusciter toute une langue, vivante et truculente, en passant en revue les meilleures entrées du dictionnaire érotique du Moyen-Age classique. On « coulisse le conduit », on « hurtebille à la sauvage », on « bèche le gaufrier » et on tient bon « le goupillon »… Bien loin des canons de l’amour courtois d’un Tristan et Iseult, autre « best seller » du XIIe siècle. Il y a, au contraire, dans cet Heloïse, ouille ! de quoi faire rougir les 50 Nuances de Grey de E.L. James.

Portrait Jean Teulé

Jean Teulé © Philippe Matsas / Opale / Editions Robert Laffont

Aussi polisson soit-il, Jean Teulé n’en néglige pas pour autant sa réelle passion pour l’histoire. Et c’est notamment avec la plus grande rigueur qu’il redonne vie à ce Paris du XIIe siècle. Il nous promène au gré des rues de l’Île de la Cité, au-dessus des Petit et Grand-Pont, le long des berges de l’ancien port de Saint-Landry, jusque sur les hauteurs de la Montagne Sainte-Geneviève aux flancs couverts de vignes. Et c’est avec la même rigueur que Teulé raccroche son chapitre parisien au reste du récit, plus connu : elle, prenant le voile au couvent d’Argenteuil, lui, marqué dans sa chair, rejoignant l’abbaye de Saint-Denis. Mais tout en restant fidèle aux réalités historiques, l’auteur n’en abandonne pas moins sa verve gourmande, rabelaisienne, et ce jusqu’au dernier souffle d’Héloïse, tombant dans les bras, déjà inertes, de son Abélard, un jour de mai 1164.

Entre envolées érotiques fleuries et lyrisme médiéval, Jean Teulé dépoussière cette histoire d’amour total, en ravive toute la modernité, érigeant les tribulations d’Héloïse et Abélard en modèle d’insoumission et de liberté. Lui en chantre de la tolérance et du questionnement permanent, et elle, surtout, en figure féminine à la dignité magnifique, championne de la passion sans entrave et revendiquant son droit au désir

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Article rédigé par
Melanie C.
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