Vous vous demandez souvent quels sont ces affreux petits livres gris que lisent vous enfants ? Ou vous ne pouvez pas vous empêcher de jeter un coup d’œil sur cette BD immature que lit votre voisin dans le bus dans l’espoir de le surprendre en train de lire un truc porno ? Je vous propose de regarder de plus près ces bandes dessinées du Soleil Levant et vous verrez que les manga ne sont peut être pas l’instrument du démon – ou presque.
« Bon déjà c’est chiant, c’est écrit à l’envers. »
Alors ça commence bien. Les manga se lisent de droite à gauche et de haut en bas, tout simplement parce que c’est le sens de lecture japonais (du moins un des sens possible !). Depuis quelques années la plupart des éditeurs français ont choisi de respecter le sens original de lecture au lieu de recomposer l’album dans le sens européen. Qu’on se rassure la transition se fait en douceur et au bout de deux – trois pages vous serez déjà un expert. D’ailleurs la plupart des volumes proposent une planche mode d’emploi en fin d’album (ou au début pour un lecteur francophone).
« Et puis c’est bizarre c’est que du noir et blanc, ils ont l’argent pour la couleur pourtant. »
Outre le fait que c’est une contrainte à la base héritée des restrictions de l’Après-Seconde Guerre mondiale, c’est un mode de production propre au médium nippon. La grande majorité des manga paraissent en revues et dans des magazines au Japon, avec un rythme de parution très élevé. Et de ce fait, les planches sont pensées en noir et blanc pour tenir les délais (ces revues comportent plusieurs centaines de pages) et pour que les journaux de prépublication ne coûtent pas trop chers. Cette contrainte pousse les mangaka à trouver d’autres solutions comme les trames, les lignes de force, l’absence ponctuelle de décors, etc.
Une fois publiés en recueils – Tankōbon (correspond à ce que nous avons en France) ou Bunko (mini recueil au format A6, plus compact) – certains auteurs colorisent les premières pages pour capter l’attention du lecteur, c’est l’accroche.
« Alors c’est bien gentil tout ça, mais c’est quand même très violent… »
Comme pour la bande dessinée, les auteurs de manga explorent tous les genres. De la romance adolescente aux récits de fin du monde, en passant par les compétitions de base-ball et les combats de robots. C’est surtout avec les animes (dessins animés) diffusés sur TF1 dans le Club Dorothée qu’apparaît cette mauvaise réputation. Certains animes, plus violents, ont été diffusés à des heures de grandes écoutes (et à destination des plus jeunes) et les médias s’en sont emparés. Mais il serait réducteur de s’en tenir là, ces œuvres sont des adaptations de quelques-uns des manga les plus populaires au Japon et se destinent à un public a priori un peu plus âgé que celui du Club Dorothée, et puis surtout les différences culturelles entre les deux pays font que ce qui paraît violent aux occidentaux – par exemple Hokuto no Ken (Ken le Survivant donc !) – ne le paraîtra pas au sein de l’archipel.
« … et idiot. »
Héritage encore une fois de la même émission où beaucoup d’épisodes étaient censurés, coupés, remontés à la va-vite,… rendant tout ceci un peu étrange et simplet. Que dire des doublages au pied levé où les comédiens inventaient le texte au fur et à mesure n’ayant pas traduit les dialogues originaux.
Une belle idée reçue diffusée par les gens qui ne lisent pas de manga.
« OK. Mais c’est quand même exagéré avec les filles aux grands yeux et les marteaux de 100 tonnes qui leur tombent dessus. »
Beaucoup de manga intègrent une bonne dose d’humour dans leurs planches. Et ce, depuis Osamu Tezuka, aka le Dieu du manga. Il n’est pas rare qu’au plus fort d’une action, un personnage ou un détail humoristique détourne l’attention du lecteur. C’est pareil pour les marteaux de 100 tonnes : dans City Hunter (Nicky Larson), le détective privé se prend ces exagérations pour réfréner sa libido hors contrôle, mais entre deux enquêtes relevant du polar très noir. L’humour et la légèreté permettent ainsi de détendre l’atmosphère et d’inviter le lecteur à poursuivre cette série sombre et grave.
Les grands yeux expressifs, ne représentent qu’une petite partie de la production (souvent dans les shôjo), et relèvent d’un code graphique plutôt qu’un genre. Ce type de dessin est utilisé ponctuellement pour renforcer les expressions ou les émotions d’un personnage et souvent cette exagération, voulue, renforce le grotesque de la situation.
« Très bien, mais il ne se passe pas grand-chose dans ces manga. En vrai. »
Plus volumineux, en taille et en nombre d’albums, vous avez remarqué que les mangaka semble prendre leur temps, à la différence des auteurs de bandes dessinées européennes. En effet le manga se base sur une narration et un découpage plus contemplatif avec une décomposition du temps et des cadrages différents. À l’inverse, beaucoup de manga utilisent la « décompression », une multiplication de l’image et un découpage plus rythmé de l’ellipse temporelle.
De même, on s’intéresse à la psychologie des personnages, aux émotions de ces derniers plus qu’à l’action. Les lecteurs de manga suivent avec passion l’évolution et le cheminement de leurs personnages préférés ; leur quotidien, leurs rêves et leurs doutes sont l’objet de centaines – de milliers – de pages entre les actions principales. Le manga semble être le médium papier qui a su le mieux tirer avantage du langage cinématographique et de sa cinétique particulière.
« Tout cela est bien gentil, mais quand on achète un manga, il est fini en deux minutes ! »
Le rythme de lecture diffère des albums que nous lisons habituellement, pourtant les manga font plusieurs centaines de pages, contre une cinquantaine pour les albums dits franco-belges. Mais la narration et le découpage permettent de décomposer certaines actions où de suspendre ces dernières le temps d’une réflexion ou d’un flash-back.
L’action se déroule au fil des volumes et c’est un petit investissement il est vrai, pour certaines séries. Mais il en existe aussi de très courtes qui sont géniales : Pluto, récemment ou Death Note par exemple.
« Bon, je suis convaincu, mais par quoi commencer ? »
Question facile, faites un petit tour dans notre catégorie Conseils Mangas! Laissez-vous guider selon le genre recherché : Seinen (adultes), Shônen (à la base destiné aux ados), Shôjo. C’est encore le plus simple ! Kuro, Un cœur de chat, Tome 1 © Sugisaku – Kana 2015